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L'OPPOSITION DE L'ÂME et du CORPS

Publié le 03 octobre 2008 par Osmose

L'âme et le corps ne sont pas seulement distincts : ils sont opposés, adversaires, pour ne pas dire ennemis ; et leur antagonisme se manifeste doublement, du point de vue de la connaissance et du point de vue de l'action, puisque l'âme est tout à la fois principe de la pensée et principe de la volonté.
S'agit-il de connaître, c'est le corps qui se fait puissance hostile : "Et quand il s'agit de l'acquisition de la science, le corps est-il, oui ou non, un obstacle, si on l'associe à cette recherche ?".

La réponse ne fait point de doute car les sens sont non seulement incertains, mais carrément trompeurs lorsqu'ils sont mêlés à l'activité intellectuelle : "l'âme ne raisonne jamais mieux que quand rien ne la trouble, ni l'ouïe, ni la vue, ni la douleur, ni quelque plaisir, mais qu'au contraire elle s'isole le plus complètement en elle-même, en envoyant promener le corps et qu'elle rompt, autant qu'elle peut, tout commerce et tout contact avec lui pour essayer de saisir le réel".

S'agit-il de décider et d'agir, c'est alors l'âme qui fait savoir au corps, et sans ménagements, que c'est elle qui commande : "de toutes les parties de l'homme, en connais-tu quelque autre qui commande, en dehors de l'âme, surtout quand elle est sage ?".

Et cette hégémonie prend des allures quasi tyranniques : "si par exemple, le corps a chaud et soif, elle le tire en arrière, pour qu'il ne boive pas ; s'il a faim, pour qu'il ne mange pas, et dans mille autres circonstances nous voyons l'âme s'opposer aux passions du corps".

Objectera-t-on que la tripartition de l'âme proposée au livre IV de la République et exposée dans le Phèdre à travers le mythe de l'attelage ailé vient tempérer ce dualisme ?

D'une part, l'âme intégrerait un « ε̉πιθυμητικόν » qui l'apparenterait au corps ; d'autre part, le θυμός (le bon cheval dans le mythe) exercerait un pouvoir de médiation entre l' « ε̉πιθυμητικόν » et le « λογιστικόν », entre la faculté de désirer et la faculté de raisonner.

Si l'on ajoute à cela que l'âme apparaît dans le Phèdre comme ce qui communique au corps le mouvement qu'elle se donne à elle-même, on pourrait croire que les rapports de l'âme et du corps sont pensés par Platon à travers une série de médiations qui en aboliraient, ou du moins en atténueraient singulièrement, l'opposition.

On se tromperait pourtant. D'une part en effet, notre bon cheval n'est pas de même "race" que son rétif compagnon d'attelage : "l'autre est tout le contraire et par lui-même et par son origine".

A quelle race appartient-il donc ? De toute évidence à celle de l'esprit, aux injonctions duquel il est toujours docile, à celle de la raison dont il est l'"auxiliaire naturel"

Du principe irascible, Platon dit clairement dans la République que "quand une sédition s'élève dans l'âme, il prend les armes en faveur de la raison".

Dès lors on comprend que le « θυμός » n'a aucun pouvoir médiateur et qu'il n'effectue aucune opération conciliatrice entre le « λογιστικόν » et l' « ε̉πιθυμητικόν » : que penserait-on d'un médiateur qui donnerait systématiquement raison à l'une des parties ?

Il faut donc admettre, avec Claude Bruaire, que "le coeur est de l'ordre du logos, son arme ou son moment négatif d'opposition au désir".

D'autre part, la tripartition de l'âme concerne moins sa véritable nature, qui ne saurait admettre la diversité, que son histoire, c'est-à-dire sa déchéance présente, résultat de son union avec le corps : c'est dégradée et défigurée qu'elle se montre à nous.

Ainsi, "ce que nous avons dit de l'âme est vrai par rapport à son état présent", mais ne nous fait pas connaître sa vraie nature ; les trois parties de l'âme ne constituent pas sa structure, mais renvoient à des aspects ou à des moments de sa vie corporelle : "nous avons assez bien décrit, ce me semble, les affections qu'elle éprouve et les formes qu'elle prend au cours de son existence humaine".

Qu'en est-il donc de sa nature véritable ? Elle se révèle si on considère ce à quoi elle aspire, l'objet qu'elle vise parce qu'elle lui est apparentée : le divin.


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