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Afghanistan : ne pas se tromper de débat

Publié le 21 septembre 2008 par Délis

Ce lundi 22 septembre, les députés et les sénateurs débattent de la présence française en Afghanistan. Les circonstances pourraient faire de ce débat un moment exceptionnel de notre vie démocratique. Le lieu en est le parlement, doté de nouveaux pouvoirs par la vertu de la réforme constitutionnelle, notamment en ce qui concerne l’envoi de troupes à l’étranger. Le thème, la guerre. C’est ce que nous a révélé la mort de 10 soldats Français, tués le 18 août dans une embuscade. La guerre, le mot qui ponctue les pages d’histoire, forge les émotions collectives et réveille des peurs enfouies, peut sembler ici démesuré. Mais c’est pourtant bien une guerre que mènent ceux qui ont fait couler le sang des soldats français. Le débat se doit donc d’être à la hauteur de cet enjeu. La politique étrangère est, plus souvent que tout autre, un domaine où nos représentants parviennent à trouver sinon un consensus, du moins un accord très largement majoritaire, comme ce fut le cas en 2003 à propos de l’intervention militaire en Irak, et en 2001 s’agissant de l‘envoi de troupes en Afghanistan. Mais on sait l’opposition qu’a suscitée l’annonce, en mars 2008 par le Président de la République, du renforcement de la présence française en Afghanistan.

Derrière le consensus comme derrière l’affrontement, il peut y avoir deux manières de priver le public du débat auquel il a droit. En cédant à la facilité de mobiliser l’émotion consécutive à la mort de nos soldats, on peut tout aussi bien réclamer le retrait des troupes pour ne plus envoyer des jeunes de 20 ans à la mort dans un bourbier, ou justifier la poursuite de l’engagement car il serait indécent de laisser triompher ceux qui les ont piégés. Mais pour efficaces que soient les plaidoyers qui jouent sur l’émotion, ils ne sont pas de nature à éclairer le pays. Il serait tout aussi regrettable de donner le spectacle d’une opposition qui ne paraîtrait à l’opinion que de principe, parce qu’on est l’opposition contre le gouvernement, la gauche contre la droite.

Dans les deux cas, cette occasion serait une occasion ratée, alors que les représentants de la nation et les membres du gouvernement ont l’opportunité de soulever devant le pays les véritables questions dont la présence ou non de nos soldats ne sont que la résultante : quelle est cette guerre qui a lieu là- bas et ailleurs, qui sont nos adversaires et que veulent-ils, que voulons-nous nous-mêmes ? Car quand on mène une guerre il faut des buts de guerre. « Lutter contre le terrorisme » est une manière de nommer ce but. Mais c’est aussi une manière de tuer le débat ou du moins d’empêcher qu’il éclaire l’opinion. Le terrorisme est une forme de mal absolu, toute lutte contre le mal est légitime, fermez (et levez) le ban. L’opinion américaine a fini par se lasser de cette rhétorique. Cela peut fonctionner un temps, car il y a peu de chances que l’opinion éprouve la moindre sympathie pour les talibans qui ont tendu une embuscade aux soldats français. Mais il semble pourtant que ces mêmes talibans bénéficient sur place de la sympathie d’une partie de la population, qui pas plus que nous n’aime le mal, mais s’en fait vraisemblablement une tout autre idée. Peut-être même ont-ils le sentiment que les talibans ne font que résister à une force d’occupation étrangère installée sur leur territoire avec la complicité d’un pouvoir illégitime. Faire de la lutte contre le terrorisme un but de guerre, c’est fausser le débat car ceux que nos soldats affrontent ne font pas la guerre pour le terrorisme.

Le terrorisme n’est pour eux qu’un moyen parmi d’autres, et l’embuscade du 19 novembre a fait usage de moyens tout ce qu’il y a de plus conventionnels. Les Talibans ont des buts de guerre bien précis. Quels sont les nôtres ? Il faut les expliquer au pays, en expliquant aussi comment nous prévoyons de les atteindre, et de quelle manière nous saurons en mesurer le succès ou l’échec. Et si, en débattant du sens et des objectifs de l’engagement français, les parlementaires expriment leur vision de cette lutte planétaire dont l’Afghanistan n’est qu’un théâtre parmi d’autres, et disent quelle doivent être le rôle de la France et de l’Europe dans cette lutte, alors ce débat sera un grand rendez-vous.


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