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Parachutes dorés

Publié le 30 septembre 2008 par Malesherbes
Ceux qui, faute de gouverner, passent leur temps en déplacements stériles, pratiquent à merveille notre langue et encore mieux la langue de bois. Raison de plus pour être vigilants et attentifs aux dérives du vocabulaire. Prenons quelques exemples.
Lorsque des salariés sont frappés par le chômage, on met parfois en place un plan de reconversion. C’est une formule inexacte, il s’agit le plus souvent d’un plan de conversion. On ne devrait parler de reconversion que dans le cas où ces employés auraient dû une première fois changer d’orientation.
De même, on emploie à l’envi, même sur des imprimés ou des affiches, l’expression tri sélectif. Existe-t-il un seul tri qui ne soit pas sélectif ?
Autre expression, non seulement inexacte mais surtout désastreuse, famille recomposée. Elle ne se justifie que dans le cas d’une famille qui se serait décomposée pour ultérieurement se rétablir, devenant ainsi une famille recomposée. Dans la quasi totalité des cas, on est en présence de deux familles, victimes du sort ou de l'inconstance des êtres, qui s'efforcent de réunir leurs éléments différents pour créer une famille composite.
Autre formule codée : l'enfant qui a échappé à la vigilance de ses parents. En fait le plus souvent, c'est un enfant qui a profité d'un défaut de vigilance de ses parents. Je ne reviendrai pas non plus sur le sempiternel : X n'a pas souhaité répondre, que je m'évertue à dénoncer. Ne pas souhaiter répondre ne dispense pas M. X de le faire.
Mais là où la perversité de tels vocables est à son zénith, c’est dans l’expression parachute doré. Ce qui est immoral, ce n’est pas le fait que le parachute soit doré, c’est qu’il y ait un parachute. Lorsque des salariés ont une rémunération variable, elle se compose d’une partie fixe et d’une partie variable. La notion de parachute ne se justifie qu’en l’absence de fixe. Mais, à ma connaissance, le fixe des grands patrons qui font ce genre d’actualité leur assure une existence des plus confortables, sans commune mesure avec celle de millions de salariés. Certes, ce fixe correspond à leur niveau de responsabilités. Voilà, le mot est lâché, responsabilités ! Ils ont choisi d’être rémunérés en fonction de leurs résultats. Eh bien, comme les autres salariés plus modestes payés selon les mêmes critères, quand il n’y a pas de résultats, il n’y a plus de variable et c’est tout.
Quand, en 1992, Lou Gerstner reprit la direction d'IBM, alors en fort mauvaise posture, il affirma souhaiter que les cadres de l'entreprise aient faim et connaisent l'insécurité. Il atteint ses objectifs et obtint des émoluments astronomiques, preuve de l'inanité de la pratique des parachutes, qu'ils soient d'or ou de zinc. Quand des patrons mauvais gestionnaires ont été intéressés avec des stock-options, si leur inefficacité a réduit à rien la valeur de ces actions, ils trouvent là un juste salaire de leurs efforts infructueux. Et quand d’autres parviennent à redresser l’entreprise qu’ils ont mise en péril, il leur arrive même de bénéficier très indûment des succès de leurs successeurs.
Donc, supprimons les parachutes, dorés ou non, veillons à notre langage et partons rassurés. Notre Président ne vient-il pas de déclarer à Toulon : "Nous règlerons le problème par la loi avant la fin de l’année" ?
Rassurés ? Reportons nous à ce que Louis-Jean Calvet rappelle sur son blog : le 23 avril 2007, le candidat Sarkozy déclarait vouloir : «en finir avec la pratique détestable des parachutes dorés ». Le 29 mai 2007, le Président Sarkozy réitérait : « Cette interdiction je l’ai promise et je la mettrai en œuvre». Nous voilà défintivement rassurés !

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