Quand la finance définit l’horizon de l’humanité...
Wall Street
Il semble que l’histoire est en train de se répéter. Tout le monde pensait que la crise de 1929 était un lointain souvenir que l’on se plaisait à raconter dans les cours d’histoire. Tous les spécialistes de la prévision économique se sont fourvoyés car la confiance qu’ils avaient dans la virtualité du marché dépassait celle qu’ils accordaient à la réalité de celui-ci. Bien entendu, je n’entre pas dans le charabia des spécialistes qui, tout à fait entre nous, se sont perdus et même englués dans leurs explications. Ce qui est important dans cette situation surprenante c'est que la remise en question fondamentale qui devrait être consécutive à cet échec n’est pas venue d'où on l’attendait, c’est-dire- dire de la part des financiers et autres spécialistes de la spéculation, mais des citoyens ordinaires. Pire encore, les gouvernements du monde entier, j’entends ceux des pays riches, ont soutenu l’édifice en effondrement comme pour dire aux gens ordinaires, que nous sommes, que les banquiers ont le droit de perdre des milliards, mais que nous sommes là pour leur sauver la mise. Mais alors qui est là pour nous ? N’est-ce pas ces mêmes banques qui ont chassé, comme des malfrats, des milliers de ménages américains en faillite, qui demandent aujourd'hui le soutien, voire la magnanimité de ces pauvres gens ? Peut être sommes nous en train d’assister à cette merveilleuse illusion biblique qui veut que les « derniers seront les premiers ». Mais dans quel monde seront-ils les premiers ?
Pour ma part, je ne suis pas sûr que la réflexion que nécessite cet échec soit sérieusement entamée par les acteurs financiers eux-mêmes. J’ai comme l’impression que le fait que le gouvernement américain soit à la rescousse de son système capitaliste entrave cette nécessaire remise en cause. S’il est vrai que l’on tire des leçons des erreurs du passé, force est de reconnaître que les erreurs consécutives à 29, 73 (OPEP), 93 (crise asiatique) n’ont pas suscité un questionnement légitime du système capitaliste. Et que si nous partons de l’idée que « l’erreur est humaine » et que « persévérer est diabolique », nous devons en tirer les conséquences en affirmant que le capitalisme est diabolique. Non content de jouer avec le destin de millions de travailleurs en favorisant les dividendes des actionnaires, il a le privilège de survivre grâce aux contribuables des pays riche. Ah, quelle ironie !
Le comble du paradoxe dans cette histoire c’est qu’à coté de ce plan de sauvetage inouï dans l’histoire de l’humanité, le monde peine à trouver 20 milliards de dollars pour financer la FAO et le PAM (Programme Alimentaire Mondial) dans leur lutte pour l’autosuffisance alimentaire dans le tiers-monde. Le principe de réalité qui gouverne la sphère politique a volé en éclat, en ce sens que le destin même de la civilisation moderne repose sur la fragilité du capitalisme qui n’a cessé de nous montrer ses limites. Cette rupture des finances avec la réalité (vente à découvert, titrisation, que sais-je encore) a l’inconvénient non seulement de ne pas pousser à une remise en question complète (notamment à propos de la place de l’homme dans cet univers), mais aussi de consolider l’idée que le cynisme n’est pas forcément un défaut, puisque quel que soient les dégâts il y aura toujours des gouvernements prêts à secourir les auteurs des catastophes éconmiques.
En fin de compte, ce qu'il faut retenir de cette semaine de secousses boursières, c’est que le capitalisme renaît de ces de ces cendres, mais qu'il a définalisé l’univers et l’humanité tout entière. A la question kantienne posée à l’Introduction de la Critique de la Raison Pure, « que nous est-il permis d’espérer ? », il nous faudra répondre, avec un certain pessimisme, pas grand-chose. Car, des « récessions », il y en aura encore, des « sauvetages » aussi. Mais, plus important et malheureusement, des victimes, chaque jour plus nombreuses, continueront à payer des additions pour des festins auxquels nul, jamais, n'a songé à les convier. Pape