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Rapport spécial de la Halde : les enfants entrés hors du regroupement ont les mêmes droits que les autres

Publié le 02 octobre 2008 par Combatsdh

La Halde vient de rendre public un nouveau rapport spécial, qui sera publié au Journal officiel comme le prévoit l'article 11 de la loi du 30 décembre 2004, à l'encontre du ministère de la Santé, de la jeunesse et des sports (voir le communiqué de presse). La mise au pilori de l'attitude discriminatoire du ministère est - curieusement - davantage due au fait que le rapport soit rendu public par un communiqué de presse de la Halde et repris par des médias ( L'Humanité, La Croix, le Figaro, Les dépêches du jurisclasseur, etc.) que par sa publication au Journal officiel (voir notre billet sur le blog droitadministratif). Le rapport adopté par recommandation du 1er septembre 2008 concerne le refus persistant de ce ministère d'ouvrir droit aux prestations familiales pour les parents - réguliers - d'enfants étrangers entrés en dehors de la procédure de regroupement familial.

Depuis une recommandation de novembre 2006, à l'initiative d'un particulier, la HALDE a constamment considéré comme discriminatoire le fait d'exiger cette condition.

Cette exigence est contraire à la convention européenne des droits de l'homme (article 14 et 8 ) et à la Convention internationale des droits de l'enfant.

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La HALDE a présenté des observations devant plusieurs tribunaux dont les Cours d'appel de Paris et de Versailles, qui ont ordonné le versement des prestations familiales aux familles.

Elle recommande aussi de modifier les dispositions discriminatoires du code de la sécurité sociale.

Dans un communiqué, le Gisti avait aussi dénoncé dans la loi RSA le maintien de cette discrimination ce qui a provoqué une polémique avec le Haut commissaire aux solidarités actives (voir notre billet et l'intervention de Roland Muzeaud à l'Assemblée).

Mais revenons au rapport spécial de la HALDE.

En 1986, la loi " Barzach " du 29 décembre 1986 soumettait pour la première fois, à l'article L512-2 du Code de la Sécurité sociale, le bénéfice des prestations familiales à la justification de la régularité du séjour et exigeait la justification d'une entrée régulière des enfants bénéficiaires.

Concrètement, pour que l'enfant soit pris en compte dans le calcul des droits aux prestations familiales et aux aides au logement, il doit être entré dans le cadre du regroupement familial et il est nécessaire de produire le certificat délivré par l'ANAEM (anciennement OMI) lors de la visite médicale.

Rapport spécial de la Halde : les enfants entrés hors du regroupement ont les mêmes droits que les autresCette exigence n'a cessé d'être contestée par les associations (voir Gisti, Les enfants entrés hors du regroupement familial ont droit aux prestations familiales, 2005).

Le 16 avril 2004, la Cour de cassation a reconnu le caractère discriminatoire de ces dispositions, comme contraires à l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme combiné à son article 8 (Cour de cassation, Assemblée plénière, 16 avril 2004, DRASS des Pays de la Loire c/ époux Lingouala, n° 02-30157).

" attendu que selon les articles L. 512-1 et L. 512-2 du Code de la sécurité sociale, les étrangers résidant régulièrement en France avec leurs enfants mineurs bénéficient de plein droit des prestations familiales ; que la cour d'appel, qui a constaté qu'il n'était pas contesté que Mme X... résidait régulièrement en France depuis le 27 septembre 1991 avec ses deux enfants, en a exactement déduit, par une interprétation des textes précités, conforme aux exigences des articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que les prestations familiales étaient dues à compter du 1er mars 1993".

Cette inconventionnalité a depuis constamment été confirmée par la Cour de cassation dans plusieurs décisions de 2004 et 2006 pour des faits antérieurs à 2006.

Elle est aussi convergente avec la jurisprudence de la Cour européennes des droits de l'homme(CEDH 16 septembre 1996 Gaygusuz c/ Autriche ; CEDH 30 septembre 2003 Koua Poirrez c/ France; CEDH 25 octobre 2005, Niedzwiecki c/Allemagne et Okpisz c/Allemagne).

Souhaitant surmonter ces décisions, le législateur a adopté, à l'initiative du gouvernement, l'article 89 de la loi du 19 décembre 2005 portant LFSS pour 2006 (article L.512-2 CSS) qui prévoit que les étrangers en situation régulière bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié, pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, de l'une des situations suivantes :

  • leur naissance en France ;
  • leur entrée régulière dans le cadre de la procédure de regroupement familial ;
  • leur qualité de membre de famille de réfugié
  • leur qualité d'enfants d'apatrides ou de bénéficiaires de la protection subsidiaire titulaire d'une carte " vie privée et familiale " ;
  • leur qualité d'enfant d'étranger titulaire d'une carte " scientifique " ;
  • eur qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour " vie privée et familiale " obtenue sur le fondement de l'article L.313-11, 7° du CESEDA à la condition que le ou les enfants en cause soient entrés en France au plus tard en même temps que l'un de leurs parents titulaires de cette carte.

