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La naissance fut un rêve

Publié le 23 septembre 2008 par Unepageparjour

La naissance fut un rêve, poursuit-elle dans un souffle. La naissance fut un rêve absolu. En ce matin de juillet, le ciel était d’une pureté d’azur incroyable. Mais le soleil ne se montrait pas trop brûlant, juste ce qu’il faut pour accompagner une jeune mère dans la plus belle de ses tâches. Les contractions me prirent en respirant l’air de ce matin-là. Dès que je posais les mains sur mon ventre, étonnée de cette sensation douloureuse, nouvelle, Maria-Angelica était déjà près de moi, puis vinrent très vite Maria-Alba et Maria-Aurora, qui m’installèrent avec le plus grand soin sur le lit. Puis d’autres entrèrent dans la maison, comme le jour du premier repas. C’était toute une agitation ordonnée autour de moi. Nulle de paniquait, car chacune savait exactement ce qu’il fallait faire. Et moi aussi, je savais exactement ce que je devais faire, et comment tout cela allait se dérouler. L’enseignement reçu de toutes ces femmes très sages au cours des semaines passées ici, avec elles, fonctionnait dans ma tête et dans mon corps, pour préparer la venue de Fleur.

Oh, je ne suis pas en train de te dire que je n’avais pas mal, que je ne souffrais pas du tout. Non, ce n’est pas cela. Mais j’étais entourée, par cette saine effervescence. J’étais rassurée. Je savais, par la plus profonde des convictions, que tout allait se passer merveilleusement bien. Aucune angoisse ne pénétrait en moi. J’étais sereine, complètement sereine, au  milieu de cette petite maison de pierres chaudes, au creux des montagnes, au bon soin de ma famille dont je comprenais maintenant parfaitement la langue. Par moment, je  regardais les fenêtres ouvertes sur le jardin : les fleurs colorées, les oiseaux volubiles, les lézards paresseux qui soudain s’élançaient, plus vif que l’éclair, pour un rien, pour une mouche qui passait par là, les papillons joyeux, légers comme l’air, qui volaient par bond au dessus des cailloux de l’allée. Puis mes regards se posaient sur les murs de pierre de la maison, constellés de bibelots rocambolesques, de petits vases de faïences ornés de décor naïf, des napperons brodés de scènes de campagnes aux couleurs vives, où des filles aux joues rougies par le grand air courent dans les champs, poursuivies par de grands garçons rieurs, il y avait aussi tout un mélange de fleurs séchées, dont certaines avaient gardées le souvenir de leur beauté passées, des couronnes de pailles, des nids d’oiseaux, sans doute rapportés par des enfants, aux formes étranges, contorsionnées par le temps, et puis tous les pots, ail, thym, sarriette, romarin, oignons, échalotes, marjolaine, les casseroles de toutes tailles, cabossées, mais rutilantes comme au premier jour, les poêles de toutes formes, grandes, petites, longues, des chaudrons de cuivre, aussi, et tous les ustensiles de cuisine, nécessaires à la confection d’une nourriture saine, terrestre, naturelle.

Et tous ces visages souriants, ces mains apaisantes, ces voix chaudes, profondes et rassurantes, autour de moi, qui m’accompagnaient.

Oui, la naissance de Fleur fut un rêve. D’ailleurs, le plus surprenant, c’est qu’elle ne pleura pas. Non, ce fut un rire. Fleur entra dans le monde par un grand rire, un rire puissant, fort, éclatant, qui résonna longtemps entre les murs de la petite maison, qui sortit aussi au dehors, dans le jardin, et fit accourir d’autres femmes, des voisines, toutes celles qui n’avaient pas pu m’accompagner, par faute de place chez Maria-Angelica. Mais les plus vieilles ne s’en étonnaient pas. Ce n’est pas un phénomène courant, mais il arrive que les enfants naissent en riant, dans ces montagnes, quand la mère a reçu suffisamment d’attention lors de sa maternité, quand le bonheur de la mise au monde dépasse les angoisses, les souffrances, les grandes peurs de l’humanité.


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