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Amicalement vôtre

Publié le 05 septembre 2008 par Vivreenislande @vivreenislande

A votre place, je demanderais.
"Vos amis restés en France, vous êtes toujours en contact avec eux ?"

Ah, mais savez-vous que c'est une excellente question que vous me posez-là.

Vous voulez dire, vos amis vous donnent-ils des nouvelles, vous appellent-ils, vous écrivent-ils, sont-ils venus vous voir, etc ?

Puisque vous m'interrogez, je vais vous répondre.

Non, pour la plupart.

Ces chameaux là ne donnent aucune nouvelle et n'en demandent pas non plus.

C'est un peu l'un des inconvénients de ce pays magnifique : à force de penser que nous vivons ici dans une perpétuelle obscurité glacée, les gens hésitent à venir.

Je présume que les demandes d'invitations se seraient faites plus fréquentes si nous avions préféré les Maldives.

Les gens sont d'un snobisme.

De façon très schématique, j'ai tendance à penser qu'il existe 3 sortes "d'amis".

Les premiers, ce sont les vrais. Les purs. Les durs. Les inamovibles. Les amis pour la vie.

Ils sont d'ailleurs hors catégorie. Donc je ne sais pas ce qu'ils foutent dans celle-ci.

Bref. Ceux-là ont fait leur preuve.

En fait, ça tombe plutôt bien, parce que l'intensité de leur amitié est inversement proportionnelle à leur envie de l'exprimer.

En d'autres termes, leurs démonstrations d'amitié se manifestent le plus souvent quand je suis de passage à Paris ou bien à l'occasion d'événements particuliers.

cf. http://vivre-en-islande.blogspot.com/2008/06/vives-les-maris.html
Je n'ai eu le plaisir d'accueillir ici aucun de ces amis là.

Mais ce n'est qu'une question de temps.

De temps qu'il fait aussi, certes.

Dans la seconde catégorie, je range ceux qui ne pouvaient être dans la première compte-tenu de leur absence d'ancienneté, mais qui nous ont témoigné leur affection d'une façon ou d'une autre.

C'est par exemple le cas de Marie (qui se reconnaitra si elle nous lit, ce dont je doute finalement compte-tenu de son aversion pour les nouvelles technologies de l'information en général et pour la lecture sur écran à cristaux liquides en particulier).

Marie n'est pas encore venue nous voir, elle n'écrit pas et appelle peu.

Marie envoie des œuvres d'art à son amie Valérie, ma très chère épouse.

Ben oui.

J'exagère donc en disant qu'elle n'écrit pas. Le fait est que ces lettres sont des objets d'autant plus précieux qu'ils sont uniques.

La photo ci-dessus est l'un des courriers de Marie.

Vous je ne sais pas, mais moi cela m'épate.

A la limite ce n'est pas tant l'objet en tant que tel, quoiqu'il m'apparaisse d'une indubitable créativité ; mais c'est le temps passé à le réaliser qui me bluffe.

Car si je m'efforce de décortiquer les étapes d'élaboration de la carte sur la photo (qui n'est que l'une des nombreuses envoyées), je me dis qu'il a fallu chercher, trouver, acheter chacun des petits éléments qui la compose ; et que Marie aura ensuite, découpé, collé, composé, rédigé... en un mot créé la carte en question.

Voilà ce que j'appelle une preuve manifeste d'amitié.

Enfin il y a ceux dont vous pensiez qu'ils auraient pu faire partis des seconds et que vous avez relégué en 3e division. Trop de nuls.

En troisième classe plutôt. Avec ceux qui donc n'existent plus.

Ils avaient pris soin de noter nos coordonnées, avaient promis qu'ils seraient présents.

Leurs sourires, leurs attentions, leur présence d'alors parlait pour eux.

Croix de bois, croix de fer... Chansons douces devenues souvenirs amères.

Aujourd'hui, malgré nos tentatives de contact, rien. Le vide. L'absence. Silence, le monde tourne. Le néant blanc d'une jolie feuille de papier qui deviendra "post-it" et ne quittera son bloc que pour aller chez Ed. L'épicier.

Disparus les "amis" d'alors. Volatilisés les "on s'appelle, on s'écrit, c'est promis".

Ne restent que les vagues échos de promesses trop ténues pour être tenues, les images floues de sourires prometteurs devenus visages blêmes.

"Loin des yeux, loin du cœur", dit-on.

C'est donc parfois vrai.

Hypocrites hier, négligents par lâcheté aujourd'hui. Les hypocrites ont toujours quelques lâchetés en réserve. C'est une loi de la nature humaine. Il suffit d'attendre.

Vous allez me dire : "n'êtes-vous pas trop exigeant ? Ils avaient sans doute des soucis à régler, des urgences à gérer...".

Ben voyons. On voit bien que vous ne vivez pas dans une ville à proximité de laquelle les étendues volcaniques environnantes font davantage penser à une annexe de la lune qu'aux espaces de sable blanc bercés par les brises chaudes des îles pré citées.

Plus d'un an que nous sommes ici dans l'attente désespérée d'une lettre qui confirmerait l'existence persistante d'une terre habitée.

Pensez donc : 2,8 habitants au km carré. S'agit de pas les louper ces presque 3 là. En Islande, faute d'un fenêtre cathodique sur la France, il devient aisé d'imaginer que la planète s'est rapidement dépeuplée.

C'est vrai, j'exagère à nouveau !

Et puis cet isolement me convient parfaitement à dire vrai.

Toutefois. Pour répondre à la question que vous n'avez pas posée : l'amitié n'a-t-elle pas l'exigence pour principal combustible ? Et néglige-t-on ses prétendus amis ?

Je me montre en casse-couille aigri, mais en réalité, je dois bien reconnaitre que cela ne me surprend ni ne m'affecte autant que je veux bien le prétendre.

Pourquoi ?

Parce que finalement ne comptent vraiment que les amis de toujours ainsi que les personnes qui vous font la plaisante surprise de le devenir.

Il n'y a donc pas de 3e catégorie, de médaille de bronze de l'amitié.

Au mieux, ces derniers ne sont-ils que des gens de passage, des bohémiens de l'amitié.
Aujourd'hui chez vous, demain chez un autre.

Rencontres par essence éphémères qu'il me faut désormais prendre à la légère.

Bien qu'il soit parfois un peu lourd d'admettre sa propre naïveté.

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