Visite au château Pontet Canet

Par Eric Bernardin

Lorsque j'avais raconté ma visite au château Pape Clément, mon ami Jean-Michel Comme m'avait écrit :"très sympa, ton texte. Quand est-ce que tu fais la même chose pour Pontet Canet?". Eh bien aujourd'hui, Jean-Michel! Je crois que le temps que j'y ai passé la semaine dernière et nos longues discussions me permettent maintenant de faire une petite synthèse de ce qui se passe dans ce château.

J'avais précédemment évoqué l'approche culturale du domaine. Si la conversion en bio-dynamie allait de soi pour le régisseur, cela ne se limitait pas à ses yeux aux seuls traitements de la vigne. Ca ne sert à rien de pulvériser des produits naturels sur les feuilles si c'est pour tasser le sol avec des engins lourds. D'où l'utilisation d'enjambeurs légers (rachetés récemment et venus des années 70 car très légers et peu consommateurs de carburant- 5 à 10 fois moins que ses homologues récents) mais aussi de chevaux dans une vision moderne (voir l'attelage ci-dessous).

J'avais également parlé de la pratique des ponts (voir ci-dessus) qui évite de rogner la vigne. Le fait de couper le bourgeon apical active la pousse des entre-coeurs et rend la vigne plus vigoureuse. Du coup, vous devez effeuiller, faire des vendanges en vert... Cette année, le bilan des ponts est vraiment positif. Des vignes très vigoureuses auparavant se sont montrées beaucoup plus raisonnables dans leur développement sans avoir à couper la moindre tige. Jean-Michel lui même ne revient pas de ce résultat si rapide...

Les vendanges ont démarré la semaine dernière avec pas mal de retard par rapport aux années précédentes. Si le temps a été très inégal depuis le moins de juin, il est magnifique depuis quelques semaine, ce qui a permis au raisin d'avoir une maturité satisfaisante.

Deux équipes travaillent  sur le domaine afin de pouvoir ramasser simultanément deux parcelles différentes. Le raisin est placé dans des caisses de 7kg afin qu'il ne soit pas tassé. Des porteurs les amènent par quatre jusqu'à une remorque.

Les cagettes sont ensuite montées jusqu'au premier étage du chai grâce à un chariot élévateur. Les grappes sont alors triées puis éraflées.

Puis les grains de raisin subissent un dernier contrôle avant d'être foulés (très légèrement) et de tomber directement dans la cuve.

Le grain restant entier et aucune levure n'étant rajoutée, il faudra être un peu plus patient pour que la fermentation alcoolique démarre. Des remontages seront nécessaires afin d'homogénéiser les cuves, mais aussi pour apporter de l'oxygène aux levure afin qu'elles se développent.

Les remontages seront complétés par des pigeages. Cela consiste à enfoncer le "chapeau" de marc avec un ustensile métallique et beaucoup d'huile de coude... L'un et l'autre sont pratiqués quatre fois par jour.

Afin d'être au plus près du vin en gestation, la température et la densité sont relevées manuellement. Selon les cas, il pourra être décidé d'augmenter ou de baisser la température avec le système de régulation thermique. Cette démarche qui engage l'humain est donc assez différente de nombreux châteaux où l'ensemble du process est automatisé et le vin réduit à une courbe de température. Ici, on est au service du vin.

Intense période que celle des vendanges : dès 6H00 du matin, les travaux de chai démarrent. Ils ne finiront que tard dans la nuit suivante... pour recommencer quelques heures plus tard. Et cela sept jours sur sept, car les levures ont du mal à comprendre cet étrange concept humain qu'est le week-end ;o)

Une fois la fermentation alcoolique achevée, le vin pourra rester plus ou moins longtemps en cuve en contact avec le marc, puis sera écoulé directement en barriques. Dans un chai chauffé pour l'occasion, le vin y fera sa fermentation malo-lactique. Puis y continuera son élevage durant 18 mois environ, avec un soutirage tous les 5-6 mois . Il sera alors prêt à être mis en bouteille.

Le travail entrepris à la vigne depuis 5 ans porte déjà ses fruits. Les vins obtenus, par leur pureté de fruit et leur minéralité séduisent de plus en plus les professionnels du vin, mais aussi le public des amateurs. Néanmoins, Jean-Michel Comme et Alfred Tesseron (le propriétaire) ne se contentent pas de ce succès d'estime. Leur démarche vers un plus grand respect du sol et de la vigne devrait encore s'amplifier dans les années qui viennent.

Ce qui est sûr, c'est que leur démarche commence à faire beaucoup causer et réfléchir dans le Landerneau médocain. Ca donne des idées à pas mal de monde, mais il ne suffit pas de copier une petite partie de la recette pour arriver à un résultat satisfaisant. "Think global" avait déclaré une personne bien inspirée. On ne saurait dire mieux...

Merci à Jean-Michel Comme pour ses explications lumineuses,

et encore plus pour son chaleureux accueil!