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Le Queer fait frémir SarajevoLe

Publié le 25 septembre 2008 par Hrvatska

Le Queer fait frémir Sarajevo

Les premiers jours après qu'eurent été installés les panneaux géants du Queer Festival, aucune réaction n'avait été dénotée à Sarajevo. Le dessin intriguant d'une personne au sexe inconnu diversement revêtue n'avait pas éveillé une grande attention. Puis, c'est alors que surgit un grand tollé. Quelqu'un avait associé le Queer Festival à une Parade gay et quelqu'un d'autre (ou peut-être le même) avait associé tout cela avec le mois de Ramadan. C'est ainsi que le festival fut déclaré offensant pour les musulmans. Or, comme les musulmans forment quasiment la totalité à Sarajevo, les autorités religieuses se positionnèrent aux premières loges pour condamner le Queer.

Il fut vain et sans écho d'expliquer que le Queer Festival n'était pas une parade gay et que le moment où il prendrait place (le 24.29.09) ne pouvait être mis en rapport avec le Ramadan. La plupart de ceux opposés à ce que le Queer Festival soit condamné l'ont justifié en disant que cela n'est pas une Parade gay et qu'il n'y a pas de volonté à ce que cela le devienne. Slobodanka Dakic, une des organisatrices du festival insiste que ceci est un état séculaire et que personne n'a pour devoir de s'adapter aux jours de fête religieuse.

Le Comité d'Helsinki de Bosnie-Herzégovine est venu s'interposer en défense des organisateurs. Sa juriste attitrée Blazenka Kordic a signalé que contester le droit au rassemblement public peut mener à ce que soient menacés les droits humains. Hélas, nous avons déjà été témoins de discours de haine. Manifestement Kordic songe aux affiches MORT AUX PÉDÉS, qui sont apparues quelques jours après que ne le furent les panneaux géants dont il a été question.

Outre les appels au meurtre, sans doute destinés aux organisateurs et aux visiteurs du Queer Festival, Sarajevo a été recouverte le jour de l'inauguration du festival par des affiches sur lesquelles la maladie des homosexuels est expliquée avec force détails. Le joli fond et la qualité du papier atténuaient le fait que s'y trouvent des mensonges communs. Parmi d'autres inepties il est écrit que les pédés vivent brièvement et en proie à la maladie. Les affiches ne sont pas signées. En revanche est signée la condamnation du festival par 13 associations estudiantines, islamistes et appartenant à la jeunesse.

Moins nombreux sont ceux à avoir soutenu le Queer Festival, tout comme une future Parade gay. Leurs soutiens sont publics et ils figurent sur la page officielle du Queer.

Le professeur Ugo Vlaisaljevic a fermement condamné les adversaires du festival, qui pour l'essentiel proviennent des rangs du clergé musulman. Il les a accusé de considérer que le mois du Ramadan est exclusivement leur espace médiatique et de ne pas permettre qu'on leur accapare l'attention de l'opinion durant cette période. En l'espèce, l'opinion est entendue comme étant exclusivement musulmane. Il a été plus facile aux dirigeants religieux de demander que le festival soit interdit plutôt que d'appeler les croyants à ne pas y assister.

Etant donné que le tollé autour du festival s'est produit bien avant le festival lui-même, les institutions civiles, les associations non gouvernementales ainsi que des personnalités publiques ont eu le temps de se ressaisir et de soutenir publiquement le festival. Cela vaut aussi pour le Bureau du Haut Représentant (OHR), qui a fait comprendre que restreindre les droits humains de telle façon ne saurait être toléré. Par là même il venait d'être mis, grosso modo, un point final au débat public. Le Ramadan a continué sa tradition millénaire tandis que le Queer Festival a poursuivi les préparatifs pour sa première tenue traditionnelle dans Sarajevo, la musulmane.

C'est sur des forums internet que se laisse au mieux décrire l'émoi parmi l'opinion. Dans l'avalanche d'appuis et de condamnations a émergé une pensée dans les médias imprimés. En réponse à la demande de déplacer le festival est apparue la contre demande : Déplacez le Ramadan !

Cette requête sacrilège, et pour de nombreux musulmans impudente, a ouvert les yeux sur ce que pouvait avoir d'absurde les attaques contre le festival. En quoi le festival les concerne-t-il s'ils n'ont pas l'intention d'y assister !?, s'est demandé un citoyen de Sarajevo lors d'une enquête à la télévision. Les autres participants de l'enquête ont tour à tour accusé l'Amérique de fomenter un complot, l'Occident de faire preuve d'immoralité et la télévision de corrompre la jeunesse.

Sarajevo s'est toujours enorgueillie de diverses formes de tolérance, mais jamais la tolérance n'avait sérieusement été mise à l'épreuve, exception faite de la guerre. La tolérance envers des opinions et des comportements différents est un concept nouveau pour Sarajevo. Dans cette ville il est difficile d'être gothique, punk ou skinhead. Les sous-cultures n'existent quasiment pas, et si elles existent, elles sont peu nombreuses et non visibles. Tout comportement qui contraste avec les normes fixées est a priori déviant. Il ne faut guère attendre longtemps pour que survienne la condamnation sociale. C'est pourquoi le Queer Festival est un choc pour Sarajevo.

La brièveté du festival et ses allures modestes empêcheront que l'intolérance ne monte davantage d'un cran. Quelques spectacles et expositions, plus l'une ou l'autre séance musicale, feront que le Queer se maintienne dans les limites privées et semi-illégales d'un groupe de pédés. S'il n'y avait eu les panneaux géants, on n'en aurait pas fait tout un plat.

Le plat sera pour la Parade gay. Or, elle aura lieu.

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Source : H-alter, le 25 septembre 2008.


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