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Porter la burqa ou s’intégrer en apprenant le Français, pour la Halde, il faut choisir

Publié le 10 octobre 2008 par Combatsdh

Porter la burqa ou s’intégrer en apprenant le Français, pour la Halde, il faut choisirDans un avis rendu par délibération de son collège du 15 septembre 2008, qui vient d'être rendue publique, la Halde estime que l'obligation faite aux personnes suivant une formation linguistique dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration (CAI) de retirer la burqa ou le niqab ne constitue pas une discrimination prohibée par le droit européen des droits de l'homme et le droit communautaire, compte tenu des exigences pédagogiques de l'enseignement linguistique.

La HALDE estime notamment, après une analyse de la jurisprudence des Cours de Strasbourg et Luxembourg que:

" La burqa porte une signification de soumission de la femme qui dépasse sa portée religieuse et pourrait être considérée comme portant atteinte aux valeurs républicaines présidant à la démarche d'intégration et d'organisation de ces enseignements, obligatoires pour les étrangers admis pour la première fois au séjour en France. Il ne semblerait en outre pas a priori déraisonnable de considérer que des exigences de sécurité publique, s'agissant de l'identification des personnes, ou encore la protection des droits et libertés d'autrui, pourraient être considérées comme des buts légitimes, prévus par la loi, justifiant l'interdiction du port de la burqa dans l'accès à une formation linguistique obligatoire. Dès lors, une telle interdiction pourrait ne pas être considérée comme méconnaissant le principe de non-discrimination religieuse au sens des articles 9 et 14 de la C.E.D.H".

La haute autorité avait été saisie le 30 mai 2008 d'une demande de consultation de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) sur la compatibilité de l'interdiction du port de la burqa avec le principe de non-discrimination dans le cadre d'une formation linguistique obligatoire en vertu d'un contrat d'accueil et d'intégration (CAI) prévu par le CESEDA. Elle estime que l'ANAEM était fondée à refuser à ces femmes l'accès à ces formations, ce qui aura pour conséquence qu'elles ne rempliront pas leurs obligations prévues par le CAI et s'exposeront à un refus de titre de séjour.

Le risque de cette posture est de renvoyer ces femmes dans un voile de l'ignorance et de l'irrégularité.

Porter la burqa ou s’intégrer en apprenant le Français, pour la Halde, il faut choisir

Depuis la loi "Sarkozy" de novembre 2003, les étrangers souhaitant être admis pour la première fois au séjour en France et s'y maintenir durablement doivent "préparer leur intégration républicaine dans la société française" (v. l'article L. 311-9 du code des étrangers). Ils doivent alors conclure avec l'Etat, c'est-à-dire concrètement avec l'ANAEM ( article R. 311-21 CESEDA ), un contrat d'accueil et d'intégration (CAI) - qui n'a donc de contrat que le nom. Le CAI prévoit en cas de besoin une formation linguistique qui, depuis la loi "Hortefeux" du 20 novembre 2007, est sanctionnée par un titre ou un diplôme reconnus par l'Etat. Toutes ces formations et prestations sont dispensées gratuitement.

La loi prévoit aussi, et surtout, que lors du renouvellement du titre de séjour, "il peut être tenu compte du non-respect, manifesté par une volonté caractérisée, par l'étranger, des stipulations du contrat d'accueil et d'intégration". Autrement dit, si l'étranger ne respecte pas ce contrat la préfecture peut lui refuser le renouvellement de sa carte de séjour. Mais, bien évidemment, l'inverse n'est pas vrai: s'ils respectent les obligations du contrat, il n'a aucune garantie d'obtenir le titre, soumis à d'autres conditions et, pour certains d'entre eux, au pouvoir discrétionnaire du préfet.

En l'espèce, une étrangère ayant signé un CAI avec l'ANAEM se serait présentée entièrement voilée aux cours de Français qu'elle devait obligatoirement suivre dans ce cadre. Elle aurait alors été renvoyée (selon un article du Figaro).

