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Le chevalier à la rose : 3

Publié le 02 octobre 2008 par Porky

L’acte III s’ouvre sur une pantomime : nous sommes dans une auberge et Octave vérifie que son piège va bien fonctionner. S’étant assuré la complicité de l’aubergiste et de ses employés par de larges subsides, il fait répéter à sa « troupe » les apparitions qui vont ponctuer et gâcher la soirée du pauvre Ochs. Puis il va se déguiser en Mariandel. Le baron arrive, renvoie tous les domestiques afin de rester seul avec la jeune servante. Il la fait boire, mais le vin tourne la tête à la pauvre « Mariandel » : elle se met à geindre et à pleurer sur son sort, se débat, menace de prendre une crise d’hystérie, empêchant ainsi le baron de la séduire comme il l’avait prévu. Soudain, des portes et fenêtres dérobées s’ouvrent et des têtes et des personnages étranges apparaissent. Puis une femme en noir surgit d’on ne sait où et accuse Ochs d’être son mari et de l’avoir abandonnée. Elle est accompagnée d’enfants qui crient sans cesse « papa, papa » en courant après le baron qui n’en peut mais. Tout ce tintamarre attire l’attention de l’aubergiste qui compatit avec la prétendue «délaissée » tandis que Valzacchi prévient « Mariandel » qu’il a envoyé chercher Faninal. C’est une telle confusion que Ochs n’a d’autre ressource que d’appeler la police.

Mais le commissaire n’est pas du genre à apprécier les plaisanteries : il refuse de croire qu’il s’agit du baron de Lerchenau, faute de témoin, demande l’identité de Mariandel : Ochs répond qu’il s’agit de Sophie von Faninal, sa fiancée. Mais arrive Faninal qui, naturellement, dévoile immédiatement le mensonge du baron. Sophie attend dans la voiture et il l’envoie chercher, furieux de ce tour que vient de lui jouer son futur gendre. Sophie entre, on lui explique ce qui se passe, et elle cache à peine sa joie. Mais Faninal prend un malaise, il faut le soigner. On l’emmène dans une pièce voisine. Pendant ce temps, « Mariandel » attire le commissaire dans une alcôve et lui révèle toute l’histoire. Sophie, qui était allée soigner son père revient et annonce à Ochs que les fiançailles sont rompues : fureur du baron.

C’est alors qu’apparaît la Maréchale. Un serviteur d’Ochs, croyant aider son maître, est allé la chercher. Après un échange d’amabilités avec le commissaire, elle ordonne à Ochs de se retirer. Mais ce dernier vient de voir Octave qui a repris ses habits masculins et comprend enfin ce qui s’est passé. « Je ne sais que penser », dit-il à sa cousine. « Si vous êtes un galant homme, ne pensez rien et partez, répond la Maréchale. Tout est fini. » « Tout est fini », reprend tristement Sophie.

Le baron, vaincu, doit se retirer et il le fait sous les huées et les cris des enfants, les railleries d’Annina qui se fait reconnaître en «épouse et mère délaissée », les garçons de l’auberge et autres domestiques qui réclament leur pourboire.

Restent en scène La Maréchale, Sophie et Octavian. Les deux derniers sont embarrassés et ne savent que dire ; la première est émue mais maîtresse d’elle-même. Elle comprend que, pour elle, le moment est venu de laisser Octave s’en aller vers la jeunesse, vers Sophie. « Va la rejoindre », dit-elle doucement au jeune homme qui obéit presque machinalement. C’est alors l’admirable, le sublime trio final où les trois voix féminines s’entremêlent, la Maréchale renonçant à Octave, Octave exprimant son désarroi et son bonheur, Sophie sa reconnaissance et sa jalousie naissante. « Elle me le donne, et pourtant, elle garde quelque chose de lui. » Puis la Maréchale va rejoindre Faninal, laissant Octave et Sophie seuls. Elle ressort très bientôt avec lui ; à la remarque de Faninal plaisantant sur les jeunes gens qui, dit-il, « sont tous comme ça », elle répond un simple « oui, oui » avec un sourire au bord des larmes. Ce sera sa dernière parole. Elle se retire avec Faninal, tandis que Octave et Sophie, enlacés, se redisent encore leur amour. 