Saisi de la constitutionnalité de cette disposition, le Conseil constitutionnel a estimé qu'elle n'est pas contraire à la Constitution et n'a émis qu'une réserve d'interprétation au sujet des enfants bénéficiant d'un regroupement sur place ( décision n° 2005-528 DC du 15 décembre 2005 Loi de financement de la sécurité sociale pour 2006).

Il n'en demeure pas moins que l'inconventionnalité relevée par la Cour de cassation demeure et ce qu'elle émane du règlement ou de la loi.

C'est ce qui ont amené la Défenseure des enfants dans un avis du 9 juin 2004 et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, dans 8 recommandations, à estimer cette législation contraire aux articles 14 et 8 de la CEDH et à l'article 3-1 de Convention internationale sur les droits de l'enfant.

La HALDE estime avec une grande constance que le refus opposés par les CAF sont discriminatoires comme contraires à l'article 14 combiné à l'article 8 CEDH ou à l'article 1 er du premier protocole additionnel, que les affaires portent sur des faits antérieurs ou postérieurs à la nouvelle rédaction des articles L. 512-2 et D. 512-1 CSS issue de la loi de 2005 et du décret de 2006 (v. recommand. n°2006-288 du 11 déc. 2006 et n°2007-245 n°2007-247 du 1 oct. 2007).

Dans ces recommandations, la HALDE décide systématiquement de produire des observations devant les juridictions au soutien des requérants afin de défendre cette position.

Si bien que des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) ou de Cours

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d'appel ont suivi les recommandations et les observations de la HALDE pour des faits postérieurs à la LFSS 2006:

CA de Versailles, 26 février 2008, n°07/01772, M. Cheikh c/ CAF des Hauts-de-Seine

CA de Paris, 3 juill. 2008, n°07/00679, M. Benhamoudi c/ CAF de Seine-St-Denis

Malgré ces 8 recommandations de la HALDE et ces décisions de justice, le ministère de la Santé n'a pas fait la moindre démarche pour rendre la législation conforme au principe de non-discrimination.

Dans son rapport spécial, la HALDE évoque pourtant un courrier envoyé au ministre dès le 18 décembre 2006. Le 7 mars 2008, la HALDE adressait au Directeur de la Sécurité sociale un autre un courrier par lequel elle concluait que les justifications données n'étaient pas de nature à satisfaire aux exigences formulées par le Collège et que les modifications législatives et réglementaires sollicitées n'étaient toujours pas intervenues.

Le ministère n'a pourtant donné aucune réponse à la HALDE.

Il est donc logique que dans la mesure où l'Etat français ne se conforme toujours pas aux recommandations de la haute autorité constatant la violation du principe de non-discrimination garantis par des conventions internationales que la HALDEpublie un rapport spécial.

C'est néanmoins la dernière corde à son arc pour tenter de faire évoluer le législateur - l'Etat ne pouvant faire l'objet de poursuites pénales sur le fondement de l'article 225-1 du code pénal pour discrimination contrairement aux simples particuliers.

Ensuite, la seule solution serait qu'un particulier obtienne de nouveau de la Cour de cassation un constat d'inconventionnalité de cette législation au regard de la CEDH ou qu'une affaire aboutisse devant la Cour de Strasbourg.

Il serait intéressant de voir si la HALDE va publier le même type de rapport spécial s'agissant de ses recommandations sur le caractère discriminatoire de la décristallisation partielle des pensions des anciens combattants et fonctionnaires des ex-territoires sous souveraineté française malgré la loi "Indigènes" ou sur certaines dispositions de la loi Hortefeux .

Et si elle va enfin répondre aux réclamations portées devant elle depuis 3 ans sur les discriminations à l'encontre des Harkis étrangers (novembre 2005) ou des prestations familiales à Mayotte (novembre 2006).

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Pour d'autres rapports spéciaux de la HALDE voir

Délibération n° 2008-51 du 31 mars 2008 (Rapport spécial sur une réclamation afférente aux conditions de rachat de trimestres d'études supérieures pour le calcul d'une pension de retraite)

NOR ADEX0812862X
JO du 01/08/2008 texte : 0178; 128

ce rapport spécial a été suivi d'effet puisque le ministère a annoncé au mois d'août que la réglementation allait être changée (v là ).

Délibération n° 2006-201 du 2 octobre 2006 (Rapport spécial sur une réclamation relative aux conditions d'âge et de sexe applicables en matière de droit à pension en vertu du décret n° 90-1215 du 20 décembre 1990 relatif à la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires)

NOR ADEX0609695X
J.O. du 17/11/2006 texte : n° 62

Délibération n° 2006-183 du 18 septembre 2006 (Rapport spécial sur une réclamation relative à l'accès au concours externe du professorat d'éducation physique et sportive et au recrutement par la voie contractuelle spécifique aux personnes handicapées)

NOR ADEX0609664X
J.O. du 04/11/2006 texte : n° 90


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