Ou comment j’ai fini par acheter le livre de Pénélope Bagieu
L’automne, c’est la ruine pour mon portefeuille. Autour de moi, tout le monde a décidé de naître entre la mi-septembre et le début novembre. Entre ces deux échéances, c’est l’hécatombe, j’ai une dizaine de cadeaux à faire. Généralement, je prends mon temps pour préparer l’achat, le personnaliser, traquer les goûts de la personne ciblée, bref : offrir est un art auquel j’adore me livrer. Mais pas lorsque le mois d’octobre ressemble à la course aux cadeaux de Noël.
Alors, bêtement, j’ai décidé de TOUT acheter d’un bloc, au même instant et au même endroit. C’est donc dans une enclave parisienne sur quatre étages, située près d’une triste gare dont la bousculade quotidienne des passagers de banlieue est la seule animation valable, que je me suis livrée au suicide de mon compte en banque. A la FNAC. J’ai juste décidé que tout le monde aurait des bouquins.
Ça va saigner.
Tenue de combat : baskets / jean / pull = la criminelle se fond totalement dans la masse. J’avais même pas de rouge à lèvres. Je me sentais transparente.
Durée du raid : quarante-cinq minutes entre le rayon romans français, romans étrangers, BD et livres d’art.
Je pars à l’attaque, l’ennemi se déploie autour de la carlingue de mon engin (ma parka à capuche moumoutée en lapin qui fend la bise hivernale).
1. Tête de gondole : Lecteurs du dimanche en quête du dernier best-seller : une race dangereuse. Ils entrent dans le rayon, fondent sur leur objectif, vous bousculent au passage, s’en foutent, et ne pensent qu’à payer leur Dan Brown pour le dévorer dans le métro. Une heure aller pour le Dan Brown, suivie d’une heure retour, je vous garantis qu’ils l’auront fini en arrivant chez eux. Quant à moi, je slalome entre les têtes de gondoles et j’arrive saine et sauve au rayon qui m’intéresse. Ouf.
2. Rayon romans français : il se situe juste après le rayon “romans étrangers”. Mon chauvinisme incurable en est extrêmement froissé. Je me permets un grognement d’agacement dans le cockpit, “p… j’hallucine on se croirait aux Etats-Unis” salué par un civil en goguette, un vieux monsieur à chapeau : “Vous avez bien raison mademoiselle!” C’est ainsi que je me rends compte que je suis arrivée en terrain allié. Je réapprovisionne mes réservoirs en romans d’Alice Ferney (Les autres, La conversation amoureuse, Grâce et dénuement), puisque j’offre toujours du Alice Ferney depuis qu’on m’en a offert, et surtout parce qu’elle vient d’en sortir un nouveau, Paradis conjugal. Je repars gonflée à bloc.
3. Rayon bandes dessinées : voilà un territoire que je n’ai pas encore complètement conquis, mais sur lequel j’ai déjà placé quelques balises. Disons que je commence, pour des raisons professionnelles que je ne peux vous dévoiler encore, à m’intéresser de très près à ce genre littéraire. Et comme Martin (oui, vous savez, le dessinateur blogueur qui possède ce coup de crayon dont je suis amoureuse) m’avait vanté les mérites d’Emmanuel Guibert et de sa série Le photographe, j’ai piqué sur la toute récente intégrale du même nom qui regroupe les trois tomes de ces aventures entre dessin, texte très documenté et photos de reportage. Le problème, lorsqu’on connaît mal une zone de combat, c’est qu’on a vite fait de s’enliser dans les marais ou la forêt vierge, qui, il faut le dire, est très attirante. Me voilà soudain entourée par des blessés qui gisent au sol, lisant sans fin Garfield, Snoopy ou Manara - avez-vous remarqué la proportion de garçons prépubères qui squattent les rayons BD de la FNAC? Et comme j’ai une tante très midinette qui fête ses 47 printemps, j’ai agi à l’encontre absolu de mon snobisme littéraire : j’ai acheté à l’ennemi un exemplaire de Ma vie est tout à fait fascinante, la BD méga-girly et rigolote de Pénélope Bagieu, célèbre consoeur bloguesque aux 12000 clics par jour. C’est là que je comprends que ma stratégie a pris un sacré coup dans l’aile. Il faut à tout prix redresser l’engin.
4. Rayons livres d’art : autrement dit le rayon casse-tête. Entre les bouquins de photo, de cinéma, de critique de peinture, d’histoire de l’art illustrée, etc. j’ai envie de tout acheter. Je manque de faillir. Je comprends que j’ai perdu la bataille. L’ennemi me cerne. Je décide d’abandonner l’avion. Je saute en parachute jusqu’au premier étage et me laisse glisser le long de la rampe d’escalator. Jusqu’à finir mon saut de l’ange devant une pile de carnets Moleskine, sorte de drapeau blanc à agiter en caisse pour dire que je me rends. Je ne sais pas sortir de la FNAC sans un carnet Moleskine, bon sang.
BANZAÏ !!!