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La mondialisation : le bec dans l’eau ?

Publié le 30 septembre 2008 par Kamizole

N’en déplaise aux thuriféraires de la mondialisation ultra-libérale, celle-ci n’est absolument pas une fatalité… ceux qui la prétendaient inexorable – pour nous la mieux faire avaler comme une amère potion - devront peut-être bouffer leur chapeau !

Il faut en effet beaucoup de méconnaissance de l’Histoire pour penser qu’elle était sur les rails dont parlait naguère Fukuyama qui, outre «la fin de l’histoire» ! la voyait comme un long train… de marchandises ! Lequel semble aujourd’hui stoppé en rase campagne… L’électricité ne passant plus, il devra sans doute être dépanné avec une bonne vieille locomotive à vapeur… revanche de l’histoire ?

La dialectique historique, qu’elle fût de Marx ou d’Hegel n’a jamais été ma tasse de thé. Qu’il s’agisse de la reconstruction idéologique a posteriori à partir d’éléments du passé que l’on maltraite pour les faire entrer de force dans une thèse ou (pire ?) de la prévision de l’avenir à partir de ces mêmes éléments, l’histoire du siècle passé a démontré à l’envi l’inanité – et la dangerosité ! – de tels partis pris.

A ces constructions abstraites je préfère nettement le bon sens tel que nous l’enseignait une prof de droit constitutionnel à Villetaneuse (Paris-XIII) en première année de Deug de droit. A savoir que l’histoire peut s’analyser comme un perpétuel mouvement de balancier : quand celui-ci était allé trop loin dans un sens, il ne peut que revenir – mais souvent façon boomerang ! – dans le sens diamétralement opposé.

Il en sera de même pour l’idéologie ultra-libérale. Au grand dam de Fukuyama qui, manquant sans doute fort de culture a dû en revanche vendre son « temps de cerveau disponible » à l’idéologie de marché…

Je dirais à nouveau que les idéologies quelles qu’elles fussent ne doivent jamais être mises en pratique car, ayant la prétention d’apporter des réponses à tous les problèmes, elles sont - par essence – dictatoriales.

Je ne peux que conseiller, une fois de plus la lecture de l’excellent article de Pierre Bourdieu : «L’essence du libéralisme» - sur-titré : «Cette utopie, en voie de réalisation, d’une exploitation sans limite»…paru dans le Monde diplomatique de mars 1998 et toujours en ligne sur leur site. .

A cet égard, je ne peux que recommander l’ouvrage de Jean Servier : «Histoire de l’utopie»… L’édition que je possède (Collections Idées – Gallimard 1967) qui me vient de la bibliothèque paternelle, est toute dépenaillée à force d’avoir été lue, relue, annotée, surlignée. C’est d’ailleurs un des problèmes de cette estimable collection que les ouvrages supportent très mal la lecture ! Elle a toutefois été rééditée dans la collection «Folio Essais» en 1991.

A vrai dire, je ne crois pas plus à un dessein caché de l’histoire qu’à un «plan de Dieu sur les hommes» selon l’expression des catholiques qui m’a toujours horripilée alors même que je n’avais pas encore réfléchi (j’étais encore très jeune) à la notion essentielle de «libre arbitre»… Que l’on soit croyant ou non, elle n’est aucunement recevable

Individuellement ou collectivement les histoires se construisent à travers nos actes et les conséquences de nos actes. Rien ne saurait jamais être donné par avance puisqu’à chaque moment nous avons le choix. Quand bien même subirions-nous des décisions ou des situations que nous ne souhaitons nullement et serions-nous privés de cette faculté de choisir pour diverses raisons qui doivent elles-mêmes être analysées comme le résultat d’une situation ou d’actes antérieurs.

Ce qui ne veut nullement dire que nous en serions totalement responsables et forcément coupables : à l’impossible, nul n’est tenu et l’on est parfois entraîné contre son gré par un enchaînement d’événements. Il restera à savoir, sur le plan psychanalytique, quel rôle a pu jouer l’inconscient mais cela dépassera largement mon propos actuel.

Que l’histoire «fasse sens» en ce que, connaissant le passé, elle aide à mieux comprendre le présent et à anticiper l’avenir, me semble une évidence. C’est d’ailleurs un des drames intellectuels de notre époque qui prétend que seul «l’immédiat» aurait de l’importance : entendre aussi bien comme le moment actuel que comme l’absence d’intermédiaire (medium) et de référence à ce qui précède et suit.

Il n’en peut résulter que la plus grande des confusions et un relativisme pervers (tout se vaut) dont on observe bien les conséquences les plus déplorables sur le plan de l’éthique : l’oubli de l’humain étant certainement la plus grave.

Quitte à me répéter, «économie» signifie en grec : administration de la maison… bien curieuse demeure où les êtres humains et leurs besoins fondamentaux ont si peu de part ! et je ne parle même pas de ceux qui sont créés artificiellement par la pub afin de convaincre les consommateurs qu’il est impératif d’acquérir tel ou tel bien.

Je préfère nettement le sophiste Protagoras : «l’homme est la mesure de toutes choses»… mais il a sans doute le défaut de n’être point «moderne» ! Pensez donc, il faudrait remonter au moins au déluge, surtout pour les jeunes générations qui n’ont plus guère de repères chronologiques… 485-410 av. J.C. : t’es plus dans le coup, Coco !

