Suite de la scène14
ROSIE
Mais où sont-ils passés ? Je ne vois plus personne.
Seraient-ils donc partis ?
VOIX DE DAKTARI
Tu viens, oui, la bobonne ?
J’en ai presque fini avec cette muraille.
ROSIE
Un tel désert ici ne me dit rien qui vaille.
(Cri étranglé de Daktari)
Qu’y a-t-il, ô seigneur ? Pourquoi as-tu crié ?
Réponds-moi, je te prie. Te serais-tu blessé ?
(Silence)
Réponds, je t’en supplie. Interromps ce silence !
(Toujours aucune réponse)
Je n’ose m’avancer. Je crains que cette engeance
N’ait la stupide idée de me prendre pour cible.
Daktari ! Parle-moi ! Vraiment, il est pénible !
Admettons-le pourtant : ce n’est plus de son âge
De brandir une masse et de faire un carnage.
Il doit être étendu asphyxié sur la glace
A moins qu’une vertèbre explosée il replace.
Allons le retrouver.
(Elle disparaît. Un cri. Elle reparaît)
Disparu lui aussi !
Il n’y a plus de trou ! Ah bien, c’est réussi !
Me voilà isolée dans ce lieu déplaisant.
Vous tous, où êtes-vous ? Oh mon Dieu, quel tourment !
Mais que vois-je à mes pieds ? Un bout de chiffon rose ?
(Elle se baisse, ramasse le chiffon.)
Il n’y en a pas qu’un : mais qui donc ici ose
Salir cette blancheur en semant tout du long
Cette étoffe miteuse et qui ne sent pas bon ?
On dirait… Oui, bien sûr ! L’initiale tissée
Sur le coin du mouchoir par les déshérités…
La Madone est partie. Elle l’a emmenée
Et dans un piège affreux nous sommes tous tombés !
(La porte s’ouvre, deux ours avec un béret jaune surgissent et se jettent sur elle.)
LE PREMIER OURS (bâillonnant Rosie qui se débat et la maintenant solidement)
Bien parlé la rombière, amène tes kilos !
(A son compagnon)
Pique-lui donc son arme à savoir ses sabots !
LE SECOND OURS
La voilà déchaussée. Elle est inoffensive.
LE PREMIER
Restons pourtant prudents et sur la défensive.
LE SECOND
Retournons dans l’igloo et prévenons la reine
Du succès de son plan. Cela valait la peine
D’attendre un petit peu avant le mitraillage.
LE PREMIER
Quelle prise de guerre ! A présent, quatre otages !
(Ils rentrent dans l’igloo avec Rosie. Un grand moment de vide. Puis, quelques silhouettes réapparaissent au loin et s’approchent prudemment. On reconnaît l’armure de Cunégonde et le palanquin de la Grande Ourse.)
LA GRANDE OURSE (Légèrement caustique)
Bravo pour votre plan. Dans le genre manqué
On ne peut faire mieux.
CUNEGONDE
Là, je suis sidérée.
Comment donc votre sœur a-t-elle pu savoir
Ce que nous complotions au sein de ce boudoir ?
LA GRANDE OURSE
Ses espions, je le sais, touchent même le trône.
FIFI
Quelqu’un était caché derrière un grand pylône.
LANLAN
Et a tout entendu. Et a tout répété.
CUNEGONDE
C’est enrageant, vraiment, d’avoir été piégé.
Mais où sont donc Rosie et le fier Daktari ?
Dans le désert glacé ils se seraient enfuis ?
FIFI
Madame, hélas, je crains qu’ils n’aient de la Madone
Subi le triste sort et qu’il n’y ait maldonne.
Loin d’avoir libéré nos pauvres compagnons,
Nous avons à présent perdu deux autres pions.
LANLAN
La chose est ennuyeuse, il faut en convenir.
Nous donnons à la sœur bientôt de quoi remplir
Un réfrigérateur d’otages en déroute.
CUNEGONDE
Sur mes capacités, tout à coup, j’ai des doutes.
La grâce des élues m’aurait-elle quittée ?
A de grosses erreurs serais-je destinée ?
Et si tout ce génie, qui fit tant de prouesses,
De mon ex venait ? Adieu donc la sagesse !
LA GRANDE OURSE
Vous délirez, ma chère, et ce n’est pas bon signe.
Reprenez-vous un peu et sachez rester digne.
FIFI
Ah, Madame voyons, soyez plus raisonnable.
Je fréquente la cour, ce lieu si délectable,
Et puis vous assurer que votre ancien mari
N’a plus dans sa besace une once de génie.
LANLAN
En a-t-il eu un jour ?
FIFI
Là n’est pas le propos.
LANLAN
Cela l’est, mon ami, pour preuve le chaos
Qui dans ce bel esprit sème la confusion.
CUNEGONDE
J’ai grand besoin, je crois, d’une bonne infusion.
Retournons au palais, cogitons de nouveau :
Il faut qu’absolument fonctionnent nos cerveaux.
(Tout le monde repart en direction du palais.)
(A suivre)