Anticipant peut-être une action en justice ou une saisine de la HALDE, le directeur général de l'ANAEM s'est alors retourné devant la HALDE en lui posant une demande - inédite - d'avis. La loi du 30 décembre 2004 ne prévoit en effet de demandes d'avis à la HALDE qu'à l'initiative du gouvernement. Mais cette demande d'avis a des vertus préventives et, au demeurant, de le règlement des services de la Halde, il est indiqué que " tout signalement" d'une discrimination est considéré comme une " réclamation" au sens de la loi.

Selon le Directeur général de l'ANAEM fit valoir après de la HALDE que les femmes étrangères signataires du CAI qui se présentent en cours de français le visage complètement voilé " e ntravent le bon déroulement des formations. La pédagogie mise en oeuvre pour l'apprentissage d'une langue impose en effet que le formateur puisse observer le visage de ses élèves afin d'en percevoir les expressions et mimiques étayant la parole ; tout travail d'apprentissage ou de correction phonétique requérant par ailleurs ces mêmes conditions. De plus, ce type de tenue vestimentaire ne permet pas au formateur de vérifier l'identité de la personne alors que l'apprentissage du français dans le cadre du CAI présente un caractère obligatoire ".

Il est précisé que les organismes mandatés par l'ANAEM pour effectuer les formations linguistiques peuvent être aussi bien des organismes privés ou publics. Les formations s'effectuent donc aussi bien dans des locaux privés que dans des établissements scolaires publics.

Analysant la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) sur la notion de formation professionnelle, la HALDE en déduit qu'une formation linguistique telle qu'en l'espèce, qui a pour but de favoriser l'intégration sociale d'un étranger, ne pourrait être considérée comme une formation professionnelle stricto sensu au sens de l'article 3 de la directive 2000/78 sur l'égalité de traitement en matière d'emploi et donc que cette disposition qui interdit les discriminations fondées sur la religion, y compris des organismes publics dans l'accès à tous les types et à tous les niveaux de formation professionnelle, n'est pas applicable.

La HALDE examine ensuite la compatibilité de l'interdiction du port de la burqa avec le principe de non-discrimination dans le cadre d'une formation linguistique obligatoire avec l'article 14 de la CEDH (principe de non discrimination) combiné à l'article 9 (protection de la liberté religieuse) et de l'article 2 du Protocole n° 1 (droit à l'instruction).

Elle déduit notamment de la jurisprudence Sahin, sur l'interdiction du port du voile dans les universités turques (Cour EDH, 10 novembre 2005, Sahin c/ Turquie) et d'une jurisprudence plus spécifique sur le droit à l'instruction (Cour EDH 24 janvier 2006 Köse et 93 autres c/ Turquie), qu':

" Il ne semblerait en outre pas a priori déraisonnable de considérer que des exigences de sécurité publique, s'agissant de l'identification des personnes, ou encore la protection des droits et libertés d'autrui, pourraient être considérées comme des buts légitimes, prévus par la loi, justifiant l'interdiction du port de la burqa dans l'accès à une formation linguistique obligatoire"

L'emploi du conditionnel montre néanmoins une certaine hésitation de la Halde. Comme on dit au Conseil d'Etat cette recommandation "miroite", c'est-à-dire témoigne de tensions internes dans le raisonnement. L'ingérence de l'Etat dans la liberté religieuse lui apparaît donc nécessaire et proportionnée et les Etats disposent en la matière d'une marge d'appréciation importante.

Elle renforce sa position par la jurisprudence du Conseil constitutionnel ou celle du Conseil d'Etat (CE, 5 décembre 2007, n° 295671, s'agissant de l'exclusion d'une élève portant le voile d'un collège sur le fondement de la loi du 15 mars 2004 et du principe de laïcité). Elle cite d'ailleurs expressément l'arrêt du 27 juin 2008 dans lequel il a reconnu la validité d'un décret refusant à une ressortissante marocaine musulmane l'acquisition de la nationalité française " pour défaut d'assimilation ".

Selon les conclusions du commissaire du gouvernement, la requérante, mariée à un Français et mère de trois enfants nés en France, s'était présentée en burqa couvrant entièrement son corps et masquant son visage, à l'exception des yeux lors de plusieurs entretiens avec les services de la préfecture pour sa demande de nationalité alors même qu'il n'y avait que des femmes présentes dans le service. Le couple avait admis son appartenance au salafisme, un courant rigoriste de l'Islam fondé sur ne interprétation stricte et littérale du Coran, et la requérante voilée à la demande de son mari, ne contestait pas cette " soumission totale aux hommes de sa famille ".

