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Tous les soirs c'était la même farce

Par Pandora

Tous les soirs c'était la même farce dont j’étais hélas le dindon. Nous allions nous coucher ensemble et lisions un peu, chacun de notre côté, elle ses romans historiques et moi mes polars. J’aimais particulièrement ce calme de la nuit dans lequel je pouvais projeter les angoisses du personnage auquel je m’identifiais quand le bouquin était bon. Petit dormeur, je lisais jusque très tard tandis qu’elle ne tardait pas à s’assoupir, bercée par la musique des mots. Elle posait doucement son livre, ôtait ses lunettes et éteignait sa petite lampe de chevet avant de se tourner vers moi pour m’embrasser tendrement.

Et tandis que je lisais j’entendais sa respiration se ralentir et devenir plus profonde ; ma douce gagnait doucement les bras de Morphée tandis que je tombais dans les mains d’horribles psychopathes. Le changement était subtil, la respiration se faisait plus bruyante puis de petits bruits de castagnettes se laissaient entendre, progressivement remplacés par un concerto pour trompettes et marteaux piqueur. Sonore et déplaisant.

Ma délicate épouse à la voix si fluette et délicieuse quand elle me susurre des mots doux à l’oreille se transforme à la nuit en un horrible goret. Si au moins ce n’étaient que les soirs de pleine lune comme pour les loups garou ! Je ne comprendrai jamais d’où elle tient ce coffre qui ferait pâlir d’envie un chanteur d’opéra mais ce que je sais c’est que je n’en peux plus. J’ai essayé de la réveiller, de siffler, de faire du bruit mais rien n’y fait, elle repart de plus belle au bout de quelques minutes me perturbant dans ma lecture et m’empêchant ensuite de trouver le sommeil.

J’en viens à appréhender ce moment où je dois mettre en œuvre tout le self contrôle qui me reste pour ne pas me transformer moi aussi en un de ces assassins qui peuplent mes nuits. Je pourrais l’étrangler avec une corde à piano, lui couper le sifflet avec une lame de rasoir, lui défoncer le crâne avec ma guitare ou lui faire avaler un harmonica… Oh oui, je pourrai moi aussi me venger en lui jouant ma musique parce que ce qui me met hors de moi le matin, quand nous en parlons, c’est qu’elle me soutient de sa toute petite voix et avec un petit sourire en coin que ça n’est pas possible puisqu’elle n’a rien entendu…

Mais quand je manque de sommeil, je perds tout sens de l’humour.

Alors une de ces nuits, j’irai chercher un couteau dans la cuisine et je m’occuperai de sa glotte. Après tout, c’est moi qui découpe toujours le poulet le dimanche, ça ne doit pas être beaucoup plus difficile. Et au matin, moi aussi je soutiendrai avec un petit sourire en coin n’avoir rien entendu en bon somnambule que je dirai être. Ronflera bien qui ronflera le dernier !

[Exercice d'écriture avec incipit et instruments de musique pour les impromptus ]


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