Si vous y ajoutez le même mépris pour l’état dans lequel nous léguerons la planète aux futures générations – nous n’en sommes pas propriétaires mais de simples usufruitiers qui devraient, en tant que tels, veiller à la conserver dans le meilleur état possible - nous avons l’exact reflet du monde tel que l’idéologie ultra-libérale a construit un - nouveau - monde aussi monstrueux qu’absurde.

L’originalité du phénomène que nous observons – globalement depuis 1989 et l’explosion du monde soviétique et des pays satellites - réside plus que probablement dans les avancées technologiques, notamment informatiques, qui permettent d’échanger des sommes faramineuses (totalement déconnectées de l’économie réelle) à la vitesse de la lumière, auxquelles vous ajoutez le «big bang» bancaire et financier : la dérégulation totale à partir du début des années 80 qui fut à l’évidence le «grand œuvre» de Donald Reagan et Margaret Thatcher…

Petite ironie de l’Histoire : ces deux personnalités ont été atteintes de sénilité mentale à la fin de leur vie ! Serait-ce la preuve qu’ils déliraient déjà pour mettre en place un système aussi dingue ?

Vous y ajoutez la révolution des transports et notamment l’avènement des «containers» qui permettent de transporter de très grandes quantités sur des navires de plus en plus démesurés (le coût du transport étant divisé un très grand nombre de fois par rapport aux transports classiques).

La mondialisation n’est cependant en rien un phénomène nouveau. Elle a toujours existé, sous une forme ou une autre, dès que les peuples ont commencé à se déplacer et à échanger. Depuis l’Antiquité, des peuples et leurs chefs ont pris tour à tour le pouvoir sur de vastes étendues. Des civilisations conquérantes, souvent brillantes, qui se croyaient immortelles – «les civilisations sont mortelles» disait a contrario Paul Valéry - ont disparu, certaines ne laissant que fort peu de traces, à peine perceptibles sinon pour les archéologues.

L’histoire de la France et plus généralement de l’Europe nous apprend qu’à de nombreuses périodes, après une ère d’échanges commerciaux et culturels intenses, les territoires nationaux, régionaux ou locaux se sont repliés sur eux-mêmes et fort appauvris de façon très importante sous l’effet de différentes causes : invasions, guerres internes ou externes, épidémies, dont bien sûr celles de «peste noire»..

La plupart des empires se sont effondrés sur eux-mêmes – géants aux pieds d’argile, victimes terminales d’un deus ex machina. Des pays longtemps conquérants, dominateurs, riches et puissants, se sont repliés à l’intérieur de leurs frontières, souvent modestes, perdant de leur influence sur le monde. La France n’a pas échappé à ce destin mais elle est loin d’être la seule parmi le concert des nations.

Les Etats-Unis et plus largement, les Anglo-saxons semblent aujourd’hui sur la voie du déclin, largement aggravé par la montée en puissance de la Chine et, désormais par l’impact de la crise financière qui devient très rapidement économique en s’étendant à l’ensemble de la planète…

La Chine – et l’Asie en général, comme le suggère certaines analyses - deviendra-t-elle pour autant le nouveau «maître du monde» comme ses dirigeants en ont, à l’évidence, l’ambition ?

Je pense que rien n’est moins sûr (je m’avance peut-être imprudemment !) car cette crise pourrait bien précisément être fatale au « Pire du milieu »…

La récession économique qui s’installe – peut-être de façon durable et qui pourrait affecter de façon très grave l’activité économique d’un très grand nombre de pays ne lui sera guère favorable, pour une raison bien simple : de la même manière que les entreprises qui font appel à des sous-traitants ont tendance à rapatrier la production quand elles sont confrontées à une période de chômage, les Etats pourraient bien faire revenir les industries précédemment délocalisées, et ce tant à cause du chômage de masse que pour préserver la paix sociale.

De surcroît, cette crise économico-financière tombe au plus mauvais moment pour la Chine : le scandale du lait contaminé à la mélamine, qui semblait au départ un problème strictement interne, touche désormais un grand nombre des pays avec lesquels elle commerce, pour un nombre chaque jour plus important de produits…

De là à faire le parallèle avec tous les mauvais produits (sinon dangereux voire mortels !) dont la Chine nous inonde… Certes les bas prix sont un argument commercial. Mais même peu chère, la merde reste de la merde et c’est toujours trop cher payé !

Les Etats-Unis ont certes perdu une grande part de leur pouvoir économique et financier, notamment au profit de la Chine dont les «fonds souverains» (étatiques) possèdent en porte-feuille une part très importante des bons du Trésor américains. Mais les Etats-Unis n’en restent pas moins une grande puissance et le plus grand importateur des produits chinois.

Ils savent – autrement mieux que l’Europe qui s’est ouverte à tous les vents (mauvais) – être protectionnistes quand leur intérêt le leur commande.

Si Washington décide de «siffler la fin de la récré» comme ce fut le cas naguère pour le Japon quand il eût pris trop d’importance sur les plans commercial, financier et monétaire, la Chine pourrait donc s’effondrer aussi rapidement qu’elle est montée en puissance.

Surtout si la nécessaire remise à plat de la finance internationale débouche également sur une nouvelle politique monétaire, laquelle ne pourra qu’être fatale au yuan, que tout le monde sait fortement dévalué…

Et j’avoue que cela ne me fera verser aucune larme.


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