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Metissage et culture : l'exemple mauricien.

Par Ananda
Le métissage est hautement favorable à l'épanouissement de l'art en général et de la littérature en particulier.
Deux exemples me viennent à l'esprit : le Brésil, dont mon ami le poète français Jean-Paul Mestas dit purement et simplement qu'il "est poète", pas moins, et l'Ile Maurice, où l'on constate l'explosion d'une vitalité littéraire assez étonnante compte tenu de la taille et de l'importance mondiale de ce tout petit pays, de cette île-confetti isolée aux antipodes de "là où il se passe quelque chose".
Maurice a produit des auteurs de grande valeur et continue d'en produire.
Loys Masson, Robert-Edward Hart, Malcolm de Chazal, Edouard Maunick (qui est l'égal d'un Césaire bien qu'hélas, nettement moins connu), Tsang Mang King, Jean Fanchette, Jean-Georges Prosper, Le Clézio, Marie-Thérèse Humbert et, plus près de nous, Khal Torabully, Ananda Devi, Umar Timol, Vinod Rughoonundun, Shenaz Patel, Yusuf Kadel, Nathacha Appanah, Sedley Assone et j'en oublie (qu'ils me pardonnent)... On le voit, nous avons affaire à un palmarès impressionnnat au regard d'un aussi minuscule bout d'ïle.
La richesse, le dynamisme de la littérature mauricienne sont, sans doute, une illustration patente de l'effet enrichissant, dopeur de créativité, du métissage.
Maurice a pour elle de réunir, dans un territoire minuscule et, par conséquent, qu'on le veuille ou non, propice au contact étroit entre les diverses cultures, une population-mosaïque en provenance de trois continents et de pas moins de cinq aires culturelles différentes (le sous-continent indien lui-même divisé en deux aires religieuses, l'hindoue et la musulmane, la Chine, l'Europe qui, pour sa part, a apporté deux influences, deux langues, la française et l'anglaise, Madagascar et l'Afrique Noire - on peut difficilement faire mieux !).
Cela fait d'elle, certes, un petit point sur le vaste océan, mais un petit point tourné, tout naturellement, vers tous les horizons, tous les voyages et toutes les ouvertures..
Et puis, il y a ce fameux problème de "l'identité mauricienne", qui traverse tout le champ de la littérature de ce pays. Maurice est (comment pourrait-il en être autrement ?) un pays qui se cherche, ce qui favorise le jaillissement des idées, de l'inspiration. La société mauricienne est traditionnellement marquée par ce que l'on appelle là-bas le "communalisme" (et que l'on appellerait, ici, le "communautarisme", un terme qui fait frêmir les âmes françaises) et, en ce sens, se voit obligée de questionner son identité .
Qu'est-ce qu'un mauricien ? Toute la littérature résonne de cet inconfort, de cette complexité, de cette quête. Toute la littérature s'en voit aiguillonnée, et stimulée.
Maurice, c'est, cela ne peut pas être autre chose qu'une école du "vivre avec l'Autre", qui encourage l'ouverture d'esprit.
Figurez-vous que c'est un des rares pays sur cette planète où une multitude de groupes ethniques et religieux (sans compter les produits des divers métissages) se côtoie sans qu'il y ait de tensions raciales majeures et dramatiques dans le style, par exemple, de celles que connaissent l'Afrique du Sud, les Etats-Unis, le Sri Lanka ravagé depuis trente ans par une guerre qui l'empêche d'accrocher son wagon au train du développement économique asiatique, ou, même,  l'Inde, régulièrement en proie à des émeutes religieuses des plus sanglantes entre hindous et musulmans rivaux.
A Maurice, pas d'explosion.
Un sens aigü de la démocratie, rare dans le monde africain auquel, géographiquement, l'ïle-patchwork se trouve rattachée.
A Maurice, pas de guerres "tribales", pas de dictateur sanglant et mégalomane, pas de famine. Un dynamisme économique qui, certes, est loin d'être exempt de zônes d'ombre (telles, entre autre, le sentiment d'exclusion que ressentent les Créoles et dont se plaint, à juste titre, Sedley-Richard Assone, la pauvreté que dépeint, par exemple, une Ananda Devi , la trop grande importance que revêt le tourisme haut de gamme dans l'économie que de pareils choix fragilisent, le fait que l'économie demeure contrôlée par l'oligarchie blanche ultra minoritaire au plan démographique) mais qui n'en est pas moins un point positif, une source potentielle d'évolution si l'on sait bien en faire usage (demeurons optimiste !).
Tout ceci, me semble-t-il, concourt au fait que les mauriciens commencent à se sentir fiers de l'être.
Ils prennent conscience de la richesse multiculturelle qui est la leur et si, longtemps, ils ne l'ont pas vraiment assumée en raison de la double tradition (coloniale et anglo-saxonne) de cloisonnement ethnique, il la considèrent désormais de plus en plus comme une chance, une illustration rare et ramarquable du fait que multiculturalité et multiracialité sont des atouts, bien plutôt que des handicaps.
A méditer.
Surtout dans un pays comme la France, par exemple.
Maurice est l'exact contraire, l'exact opposé de son ancien pays de tutelle coloniale, où l'on cultive une vieille identité rigide et monolithique, laquelle, si elle demeure égale à elle-même, risque de se scléroser.
Pays francophone, donc proche de la France par certains côtés, l'ïle- arc-en-ciel est un modèle de gestion raisonnable de la multiculture, de l'"unité dans la diversité".
Cette gestion n'est pas chose aisée, loin de là, mais on remarque - et on a,d'ailleurs, toujours remarqué - que les grandes avancées civilisationnelles se font et se sont toujours faites sur les territoires de contact, de confluences : ainsi, la Méditerranée et, aujourd'hui, le "melting pot" américain (quelques soient les critiques qu'il puisse, par ailleurs, justifier).
Il n'est pas de salut hors l'apprentissage du "vivre avec l'autre".
Ni pour le génie social, ni pour le génie artistique.
La preuve.

P.Laranco.

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