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C’était un vendredi treize. Et je ne savais pas quel genre de bonheur ou de malheur était censé m’arrivé. J’entendais juste, sans parvenir à m’éveiller complètement, le facteur farfouiller comme un fou dans la boite aux lettres du rez-de-chaussée, s’efforçant, sans aucun doute, d’y glisser quelque chose d’un peu volumineux. J’ai d’abord pensé à une certaine revue, assez luxueuse, qu’il m’arrivait de recevoir sans d’ailleurs comprendre pourquoi le précédent locataire semblait s’en être brusquement désintéressé le jour de son déménagement (le plus étrange étant tout de même qu’il avait dû prolonger l’abonnement à mon insu). J’ai pensé aussi - car ils en obstruent régulièrement l’ouverture, m’obligeant, ensuite, à les extirper, les uns après les autres, au prix d’une bordée d’injures adressées au premier venu (généralement Victor Lemercier qui passe les trois quart du temps à me surveiller derrière sa fenêtre, de l’autre côté de l’impasse, et le reste du temps assoupi dans son fauteuil) – à ces catalogues de jardinage ou d’embellissement domestique, pour faire bref, inutilement chargés de créatures vaguement sexy. Mais j’ai fini par croire à d’autres hypothèses moins convenues, la plus probable étant tout de même que Séverine m’envoyait, par la poste, ce que j’exigeais, depuis des semaines, qu’elle me restitue (à savoir, avant tout, le double des clefs, dont celle de la boite aux lettres, par parenthèse, mais aussi mon briquet plaqué or, sans même parler de ces photos qu’elle avait prises au temps de notre liaison et qui me montraient sous un jour assez peu flatteur, pour ne pas dire plus). Je n’imaginais pas, en revanche, que Frédéric puisse m’avoir expédié les plans de son nouveau prototype sans m’y avoir longuement préparé (interminables conversations téléphoniques entre deux heures et quatre heures du matin). Naturellement je me trompais sur toute la ligne…