Crise économique et retour du chômage aidant, on reparle du rôle de la formation permanente comme outil miracle contre les circonvolutions du système.
Une fois de plus, les syndicats et les organisations patronales ont ouvert mardi la négociation sur la réforme de la formation professionnelle en réaffirmant l'autonomie des partenaires sociaux sur le calendrier et les sujets à aborder, face au gouvernement qui les presse de conclure.
Une fois de plus on notera que le gouvernement essaye de traiter au pas de charge un problème qui au-delà de sa complexité fait partie des sujets sur lesquels il est impossible d'obtenir l'unanimité. Car : "Le gouvernement souhaite que cette négociation interprofessionnelle s'achève dans trois mois, en préalable à un projet de loi qu'il veut présenter avant la fin de l'année"
Allez hop, encore une loi qui ne verra probablement jamais ses décrets d'application. Mais en termes de communication politique tout est bon à prendre ...
Au delà du "bon coup" médiatique préparé par le gouvernement, il faut parer au plus vite à la parution d'un rapport de la Cour des comptes publié aujourd'hui.
Ce rapport pointe en effet sur les mécanismes de cette formation et sur l'efficacité obtenue. En effet, lorsqu'on sait que celle-ci représente 25,9 milliards d'euros, soit 1,5% du Produit intérieur brut (PIB), dont 10,5 mds d'euros venant des entreprises, 4,4 mds de l'Etat, et 3,2 mds des régions (selon un dernier bilan datant de 2005) et que les employeurs continuent à nous infliger la ritournelle du "nous manquons de personnel formé ... nous devons pouvoir adapter les connaissance de notre personnel ...." et autres lamentations, on est en droit de s'interroger dans la mesure ou une partie de ces fonds est gérée par les partenaires sociaux.
Que dit le rapport de la Cour des Comptes ?
La Cour des comptes épingle la formation professionnelle tout au long de la vie. Dans un rapport rendu public mercredi 1er octobre. Nous vous livrons ci-dessous le texte du communiqué de presse
1. Les formations sont largement inadaptées aux besoins des individus et des entreprises.
La formation professionnelle initiale ne garantit pas aux jeunes qui en bénéficient une insertion satisfaisante sur le marché du travail tandis que la formation continue, loin de donner une deuxième chance aux personnes en ayant besoin, bénéficie en priorité aux personnes les mieux insérées dans l’emploi.
2. Les financements sont abondants (plus de 34 milliards d’euros en 2006) mais très insuffisamment mutualisés ; les circuits financiers sont excessivement cloisonnés et peu contrôlables.
3. Les intervenants sont éclatés à l’extrême et ne coordonnent qu’insuffisamment leurs actions.
La Cour appelle donc à une profonde réforme d’un système inefficace, inéquitable et coûteux. Ses recommandations s’articulent autour des trois axes suivants :
1. Adapter l’offre de formation aux besoins des individus et des entreprises.
En matière de formation initiale, l’Etat et les régions doivent mieux se coordonner pour que les formations en lycées professionnels et en apprentissage soient plus complémentaires et mieux adaptées aux besoins du marché du travail. En matière de formation continue, les opérateurs publics – AFPA et réseau des GRETA – doivent faire évoluer sans délai leur forme juridique et leurs modes de gestion. La possibilité d’un rapprochement ou d’une mise en commun de leurs moyens ne doit pas être exclue. Enfin, les régions doivent s’attacher, dans le cadre des commandes publiques de formation, désormais soumises au droit de la concurrence, à exercer complètement leurs responsabilités et à définir précisément en fonction des besoins le contenu des actions financées, en rupture avec la logique de l’offre qui continue largement à prévaloir.
2. Clarifier les modalités de collecte des fonds de l’apprentissage et de la formation continue et assurer leur meilleure répartition
Les réformes à mettre en œuvre doivent viser non pas à accroître des moyens déjà abondants, mais à les mutualiser beaucoup plus fortement et à les réorienter vers les publics qui en ont le plus grand besoin tout en diminuant très sensiblement les coûts de collecte. Une diminution du nombre d’organismes collecteurs apparaît donc nécessaire, ce qui suppose que l’on rehausse le seuil de collecte donnant accès à l’agrément ; l’hypothèse d’une fusion du réseau de collecte des fonds de la formation professionnelle avec celui de la taxe d’apprentissage, voire celle d’un transfert de la collecte de l’ensemble de ces contributions aux URSSAF, devraient être examinées à cette occasion.
3. Créer les conditions d’une stratégie coordonnée en matière de formation tout au long de la vie
La mise en œuvre d’une telle stratégie suppose un renouvellement complet des méthodes de coordination entre les acteurs.
