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Fortiche

Publié le 13 octobre 2008 par Cyrilboyer


Alors, cette crise, elle vient d'où ?
On commence à connaître la version officielle : des millions de Kevin s'achètent un pavillon de banlieue à crédit et renouvellent l'hypothèque d'une bonne centaine de milliers de dollars pour acheter un 4x4 et un écran plasma, sans que ça pose de problème à leur banque puisque le pavillon voit sa valeur doubler tous les 10 ans. Ca marche d'autant mieux que le phénomène est encouragé par l'état, qui y trouve une croissance à bon compte. Il suffit juste d'avoir des taux bien bas, ce qui entraîne une monnaie qui ne vaut plus rien, mais c'est pas très grave. Ca fait bien un peu monter les prix de toutes les choses qui s'échangent en dollars, mais c'est pas dramatique non plus. Et, du côté des banques, pour trouver tout cet argent à prêter, il suffit de revendre les crédits aux autres banques de la planète, sous forme de placements d'autant plus intéressants que les emprunteurs semblent moins solvables.
Jusqu'au jour où quelques Kevin ont des difficultés de remboursement parce que toutes les choses commencent quand même à devenir assez chères, et que leurs Brenda les ont quittés d'autres Kevin avec une maison un peu plus grosse. Pour les premiers milliers de Kevin, c'est dommage, leur maison est vendue. Pour les millions qui suivent, c'est pour leur banque que ça devient dommage, parce qu'il n'y a plus beaucoup de Kevin qui ont les moyens d'acheter un pavillon à 600 000 $. Du coup, la banque qui croyait avoir des garanties à hauteur des hypothèques qu'elle détenait voit leur valeur fondre à la même vitesse, et encore si valeur il y a, vu que plus personne ne sait combien valent vraiment tous ces pavillons et, par conséquent, la banque, ses placements juteux, les banques qui les ont achetés, etc. Tout le monde veut reprendre son argent en même temps, ce qui n'est pas une très bonne idée. Du coup, c'est l'état qui dit "mais non, je connais très bien ce monsieur Kevin, l'état c'est lui aussi, et je me porte garant que s'il ne paie pas je le ferai à sa place mais pas tout de suite parce que j'ai plus trop d'argent. En échange, par contre, t'es sympa, tu me files des parts de ta banque, qu'avec un peu de chance je revendrai dans des jours meilleurs". Comme personne ne sait, finalement, ni combien valent les pavillons, ni combien de Kevin vont être incapables de rembourser, les bourses yoyotent sévère (ce qui n'est jamais très agréable, les hommes me comprennent) et le CAC se prend une bonne claque.
Evidemment, ça c'est la version pour les gogos. En vérité, je peux vous le dire au bout de ces 2 semaines d'enquête qui ne m'ont pas laissé le temps de rédiger de chronique, tout cela est une manoeuvre subtilement orchestrée par le Luxembourg pour que, enfin, le rève entier d'une nation devienne réalité : que tous les Luxembourgeois soient fonctionnaires.
Regardons les plus gros employeurs du pays :
  1. Etat : 22 500
  2. Arcelor Mittal : 6 520
  3. Cactus : 3 860
  4. Dexia : 3 700 (anciennement Banque Internationale à Luxembourg)
  5. Ville de Luxembourg : 3 500
  6. P&T : 3460
  7. Goodyear : 3300
  8. CFL (chemins de fer) : 3190
  9. Fortis : 2680 (anciennement Banque Générale du Luxembourg)
  10. Luxair : 2450 (compagnie aérienne)
On voit qu'en nationalisant les deux grandes banques, on augmenterait les effectifs de l'état de 6 400 personnes, ce qui est un bon pas en avant. On me rétorquera que les employés des deux banques ne seraient pas fonctionnaires. Je dirai, pas encore. D'ailleurs, ils ne sont même pas tous luxembourgeois, donc c'est pas possible, mais on est sur le bon chemin. Un autre problème, évidemment, c'est que pour payer tous ces fonctionnaires, il va falloir quelques rentrées d'argent, donc augmenter le nombre de frontaliers ou d'immigrés, vendre encore un peu plus d'essence et accueillir un peu plus d'argent que les pauvres 2 050 milliards de dollars d'actifs déposés en fonds de placement. L'état y travaille. D'ailleurs, en demandant aux voisins belge (Fortis) et français (Dexia) de contribuer à leur noble tâche, nos dirigeants ont fait preuve de sagesse. Il serait temps que l'Europe se montre un peu plus solidaire avec le Grand Duché.
Reste, dans notre liste, Arcelor, Goodyear et Cactus. Je pense ne pas trop me tromper (?) en considérant que le statut des employés de la ville de Luxembourg, de Luxair, des CFL et des P&T doit pouvoir tenir la comparaison avec celui de la fonction publique. Il reste donc à trouver un truc pour faire chuter les cours de l'acier, des pneumatiques et du cactus de 30 à 40 % d'ici la fin de l'année...
PS : les chiffres de cette très sérieuse chronique proviennent du Statec.

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