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Famille

Publié le 23 septembre 2008 par Dunia

Mi papa, mi abuelita y mi mama

De la fièreté à l’inquiétude

Mi papa

L’autre jour mon papa est venu avec une surprise en poche: une clé USB qu’il m’a offert. La clé m’a fait plaisir. Mon papa beaucoup plus. Mon papa a une multitudes de manies, de défauts et… bref, c’est un être humain imparfait comme tous les êtres humains le sommes, même si la progéniture voudrions nos parents parfaits. Mais il a deux choses dont il ne manque pas: de l’intelligence et une superbe faculté pour l’apprentissage de choses nouvelles, en particulier les technologies. Pour ma part j’ai appris ce qu’est une clé USB en janvier de cette année. Et lui, avec ses 74 ans, alors que beaucoup de personnes de son âge sont totalement larguées avec l’informatique, se ramène avec une clé USB. Rien d’extraordinaire opineront certains. Pour moi ça l’est. Comme beaucoup de femmes et d’hommes nés dans les années trente, d’origine modeste, mon père n’a été scolarisé que deux ans. Il sait tout de même écrire, compter, se fait comprendre en trois langues -castillan, français et italien- et dans sa jeunesse il figurait parmi les meilleurs maroquiniers de Loewe , une entreprise espagnole de maroquinerie de luxe appartement actuellement au groupe Louis Vuitton. Arrivé en Suisse, il apprit un nouveau métier -l’imprimerie- et devint chef de son entreprise. Tout passait par lui. A côté de cela il aime, comprend et s’adonne avec facilité aux changeantes nouvelles technologies comme la photographie ou l’ordinateur. Oui! Je suis fière de mi papa! Ce n’est pas un grand philosophe certes, mais son intelligence m’épate quand même!

Mi abuelita

Il y a un mois ma grand-mère a failli mourir. A moitié inconsciente depuis plus d’un an, elle s’est tout de même accrochée à la vie. Depuis, mi abuelita se porte -presque- comme un bouton de fleur. Personne dans la famille n’est dupe. Nous savons tous qu’elle nous quittera bientôt, mais elle nous a rassurés. Surtout ses enfants qui culpabilisent de la laisser dans un home, au fond d’un lit dont elle ne bouge jamais, les yeux définitivement clos sur notre monde. Il y a trois semaines elle a été si malade, que les médecins pensaient qu’elle n’avait plus que quelques heures à vivre. Un curé lui a donné l’extrême onction. Le lendemain elle allait mieux, puis petit à petit elle s’est remis de son infection rénale. Je crois sincèrement, et tente d’en convaincre ma mère et sa fratrie, que si son univers lui déplaisait, avec ses 91 ans et la grave infection qu’elle a eu, ma grand-mère en aurait profité pour nous quitter, d’autant que ses enfants avaient demandé à ce qu’on lui prodigue des soins de confort, sans acharnement thérapeutique. Hé bien non! Elle a choisi de rester. Son corps et son mental ont surpassé la maladie. C’est vrai qu’elle fait peine à voir, yeux fermés, inerte dans un lit, mais je reste persuadée qu’elle plane dans un monde délicieux, qu’elle revit les beaux moments de sa jeunesse, car son teint reste rose et ses trait détendus. Si elle souffrait son expression serait douloureuse, or son visage exprime la serénité. La médecine croit savoir beaucoup de choses, mais je suis convaincue que nul ne sait ce qui se passe dans la tête d’une personne âgée dont l’espace-temps n’est plus semblable au nôtre. Te quiero mucho abuelita, eres la abuelita mas guapa del mundo.

Mi mama

Ma mère en revanche m’inquiète. Son compagnon l’emmène dans sa folie bipolaire à personnalités multiples. Malheureusement, elle ne s’en aperçoit pas. Je passe les détails. Trop sordides et compliqués. Je crains quand même qu’elle finisse, plus tôt que prévu par son horloge biologique, dans un home ou un hôpital psychiatrique. Ma mère a toujours été honnête, équilibrée, discrète, incapable d’un comportement tordu. Avant, il y a très longtemps, j’étais comme elle. Lorsqu’on est ainsi, il est impossible d’imaginer que d’autres -ou L’AUTRE- puisse être malade, tordu, manipulateur, sans vergogne. Encore moins à son âge, quand on a toujours vécu avec des personnes stables et prévisibles. Son conjoint l’entraîne dans sa folie. Ma mère perd ses repères. Elle ne distingue plus la vérité du mensonge. Tyrannisée avec beaucoup de perversion et d’intelligence par son concubin, le piège qui s’est refermé sur elle l’oblige à des comportements de femme battue. En victime, elle trouve cela normal. Je ne peux rien pour elle. Personne ne peut rien pour mi mama tant qu’elle n’ouvrira pas les paupières pour se décider à réagir. J’ai mal. Inutilement. Je dois accepter que ma mère est une adulte qui mène sa vie à sa guise, même si je crains que son confort de vie, voire carrément sa longévité, ne soit mise en péril par l’homme qu’elle a choisi. De plus, mi mama, vient de perdre sa chienne, sa compagne de vie durant seize ans. Sa Laidi. Son bébé. Le chien le plus pourri gâté, le chiant que j’aie connu, mais la dernière chose qui la rattachait à son ancienne vie. A son défunt mari. A la France ou elle a vécu. Je sais qu’elle a mal. Elle dit qu’elle gère. Sa mère est sur le point de mourir, sa chienne est morte dans un chenil alors qu’elle était en vacances, son homme l’a séparée de sa fille, de sa soeur, de ses frères tout en parvenant à lui mettre tout un village à dos. Bien sûr mama, tu gères. Tout va très bien Madame la marquise. Tout va très. Tout va très bien. Tu peux faire croire beaucoup de choses à beaucoup de monde, mama. Pas à moi. Je te connais trop. De plus je suis déjà passée par là, et je sais, je sais, ce que tu vis. Ou plutôt, je sais que tu ne vis plus. Que ton quotidien n’est plus qu’angoisse. Peur. Incertitude. Que le sol semble s’ouvrir sous tes pas. Que tes nuits sont peuplées de cauchemars. Tu ne veux pas l’admettre parce que tu crois qu’il t’aime, alors qu’il te manipule. Tu crains la solitude alors tu préfères rester mal accompagnée plutôt que seule. Tu crois qu’il va changer. Tu espères que ça passera. C’est ton choix. J’espère qu’il ne te tuera pas.

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Laidi, la chienne de ma mère. Sans doute sa seule véritable amie durant seize.

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Laidi avait l’allure du renard, sa force et sa malice. Capricieuse, gâtée, aboyeuse et agressive, je l’ai souvent détestée. Maintenant qu’elle n’est plus là j’ai peur. Ma mère ne pourra même plus prétexter la promenade de sa chienne pour sortir hors de chez elle.

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Du paradis des chiens, je t’en prie Laidi, veille sur mi mama.


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