- Elle pourrait s’appuyer sur une instance commune de diagnostic et de programmation, réunissant l’ensemble des acteurs de la formation professionnelle, tant au niveau national (elle s’appuierait sur l’actuel Conseil national de la formation tout au long de la vie) qu’au niveau local ;
- un dispositif commun de financement abondé par l’ensemble des acteurs, et notamment les organismes collecteurs des fonds de la formation professionnelle ;
- un dispositif d’information et d’évaluation de nature à combler les importantes lacunes constatées dans ce domaine.
Certains argueront que la Cour des Comptes est avant tout un organisme gouvernemental coupé de la réalité des entreprises ...
En réponse à ces sceptiques, Slovar s'est procuré un document (public) édité par la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris dont le titre est : "Près de six Français sur dix n'ont jamais suivi de formation continue"
Près de six Français sur dix âgés de 18 à 60 ans n'ont jamais suivi de formation professionnelle continue, selon une enquête d'opinion nationale réalisée auprès de 1 020 personnes par l'Ofem (Observatoire de la formation, de l'emploi et des métiers) de la CCIP et rendue publique dans le cadre du forum de la formation continue organisé la chambre consulaire, mardi 30 septembre 2009. Parmi, les 42% de personnes interrogées ayant suivi au moins une action de formation au cours de leur vie professionnelle, le profil type du bénéficiaire est un homme de 45 ans, issu des CSP (catégories socioprofessionnelles) supérieures et intermédiaires, avec un niveau de diplôme au moins égal à bac+2.
Près des trois quarts (72%) des personnes interrogées considèrent que l'entreprise est la première bénéficiaire des formations suivies par ses salariés. Un peu plus d'une sur deux (54%) citent le développement de la culture et de ses connaissances générales. Le bénéfice professionnel personnel est l'item le moins bien placé (25%).
Plus des trois-quarts des Français estiment connaître ce que recouvre la formation continue. Cette appréciation est sensiblement la même quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle ou le niveau de diplôme considéré. Ils considèrent très majoritairement (80%) qu'elle s'adresse à tous (cadres, employés, ouvriers, chômeurs, non salariés) et 87% affirment que la formation continue doit aussi s'adresser aux plus diplômés. Ils sont d'accord à 88% avec le fait qu'il n'y a pas d'âge pour effectuer une formation.
HORS TEMPS DE TRAVAIL
Les trois-quarts jugent qu'un diplôme obtenu par la formation continue est "aussi bien" qu'un diplôme scolaire ou universitaire. L'effet "seconde chance" est cité par 80% des personnes interrogées: selon elles, la formation continue permet d'obtenir un diplôme "qu'on a pas pu avoir plus jeune". Près de neuf sur dix (88%) assurent qu'il est "indispensable de se former tout au long de sa vie et qu'un seul diplôme ne suffit plus".
Plus de 60% des Français seraient prêts à suivre une formation sur leur temps personnel et à en financer une partie. Les CSP supérieures disposant d'un haut niveau de diplôme y sont le plus favorables: 47% d'entre elles seraient tout à fait d'accord pour le faire contre 34% des CSP intermédiaires et inférieures. Toutefois, sur le principe, les Français déclarent à 60% que l'entreprise doit être le premier financeur, l'État le deuxième (35%), l'individu le troisième (15%).
L'enquête est consultable à l'adresse: http://www.forum-formation-continue.ccip.fr
Alors puisque tout le monde semble d'accord sur le constat, que va t-on probablement faire dans les tous prochains mois ?
Les organisations d'employeurs vont mettre en avant le fait que "dans des entreprises de moins de 20 salariés, il est impossible de permettre à un ou plusieurs de ces salariés de suivre des formations puisque cela mettrait en cause le bon fonctionnement de l'entreprise". Il sera probablement proposé que les salariés qui souhaitent se former le fassent pendant leurs RTT (pour ceux qui en ont encore) ou sur leurs congés.
Les syndicats de salariés pour qui les entreprises de moins de 50 personnes (où elles ne mettent jamais les pieds) sont des" cas à part" manifesteront mollement leur désaccord sans plus d'enthousiasme.
Le gouvernement bien aidé en cela par des parlementaires soumis aux différents lobbies décidera que les nouvelles mesures seront incitatives mais pas obligatoires (comme le demande régulièrement la CGPME fer de lance des PME et TPE)
Dans la mesure où les salariés éparpilles des 97% d'entreprises de moins de moins 20 salariés ne revendiquent ni ne se mettent jamais en grève, on passera à autre chose. Pour mieux resservir dans quelques temps si nécessaire un retour du serpent de mer de la formation ou même ... de la participation.