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Pas de télé pour bébé

Publié le 29 septembre 2008 par Cafatica

Article paru dans Sud Ouest du 28 septembre :
Pas de télé pour bébéDes psychiatres se mobilisent contre les programmes destinés aux 0-3 ans, frein à leur développement neurologique et intellectuel mais capables de formater le consommateur de demain.
"Les intérêts financiers et médiatiques sont trop importants mais ils ont raison de lutter". Le psychiatre et psychanalyste toulousain Remy Puyuelo travaille beaucoup sur le fonctionnement psychique de l'enfant, et doute que Serge Tisseron et ses amis parviennent à enrayer le mouvement. Le psychiatre parisien et plusieurs autres spécialistes ont lancé une pétition contre la création, en France, de programmes de télévision pour les 0-3 ans. L'initiative date d'un an (18 octobre 2007), après le lancement en Grande-Bretagne de Baby First et Baby TV, qui émettent depuis le sol britannique, mais dont les émissions sont reprises dans le bouquet CanalSat. Avec plus de 30 000 signatures, la pétition vise désormais l'interdiction auprès de Bruxelles.
"En octobre, explique Serge Tisseron, nous devons rencontrer l'Ofrom (l'équivalent britannique du CSA) et faire valoir les arguments que nous avons développés devant le CSA et le ministère de la santé". Des arguments qui, selon lui, se fondent avant tout sur des considérations sanitaires. "Ce qui nous préoccupe, développe le docteur Tisseron, c'est que le bébé n'est pas un enfant en réduction. Il a besoin de pouvoir construire sa représentation de lui-même en pouvant interagir avec le monde extérieur par l'intermédiaire de ses cinq sens. Avec la télévision, il ne peut en utiliser, au mieux, que deux. Il est dans une situation qu'il ne maîtrise pas. Cette machine, en particulier, le prive de la possibilité de toucher et de mettre à la bouche".
Tous les pédopsychiatres s'accordent à reconnaître que la tranche d'âge 6mois-3 ans constitue l'époque de construction neurologique des enfants. "Le cerveau s'organise, catégorise, se bâtit, réclame de l'activité physique", explique Serge Tisseron. "C'est aussi le moment, note Rémy Puyuelo, où le petit enfant construit sa capacité à la solitude". Ce n'est donc pas la meilleure période pour l'abandonner devant une machine qui diffuse des sons et des images sur lesquels il n'a aucune prise et dont il subit passivement le flot d'émotions qu'ils peuvent déclencher. Et l'habituent néanmoins à reconnaître les produits dérivés que l'on vendra à ses parents.
Ses partisans (et les chaînes de télévision en ont trouvé pour défendre leurs futurs programmes devant les pouvoirs publics) arguënt que le visionnage, si possible en continu, de ces programmes, sert au pire de nounou technologique, au mieux d'ouverture au monde si les parents se chargent du sous-titrage. Des affirmations contre lesquelles Serge Tisseron s'inscrit en faux. "Nous risquons surtout de fabriquer des zombies. Le tout-petit, affirme-t-il, a besoin d'éprouver des résistances, connaître des plaisirs, des échecs, des succès, des douleurs".
Christian Gautelier, vice-président du CIEM (collectif inter-associatif enfance et média), a alerté les associations familiales sur les six dangers majeurs de ces nouvelles chaînes de télé pour bébés : création d'une dépendance, frein au développement intellectuel et émotionnel, isolement affectif, dysfonctionnement du langage, troubles de la concentration. "Les écrans frustrent les enfants, note-t-il. Des corrélations ont été établies entre le temps passé devant la télévision et les difficultés pour apprendre à lire. Une étude de la CNAF (caisse nationale d'allocations familiales) montre que les enfants exposés précocement aux écrans éprouvent des difficultés à faire des études supérieures".
Serge Tisseron se félicite d'ailleurs du bon fonctionnement de l'alliance entre les associations et les médecins. "Une coopération assez exemplaire, estime le psychiatre, qui permet d'alerter les parents contre les arguments mensongers et toxiques de la publicité". De plus, la signature d'associations a plus de poids que celle de simples individus. Car la résistance est lancée. "En intervenant, avance Serge Tisseron, nous avons évité la constitution d'un lobby (Bouygues Lagardère) et obligé les distributeurs à passer le message "Regarder la télévision peut freiner le développement des enfants de moins de 3 ans". Et surtout posé la question : Quel type d'individus voulons-nous pour l'avenir ?".