Vidéos : toujours et encore Salzbourg... Que voulez-vous : Schwarzkopf fut sans doute la plus grande Maréchale du siècle. Alors autant en profiter, non ? 

Vidéo 1 : Le trio final, "habt mir gelobt"... jusqu'à la première sortie de la Maréchale allant rejoindre Faninal dans une pièce à côté.

Sena Jurinac et Annelies Rothenberger entourent Elisabeth Schwarzkopf.

Vidéo 2 : Fin du trio et dernière scène du Rosenkavalier. Mêmes interprètes.

 

LE CHEVALIER A LA ROSE MASSACRÉ A LYON !

Dire que c’est mon opéra favori est un euphémisme : je l’adore. Et s’il y a quelque chose que je ne peux pas pardonner, c’est qu’on le trahisse ou qu’on le défigure. Et bien, figurez-vous que l’opéra de Lyon, très doué pour programmer des spectacles affligeants, a présenté il y a quelques années une production à faire pleurer Strauss lui-même : je ne me souviens plus du nom du metteur en scène, et ça vaut mieux, ce genre d’individu ne trouve sa place qu’au fond d’un cloaque d’anonymat d’où une erreur l’a un jour tiré –mais heureusement, il a vite replongé dans son obscurité sociale. (A moins que seule ma mémoire soit en cause et qu’il sévisse encore ? Notre Dame de la Salette, faites que non !) Obscurité qu'on espère aussi noire que la salle en question, qui vous donne un avant-goût de votre tombeau, et que les grilles d’égout en fer forgé sur lesquels vous marchez pour atteindre ladite salle, grilles qui sont la mort des talons aiguilles ou des talons tout court. (1)

Le rideau se lève. Emotion. Qui retombe très vite comme un soufflé trop cuit. Le premier acte, pourtant, passe encore. Le décor est à peu près conforme à ce qu’on peut attendre d’une vision raisonnable de la chambre à coucher d’une aristocrate autrichienne du 18ème. Cependant, la réduction de l’aire de jeu à une toute petite partie de la scène devant le lit donne quelques inquiétudes pour la suite. De même que l’indigence de la « suite » de la Maréchale.

C’est au deuxième acte que commence le massacre : vous cherchez en vain le grand salon d’une maison bourgeoise du même 18ème : entassement d’objets hétéroclites sur une plate-forme rectangulaire, au milieu d’un décor laid à hurler. Chaises modernes, en plastique, dans un coin, téléviseurs –au pluriel, da !- dispersés sur la scène afin de bien montrer que… que quoi ? Allez savoir ! C’est dans ce bordel qu’Octavian vient présenter la rose à Sophie, coincée dans une cabine d’essayage –ou de douche ? (Il ne manque plus que le couteau à la place de la rose, et on est dans Psychose.) Costumes hideux d’une couleur à vous crever les yeux, on se croirait revenu dans la décennie 70. A moins que le costumier ne soit un copain de Proserpine Decheval.

Le troisième acte fait monter l’horreur à son comble : l’auberge est devenue une sorte de night-club dans lequel s’agitent des drag-queens en folie, moches à faire peur et ridicules au-delà de toute description. La Maréchale entre, vêtue d’une veste et d’un pantalon blancs –pour faire moderne, bien sûr, et montrer ainsi que l’œuvre est intemporelle. Avec un attaché-case dans une main, elle ferait très jeune cadresse dynamique. Bon. Envolée du décor, disparition des affligeants travestis qui se sont déhanchés sur la scène pendant trois quarts d’heure, surgissement d’un dôme représentant vous ne savez trop quoi, étoiles au firmament. Commence le trio final. Hélas ! Ai-je joué de malchance, ce soir-là ? Voilà qu’après avoir subi environ trois heures de ce spectacle affligeant, je me tape un énorme « couac » de la part de la Maréchale –fatiguée, pas dans un bon jour ? Toujours est-il que la montée vocale qui ouvre le trio s’achève sur un désastre total.