Le Conseil d'Etat a estimé qu'" une pratique radicale de la religion " se manifestant en particulier par le port de la burqa s'opposait " aux valeurs d'une société démocratique et au principe de l'égalité des sexes". Il a donc considéré, sans utiliser le mot de burqa, que le refus de naturalisation " ne méconnai(ssai)t pas le principe constitutionnel de la liberté d'expression religieuse, ni les stipulations de l'article 9 de la CEDH ".

Or, fait valoir la HALDE, à titre de justification objective et raisonnable à la différence de traitement subie par la femme ultra-voilée que:

"Le contrat d'accueil et d'intégration précisément permettre à l'étranger de préparer son intégration républicaine dans la société française. Le port de la burqa pourrait donc poser difficulté à cet égard. De plus, l'ANAEM met en exergue les difficultés que pose le port de la burqa en termes d'identification ou encore de communication efficiente qui pourrait compromettre le contenu même de la formation.
En fonction du contexte, d'autres arguments liés aux pressions que représenterait la burqa pour chacune des autres personnes en cours de formation et/ou pour le corps enseignant ainsi que son impact sur la classe dans sa globalité pourraient également être pris en compte".

Si la décision de la HALDE semble fondée dans l'application du principe de laïcité tel qu'interprété par le Conseil d'Etat et la Cour EDH, on peut craindre que ces femmes, exclues de l'accès à la nationalité française pour défaut d'assimilation et désormais -comme cela était prévisible - exclues de l'accès à une carte de séjour pour défaut d'intégration se trouvent renvoyées encore plus profondément dans leur ghetto communautaire.

La HALDE - après le Conseil d'Etat - fait le pari "républicain" que de telles interdictions, comme celle du foulard à l'école depuis 2004, amèneront ces femmes à renoncer à leur voile intégral pour accéder au séjour ou à la nationalité française. C'est un pari de l'émancipation, au risque de leur désintégration sociale encore plus absolue par leur plongée dans l'irrégularité.

Voir la recommandation n° 2008-193 sur le site de la Halde ou là 4085.1223653782.pdf
  • Cet avis prolonge la logique d'une récente décision du conseil d'Etat du 27 juin 2008
  • Et l'article du Figaro du 9 octobre 2008.
  • Dépêche AP : PARIS - La liberté religieuse "n'est pas absolue", estime Louis Schweitzer
  • voir aussi sur le site de l'AJDA la brève du 14/10 dont l'intitulé me rappelle quelque chose "Porter la burqa ou s'intégrer : il faut choisir"
  • l'entretien de Danièle Lochak sur Europe 1
Voir aussi ces recommandations convergentes:

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MAJ: Ecoutez sur RTL la réaction d'Elisabeth Badinter

Elle se félicite de la recommandation de la Halde mais en critique les motifs notamment parce que la Halde ne fait " absolument aucune référence aux deux grandes raisons pour lesquelles nous devons interdire la burqa en France", selon elle, c'est-à-dire - la burqa est " une prison de prison pour ces femmes" - et il s'agit d'un "s igne de discrimination féminine absolument inacceptable dans une démocratie" et également un " signe terrible d'incivilité. La politesse, le respect minimum dans un démocratie exige que chacun montre son visage à l'autre".

A la décharge de la HALDE, elle devait se prononcer sur le caractère discriminatoire de l'interdiction de l'Anaem et non sur celui de la burqa.

Mme Badinter a tort de dire que la HALDE reconnait une " liberté réligieuse sans limite" au mépris des discriminations à l'égard des femmes. Elle balaye l'argument de l'exclusion de facto de ces femmes en disant que " c'est elles qui s'excluent d'elles-même s" alors que ce phénomène obéit à des ressorts plus complexes.

Mais il est vrai que le recommandation de la HALDE n'est pas très bien rédigée. Elle s'étend inutilement sur certains aspects juridiques archi-labourés et sans importance essentielle en l'espèce en négligeant par conséquent d'insister sur le coeur même de son argumentation notamment en quoi ces voiles intégraux " pourraient être considérés comme portant atteinte aux valeurs républicaines".


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