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USA 2008 : Aubaine pour Obama (1)

Publié le 10 octobre 2008 par Sylvainrakotoarison

Barack Obama devrait être élu… sauf imprévu !
(Maréchal de La Palice revisité)

Première partie : le deuxième débat.

Amusante définition du Petit Larousse du mot aubaine. Elle est double. La première (la plus connue) parle d’un « avantage inespéré, occasion »
.
C’est un peu le cas de Barack Obama : inespéré d’avoir battu Hillary Clinton aux primaires démocrates, inespérée cette crise financière qui focalise la campagne présidentielle sur l’économie et pas sur la politique étrangère.

Et la seconde définition parle du « droit par lequel la succession d’un aubain décédé sans postérité était attribuée au souverain ». Qu’est-ce qu’un aubain ? un « individu fixé dans un pays étranger sans être naturalisé ».
Obama, la renaissance du rêve américain ?
Évidemment, le candidat démocrate Barack Obama est plus que naturalisé, puisqu’il est citoyen américain depuis toujours.
Mais en évoquant son père kenyan qui a abandonné sa mère, sa mère américaine qui l’a élevé seule (il dira après qu’elle est morte d’un cancer à cinquante-trois ans), son séjour en Indonésie puis chez ses grands-parents à Hawaï, parti de rien, sa famille gagnant des aides sociales pour se nourrir, Obama a réussi à faire les plus grandes écoles américaines et finalement, à atteindre l’un des points culminants de la société américaine.
En parlant de cela, Obama a expliqué le 7 octobre 2008 à Nashville que sa candidature représentait justement ce rêve américain qui fait tant frémir les Américains et même les étrangers, et qui n’existe plus depuis les mandats de Bush Jr.
C’était sa conclusion au deuxième débat qui l’opposait à John MacCain.
Un débat ennuyeux
Ceux qui avaient regardé le
premier débat présidentiel le 26 septembre 2008 ont dû être passablement ennuyés par cette deuxième prestation.
Pourtant, elle promettait d’être dynamique puisqu’elle se basait sur un échange entre un public qui pose les questions et les deux candidats qui leur répondent.
Hélas, les discours des deux candidats étaient surtout vides, creux, imprécis et redondants. Répétitifs. D’une question à l’autre ou d’un débat à l’ordre.

Même MacCain a sorti son couplet que sa mère l’avait élevé seule car son père était militaire et donc toujours absent. Seulement, Obama venait juste de dire la même chose, que sa mère l’avait aussi élevé seule et connaissait donc les difficultés de la classe moyenne.
Obama était moins à l’aise face à un public dont savait s’approcher MacCain. Cette formule l’avait beaucoup aidé dans les primaires républicaines.
Sa petite tape sur l’épaule d’un (jeune) retraité de l’US Army ressemblait étrangement à
ce geste d’empathie de Ségolène Royal pour un handicapé lors d’une émission du même style le 19 février 2007.
Les arguments étaient peut-être un peu mieux ordonnés que dans le premier débat, plus pédagogiques pour Obama, plus imprévisibles sinon imprécis pour MacCain (il a sorti de son chapeau ce rachat des hypothèques à hauteur de la perte de valeur de l’immobilier, chiffré à 300 milliards de dollars).
MacCain n’a cessé de dire qu’avec lui, on peut lui faire confiance, il saura comment faire (sans dire comment !). Il a mis sans arrêt en exergue sa volonté de lutter contre la corruption (rappelant une fois encore un contrat public avec Boeing) et sa volonté de faire des économies.
Et Obama a toujours cherché à coller MacCain au gouvernement Bush Jr.
Le principe de l’émission était cependant navrant d’ennui. Car à chaque question, les candidats ont répondu (selon un ordre différent) et disaient en gros : "nous sommes très différents", mais après, les propositions étaient sensiblement semblables.
De nouvelles énergies pour l’Amérique
Le sujet le plus parlant concernait la politique énergétique. Ne plus miser seulement sur le pétrole des pays qui n’aiment pas les Américains, mais sur de nouvelles énergies, sur des énergies propres comme l’énergie nucléaire, le charbon propre (ça existe, du charbon propre ? même en France, il y a cette tentation dans la Nièvre d’y revenir, mais la technologie est encore très éloignée du cahier des charges), l’énergie éolienne aussi.
Dans ce registre, Obama m’a paru plus crédible. Il a rejeté l’intérêt des forages en mer : au plus, 3% des réserves mondiales alors que les Américains consomment 25% de la production mondiale. Et a rappelé que MacCain a rejeté 23 fois par un vote au Sénat des projets pour de nouvelles énergies.
Être à la hauteur
La différentiation était cependant nette en terme de crédibilité : Obama annonçait qu’avec la crise financière, les États-Unis avaient besoin d’un véritable leadership à Washington, capable de prendre des décisions économiques.
Obama avait reproché à Bush Jr de ne pas avoir réagi à la hauteur nécessaire aux attentats du 11 septembre 2001. D’avoir dit aux Américains seulement de continuer à faire leurs courses le lendemain, et de s’être trompé de cible en allant en Irak alors que Ben Laden s’est réfugié au Pakistan
Vouloir tuer peut se faire élire
À ce débat-là, Obama a dit encore plus clairement qu’il voulait que Ben Laden soit tué. La notion de sauvegarde de vies humaines paraissait s’arrêter, dans ce débat, à la nationalité américaine pour les deux protagonistes.