J’accepte volontiers qu’une chanteuse rate sa note : ça peut arriver et nul n’est à l’abri d’un accident. Aussi n’est-ce pas sur elle que j’ai eu envie de jeter des tomates ce soir-là. Mais sur cet espèce de gnome verdâtre et décomposé nommé « metteur en scène ». Prétentieux comme il n’est pas permis de l’être, faussement « intello », puant de vanité (au sens étymologique du terme, svp), exposant sans pudeur son inconscient sur la scène (personne ne l’empêche de se déguiser en drag-queen si c’est son rêve, mais de grâce, qu’il laisse Strauss hors de sa cure psychanalytique) et présentant comme une trouvaille géniale ce qui relève d’une analyse littéraire niveau première L pas douée : vous vous rendez compte, Le Chevalier à la rose est une œuvre de tous les temps ! Les thèmes qui y sont développés concernent l’homme en général et pas seulement ceux du 18ème ! Quelle découverte ! On en frémit d’extase. Si cette œuvre est intemporelle (ce qui est exact), à quoi bon alors s’obstiner à la « moderniser » ? Autant la laisser dans son époque d’origine. On est peut-être capable de faire la correspondance sans l’aide d’un prétientiard mal lavé. Mais le public est trop con pour comprendre ; on va donc lui démontrer par A + B qu’il peut –et qu’il doit - jeter une passerelle entre les époques –quitte à faire dans le lourd et le mauvais goût. Oui, c’est pour ça, bande d’abrutis, que le premier acte est vaguement conforme à la tradition classique et que les deux autres baignent dans la « modernité ». On utilise la « passerelle temporelle ». Avez-vous compris ou faut-il insister encore plus lourdement ? Avec vous, de toutes façons, tout passe.

Et bien oui, tout passe. Y compris la sottise la plus incurable. Car au lieu de huer cette merde, le public a applaudi à tout rompre, notamment les drag-queens revenues faire leur numéro au moment des saluts. Il faut dire qu’il suffisait de jeter un regard à ce fameux public pour comprendre : musicien comme un putois, aussi mélomane que je suis archevêque, cultivé à l’instar d’un rat crevé, possédant un esprit critique aussi acéré que mon genou, bref : the public idéal pour ce genre d’individu. Celui à qui on fait avaler d’énormes couleuvres en profitant de son snobisme, de sa veulerie, et de sa parfaite obéissance au code du « politiquement correct ». J’ai beau eu gueuler, ma voix n’étant pas -de loin- aussi forte que celle de Gontranix, mes beuglements ne sont pas allés plus loin que le deuxième rang devant moi. Ah, quand l’organe vous manque, tout manque ! C’était à pleurer de dépit.

Sigismond Bétéhesse, présent lors de cette mémorable soirée, avait fui, le traître, à la fin du premier acte, nous promettant une suite désastreuse et déclarant qu’il n’avait pas envie d’assister à l’écroulement d’un chef d’œuvre. Que ne l’avons-nous imité ! Ca m’aurait évité une crise d’urticaire et des envies de meurtre ; quant à File la laine qui m’avait accompagné, elle n’aurait pas eu besoin de se démonter la gorge et les poumons à tousser comme une poitrinaire à cause d’une connasse qui s’était cassé son flacon de parfum sur la tronche (genre patchouli à deux ronds) et emboconnait tout le balcon.

Il y a des soirées qu’on voudrait oublier. Celle-là en fait partie. Hélas, elle me revient sans cesse à l’esprit quand je pense réserver des places à l’opéra de Lyon. Alors je renonce. Non, je ne remettrai pas les pieds dans cet infâme endroit. J’ai peut-être tort, mais je préfère nettement écouter tranquillement et seul mes opéras et imaginer moi-même ma mise en scène. J’évite au moins les déceptions…

(1) Idée : et si l’Opéra de Lyon créait un musée consacré aux chaussures assassinées par ces grilles d’égout ? Ca pourrait faire recette, un monceau de chaussures aux talons cassés artistement disposées au gré de l’inspiration. Au point où on en est…


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