Témoignage de Rémy Puyuelo : "Des enfants abandonnés" :
Le psychiatre Rémy Puyuelo estime que le problème de fond réside dans le fait que "tout individu n'est pas prêt à recevoir des informations les plus diverses". Ce qui est vrai en particulier pour les enfants exposés à la "juxtaposition sans coordination ni articulation entre le langage et l'image porteuse d'émotion". "C'est le langage, souligne le psychiatre, qui organise les émotions". Outre un "effet de banalisation devant les images d'évènements hétéroclites", ce visionnage permanent sans explication peut aboutir à des troubles du comportement, selon le Dr Puyuelo. "Il ne faut pas confondre adaptation et maturation. Il faut laisser les enfants vivre leur enfance, dont les qualités sont l'immaturité et l'impulsivité".
Le psychiatre estime aussi que  laisser l'enfant s'organiser seul "est une forme d'abandon parental, de démission. Sans parler de maltraitance, ce n'est en tout cas pas de la bientraitance". Et de s'interroger sur le fameux "enfant roi, que l'on protège si mal" ...


Pour moi, le fait d'interdire ou non des chaînes pour bébés sur le câble n'est pas le problème. Le problème, c'est la responsabilité des parents, et c'est auprès d'eux qu'il faut tirer la sonnette d'alarme. Un parent qui, de toutes façons, démissionne dans l'éducation de ses enfants et ne joue jamais avec eux ne le fera pas davantage si on interdit ces chaînes de télévision. Ils continueront à mettre leur enfant devant l'écran, la seule chose qui changera, c'est la chaîne qu'ils choisiront, et non leur comportement. En revanche, les alerter sur tous les risques que leurs enfants courent en restant plantés devant la télé me semble plus efficace. Même un parent qui laisse son enfant livré à lui-même s'inquiètera d'apprendre que son gamin peut devenir un vrai "zombie" et réfléchira davantage avant de le mettre devant la télé.
Il y a quelque chose qui me choque dans l'article, c'est ce qu'osent dire les défenseurs des chaînes pour bébés : cela servira "au pire de nounou technologique, au mieux d'ouverture au monde si les parents font le sous-titrage". Ces arguments me choquent parce qu'ils font abstraction totale du rapport humain entre l'enfant et des adultes en chair et en os. "Une nounou technologique"... mais bon sang, qu'est-ce que cela veut dire ?? Depuis quand une télévision est-elle capable de prendre dans ses bras, d'amener faire un balade au parc, de faire des papouilles ou de rire avec bébé, pour ne citer que quelques exemples ??  Autre argument : "ouverture au monde si les parents font le sous titrage"... Ou comment réduire le rôle de parent à un simple rôle de "sous titrage" ... on croit rêver. C'est inciter les parents à ne plus avoir aucun rôle actif dans le jeu, et à les réduire à une simple voix... Où est l'échange dans ce cas entre le bébé et son papa ou sa maman ?

Pas de télé pour bébé
Ce qui m'attriste dans cette histoire, c'est le peu de scrupules que les gens peuvent avoir dés qu'il s'agit d'argent. Aujourd'hui, on n'épargne même pas les tout-petits, le formatage se fait dés la sortie du ventre de la mère.. Cela me fait penser à ce livre dont il faudra que je parle sur ce blog : "l'enfant jackpot", de Nathalie Sapena. Ce livre explique comment, chaque jour, les enfants sont la cible d'une intense artillerie publicitaire et marketing qui n'a qu'un but : en faire un client docile, quitte à contourner les règlementations. Et tant pis pour les effets secondaires : obésité, tabagisme ou alcoolisme précoce, remise en cause de l'autorité parentale, etc. L'équation est simple : un enfant est bien plus facile à convaincre qu'un adulte. Dés lors, il n'y a plus de territoire sacré de l'enfance, mais simplement un jackpot qu'il faut décrocher. A tout prix. Basé sur une enquête solide, ce livre met au jour les dérives de la société marchande lorsqu'elle s'en prend aux enfants...


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