À tel point que le sourire d’Obama écoutant un MacCain faisant de la désinformation sur les propositions démocrates à propos du Pakistan était quasiment obscène : on sourit alors qu’on parle de décisions qui peuvent coûter ou ont déjà coûté plusieurs centaines de milliers de vies humaines ? Sourire un peu léger donc.
Dans le même ordre d'idée, sans que cela fût évoqué dans ce débat (car la question ne fait justement pas débat), les deux candidats sont également partisans de la peine de mort. 

En revanche, des inquiétudes se sont fait entendre (hors débat télévisé) dans le cas où MacCain gagnerait, car beaucoup d'organisations craignent qu'une nomination future à la Cour suprême d'un juge anti-avortement soit capable de remettre en cause certaines lois qui avaient acceptées par elle avec une courte majorité (d'une voix).
Comportement serein et impolitesse de dilettante
D’un point de vue gestuel, Obama semblait conforter sa position de présidentiable. Il est apparu très calme, serein, posé (pour porter le micro, aucun tremblement, même très faible) face à un vieillard qui avait dû mal à se déplacer, encore dynamique et l’œil pétillant, mais visiblement usé.

D’ailleurs, dans son comportement, Obama montrait une incroyable confiance en lui en expliquant très calmement que tout ne serait pas résolu la première année mais qu’il comptait réaliser ses projets pendant « mon premier mandat ».
Le plus stupéfiant se situait juste à la fin du débat. MacCain a refusé la main que lui tendait Obama pour le saluer en bousculant son épouse Cindy pour qu’elle le saluât à sa place. Quel manque de politesse ! Tout comme, au cours du débat, sa désignation en pointant du doigt Obama avec un « that one » très condescendant (ses conseillers diront par la suite que c’était de l’humour).
Ce qui commence à devenir de plus en plus évident, c’est que Barack Obama est prêt à la fonction présidentielle, qu’il a beaucoup travaillé, qu’il a beaucoup étudié les dossiers.
Alors que John MacCain est un dilettante. Il ne connaît pas beaucoup les dossiers, et compte surtout sur son bon sens, sur sa capacité à prendre les bonnes décisions, sachant que les Présidents américains ont toujours été préoccupés par des problèmes imprévisibles avant leur élection.
En clair, travail versus talent. Les deux sont évidemment nécessaire pour atteindre l’excellence.
Des États-Unis pas si modernes que ça
Une petite réflexion aussi sur l’état des États-Unis.
MacCain disait que les Français étaient capables de traiter les déchets nucléaires, alors, il n’y a pas de raison que les Américains, le peuple le plus innovant (le plus grand exportateur et le plus grand importateur, dit-il aussi !) ne soient pas capable de le faire (alors qu’il avait répondu oui à la question : les Américains sont-ils capables de traiter les déchets nucléaires ? ; en fait, la réponse est non, et ce n’est pas pour rien qu’Areva est présente aux États-Unis).
En écoutant ces projets prioritaires sur l’énergie et la santé, je me rendais compte que les États-Unis ne sont pas un pays aussi moderne qu’on pourrait le penser. Je l’avais déjà constaté moi-même en y observant des outils de production vieillissants pour ne pas dire délabrés.
Les États-Unis sont contrastés bien sûr : la Silicon Valley, Microsoft, Apple, Google, Yahoo, la Nasa, et d’autres aventures technologiques montrent leur première importance.
Mais d’un autre côté, ils accumulent beaucoup de retard, notamment dans l’automatisation des tâches. Ils ne connaissent que très récemment la carte à puce (attendaient-ils la fin de la protection du brevet français de Roland Moreno ?). Ils connaissent de grosses difficultés à produire en continu de l’électricité. Ils ont des trains lamentables (ne parlons même pas de TGV). Ils n’ont pas beaucoup de savoir-faire dans le nucléaire (la France y excelle), etc.
Bref, le programme par exemple d’Obama sur l’informatisation du dossier médical ou sur la recherche sur le nucléaire concernent des domaines déjà acquis en France depuis plus d’une décennie (avec la carte Vitale notamment) voire depuis plus d’un demi-siècle (avec notre sécurité sociale).
Quelle est la vision américaine de l’Europe ?
Une seconde réflexion en écoutant ce débat, c’est la vision totalement théorique que les deux candidats américains se faisaient de l’Europe et plus particulièrement de l’Europe orientale. Ils parlaient de l’Ukraine comme de la Géorgie, d’un pays à défendre, à intégrer à l’OTAN, à l’Union Européenne contre la méchante Russie.
Sans comprendre la spécificité de l’Ukraine, avec deux parties du territoire très différentes (on l’a vu au moment de sa Révolution orange), et surtout sa Crimée, à l’origine russe mais "offerte" à l’Ukraine par Khrouchtchev en 1954. Cette partie de l’Europe est ultra-sensible. Des intérêts géostratégiques majeurs de la Russie y sont présents (flotte débouchant sur la Mer Noire). Le problème des nationalités y est très fort.
Or, la manière dont MacCain ou Obama en parlent, c’est un peu comme Bush Jr parlant de l’Irak ou de l’Afghanistan (ou encore du Pakistan ou de l’Iran), c’est-à-dire sans connaissance approfondie des pays, de leur histoire et même de leur géographie.
Dans un
second article, j’analyse les rapports de force entre les deux camps à l’issue de ce deuxième débat.

Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (10 octobre 2008)
Pour aller plus loin :

Vidéo complète du 2e débat Obama vs MacCain du 7 octobre 2008 à Nashville.
Sondages après le 2e débat.
Pour observer les tendances de l’opinion publique américaine.
À propos du 1er débat Obama vs MacCain du 26 septembre 2008 à St. Louis.

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=45571
http://www.lepost.fr/article/2008/10/14/1287968_usa-2008-aubaine-pour-obama-1.html


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