Rappelons nous de cette
expérience :
On demande à des « étudiants » d'une part et à des « personnes âgées » de l'autre, de choisir entre deux cartes leur donnant droit à
des réductions moyennant un montant minimum d'achats ;
Dans les deux groupes, un peu moins de la moitié choisit la carte B, qui offre une réduction plus forte que A mais impose un minimum d'achats plus élevé.
On propose une troisième carte, C, qui offre une réduction un peu plus forte que A et B, mais impose un minimum d'achats très supérieur.
Logiquement, cela ne devrait rien changer à la répartition des préférences entre A et B - et c'est bien ce qui se passe chez les seniors, mais pas chez les jeunes : la carte B l'emporte largement sur A !
Un choix illogique qui montrerait que, dans le domaine de la décision rationnelle, la sagesse vient avec l'âge
En matière de vie, nos raisons d'espérer sont aujourd'hui relativement nombreuses :
Revenons un tantinet sur ce qu’était notre culture il y encore un demi-siècle, culture qui laissait accepter que la mort d'un jeune faisait presque partie de l'ordre des choses. Actuellement, elle est exception, anormalité, contre nature. L'enfant qui vient de naître n'est plus "déjà assez vieux pour faire un mort".
L'homme devient « vieux » de plus en plus tard et l’on assiste à un rajeunissement de l'âge, évolution qui va à contre-courant de l'idée d'un prétendu vieillissement démographique.
Notre population sera à prédominance féminine. C'est là une conséquence de la sur-représentation féminine dans la population à partir du milieu du chemin de la vie. Ce sont les qualités humaines des femmes plus que celles des hommes qui pourront être mises au service de la société.
De moins en moins de retraités dans la force de l'âge, portant en eux de nouvelles valeurs, auront à connaître ce "choc" qui, accompagnait naguère le passage
de la vie active à la retraite.
Par contre, de plus en plus de ces retraités encore pleins de dynamisme, se demanderont vers quel type de formation continue, d'études spécifiques, vers quel
genre d'activités généralement bénévoles vont aller leurs compétences et leur engagement.
De plus en plus de personnes, mais du grand âge cette fois, vont pouvoir consacrer une partie importante de leur temps à la réflexion, à la mémoire, à la
sagesse et à la spiritualité.
Hé oui ! L'"envahissement des vieillards" prévu par Alfred SAUVY vers le milieu du siècle passé n'est certainement pas en train de se produire.
La civilisation du travail, celle qui obéissait à la dure loi du labeur ("Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front") pourrait appartenir progressivement au passé.
Le projet de vie des personnes pourrait devenir plus important que leur projet d'avenir et que leur projet de carrière. Le "faire quelque chose qui est chargé de sens" pourra l'emporter sur le "faire quelque chose qui rapporte".
Ce sont là quelques-unes des conséquences, d'une part de l'augmentation de l'espérance de vie souvent sans invalidité, rendue possible grâce aux progrès de l'hygiène, de la médecine préventive et curative, de la science, de la manière de se nourrir, de la façon de travailler.
C'est, d'autre part, la conséquence d'un accroissement extraordinaire de la productivité de la main d'œuvre, qui permet de réaliser de plus en plus de
richesses en travaillant de moins en moins.
L'augmentation de l'effectif des non-travailleurs, de ceux qui vont vivre de plus en plus longtemps sans rapport au travail au sens économique du terme conduit à l'obligation d'imaginer de nouveaux moyens d'épanouissement.
On n'a certainement pas encore réfléchi beaucoup à la complémentarité entre le volontariat et le travail
salarié. Hier, l'activité sans salaire des mères au foyer, permettait aux hommes de travailler.
Aujourd'hui, le travail sans salaire des bénévoles permet aux hommes et aux femmes de pouvoir un jour abandonner le travail rémunéré sans pour autant perdre
l'espoir d'agir encore sur la vie.
Nos aînés sont parmi les plus grands utilisateurs de progrès.
C'est particulièrement vrai dans des secteurs comme celui de la technologie, qui permet de compenser certaines fonctions altérées par l'âge, celui des services et des innovations technologiques, qui simplifient la vie de tous les jours (plats préparés, congélateurs, fours à micro-ondes, celui de la télécommunication, dans lequel les aînés seraient probablement plus performants si on ne perdait pas de vue que le temps de la réaction d'un individu âgé est plus long que celui d'un individu jeune et que, dès lors, les méthodes d'apprentissage doivent être adaptées à l'âge. Il faut laisser cheminer l'étudiant selon son naturel.
Les aînés sont les seuls à pouvoir intégrer dans la réflexion relative au progrès les trois dimensions du temps : passé, présent, futur.
Les aînés refusent le cynisme de ce qui fonctionne en dehors de l'écoute, de ce qui serait "nécessairement bon" parce que c'est "efficace", "performant" et "rentable" même si ce n'est pas tout à fait "humain".
Les aînés, souvent "revenus" de l'idée que ce qui est générateur de richesse est utile, comprennent souvent mieux que d'autres que l'utilité est peut-être
autant dans ce qui est porteur de sens.
Nos aînés ont appris à douter.
"Tout le monde ne sait pas douter : on a besoin de lumière pour y parvenir, et de force pour s'en tenir là" écrit Fontenelle. Martin du Gard déclare de son
côté" que "La pensée ne commence qu'avec le doute".
Ne nous privons surtout pas de faire part de notre doute à ceux qui ont besoin de corriger le vertige de leur certitude. C'est peut-être là une des principales contributions de la personne âgée à une société de progrès.
En fait de conclusion, on pourrait penser que :
Les seniors ne sont certainement pas indifférents au changement et au progrès et que face à l'évolution des choses, ils restent également longtemps à même d'ajouter de nouvelles réponses à leur ancien répertoire.
Armés comme ils le sont pour ajouter du progrès humain à d'autres formes de progrès, ils ont, en tant que membres à part entière de la société, à se demander
ce qu'ils peuvent faire pour les autres de leur avancée en âge.
La société devra compter avec sa composante âgée, qui prendra de plus en plus des allures de classe sociale à part entière. La gestion sociale se fera par conséquent pour ou contre elle mais pas sans elle.
Travailler pour elle revient à faciliter son intégration sociale.
Alors… ! Positivons