A l'origine de ce livre publié aux éditions Plon le mois dernier, il y a une
tribune libre publiée dans Le Monde du 6 février 2007 sous la signature de l'auteur que le site Changement Climatique avait reproduite le 10 février suivant
( ici ). Serge Galam, physicien, directeur de recherche au CNRS et membre du Centre de Recherche en Espitémologie Appliquée (CREA) à l'Ecole
Polytechnique, a eu la mauvaise idée, dans cet article, de faire part de ses réflexions sur le réchauffement climatique aux lecteurs du journal officiel de la bienpensance
française.
Serge Galam était tout heureux que ce journal publie son texte, au lendemain d'une réunion mémorable du GIEC, qui "avait rendu un verdict sans appel sur la culpabilité de l'homme dans le
réchauffement climatique, qualifié de "crime contre la nature"". Le naïf, qui avait intitulé son article "Pas de certitude scientifique sur le climat" ne s'attendait pas à une telle levée de
boucliers. Il a dû méchamment déchanter. Des centaines de lecteurs ont écrit au journal : "Ils exigeaient, écrit Serge Galam, avec une rare véhémence la condamnation immédiate d'un
imposteur qui ne méritait ni de publier dans Le Monde, ni de travailler au CNRS, ni à Polytechnique". L'auteur devenait "gaulois" et, par Toutatis, le ciel lui tombait sur
la tête !
Les lecteurs de l'article du Monde retrouveront dans le livre, que je vous recommande vivement, les thèmes de l'article, mais développés. Je ne sais si l'auteur apprécierait vraiment la façon que j'ai de voir son livre, qui est écrit de manière limpide et pédagogue. En effet je le résumerais bien volontiers - en paraphrasant le Christ - en disant que, selon l'auteur, il faut rendre à Dieu ce qui est à Dieu et à la science ce qui est à la science. Car ce qui choque Serge Galam, c'est que les scientifiques sont sortis des limites de leur domaine et qu'ils ne sont plus scientifiques dans leur démarche. Il ne faut décidément pas confondre la science avec les scientifiques qui sont des hommes comme les autres. Ce que je m'évertue de répéter, soit dit en passant, à propos de l'Eglise et de ses membres.
En matière de science "l'unanimité" n'est pas une "preuve scientifique". Comme le dit fort justement Serge Galam : "Si on insiste tant sur le consensus très large de "la preuve scientifique" de la culpabilité humaine, c'est tout simplement que la "preuve" n'existe pas. Elle ne repose que sur l'intime conviction de milliers de scientifiques". Ce qui n'est pas du tout scientifique. A l'issue de la même réunion du GIEC de 2007, un éditorialiste avait publié un article intitulé : "Tout le monde peut-il se tromper ?". Serge Galam lui répond que "malheureusement, la réponse est "oui, tout le monde peut se tromper"". Il y a d'ailleurs des précédents célèbres, et dans les deux sens : unanimité contre la rotation de la terre, découverte par Galilée, ou contre la relativité, découverte par Einstein, unanimité pour la vernalisation, prétendument découverte par Lyssenko.
Serge Galam précise : "L'homme a été déclaré coupable simplement parce que pour l'heure on n'a pas trouvé d'autre coupable et aussi parce que les apparences sont contre lui". Mais, du coup, les scientifiques se ferment des voies de recherche qui pourraient s'avérer bénéfiques pour l'humanité. Le réchauffement climatique observé sur une courte période pourrait ne pas durer. Il pourrait avoir une origine naturelle. L'auteur montre quel est l'enjeu véritable : "Se tromper en sélectionnant la cause humaine et en cassant notre développement nous sera fatal en tant qu'espèce. Alors que se tromper en privilégiant la cause naturelle nous permettra dans tous les cas d'élaborer des protocoles applicables, même contre ce qui serait notre faute".
A propos de la science, Serge Galam rappelle ses limites : "La science permet une compréhension parcellaire, partielle et approximative du monde, mais elle ne permet pas de construire le monde". Il rappelle aussi que "les lois de la nature et leur imbrication sont indépendantes de l'existence de l'homme, c'est-à-dire de sa morale et de ses motivations. Ce qui n'est pas le cas évidemment des applications que nous faisons de nos découvertes et des priorités de recherche que nous nous donnons".
Quand s'était produit le tsunami en décembre 2004, j'avais rappelé dans une chronique du 4 janvier 2005 sur
Radio Silence (ici ), chronique aujourd'hui inaccesible à l'auditeur internaute, ce que pensait Joseph de Maistre (dans Les soirées de
Saint Pétersbourg) des catastrophes naturelles : elles obéissent aux lois naturelles, elles ne peuvent être des châtiments de Dieu. Les empêcher relèverait seul du
miracle. Quant aux utilisations des découvertes, il est évident, par exemple, que le meilleur et le pire se côtoient sur Internet.
Serge Galam met en garde contre l'utilisation de la science à des fins politiques. Inévitablement elle conduit à distinguer les "bons", ceux qui acceptent les conclusions "consensuelles",
et les "méchants", ceux qui les considèrent avec scepticisme; elle aboutit à donner des moyens aux scientifiques conformistes et à les refuser aux scientifiques dissidents, qu'il convient
d'écarter. C'est "la méthode typique de partis totalitaires qui pour afficher une unanimité de façade, s'évertuent à faire taire toute dissidence".
Plus grave encore, et plus large : "La vision écologique doit (...) dans sa phase de lutte active contre le
réchauffement pour se montrer efficace, faire le tri entre le bon et le mauvais homme. Le premier sera naturellement celui qui, ayant reconnu sa faute, se sera repenti et, après avoir fait voeu
d'allégeance à la nouvelle parole, mènera une vie propre. Quant aux malheureux qui continueront à se fourvoyer dans la luxure du CO2, ils seront châtiés, non pas pour sauver leurs âmes, mais pour
purifier l'oxygène des autres, les bons citoyens du monde". Sans jouer les Cassandre cela promet guerres et totalitarisme.
Il est enfin une réflexion de Serge Galam que je fais mienne depuis longtemps : "Nous n'avons pas encore intégré dans nos schémas cognitifs l'existence d'une complexité contradictoire et
hautement non linéaire du monde global, tant naturel qu'humain". C'est ainsi que je me méfie comme de la peste des généralisations hâtives et des simplifications
abusives. Dieu m'en préserve !
Francis Richard