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Rien de spécial (6) : You lose

Publié le 22 juillet 2007 par Jérôme / Khanh Dittmar / Dao Duc
 

Il y a quelque chose de dérisoire dans l’illusion de la victoire dans le jeu vidéo. Pourquoi toujours gagner ? Et si on préférait perdre ? Venir au bout d’un jeu c’est parfois comme faire l’amour à une femme qu’on délaisserait ensuite pour une autre avec un fort sentiment d’orgueil. Préférer perdre, sans cesse, ou ne pas terminer un jeu, ce serait au contraire comme flirter en maintenant l’illusion qu’il y aurait toujours quelque chose à découvrir, des parties du corps ou une position encore inédites. Car préférer l’achèvement ce n’est pas comme vouloir connaître la fin d’un livre ou d’un film, c’est rarement lié à un récit, plutôt une succession de défis. Et il faut savoir dire non, je ne les relève pas tous, je veux le plus de femmes possible avec la possibilité de revenir vers elles selon mon humeur sans les avoir toutes épuisées puis abandonnées. Il faudrait donc inventer une stratégie de l’épuisement, ou un jeu sans fin. Mais pour que le désir subsiste il faut justement savoir que la fin existe –les meilleurs jeux ont une fin, c’est une mélancolie qui est nécessaire au jeu vidéo. Pour cette raison il faut faire exprès de perdre, de mourir. En optant pour le suicide on s’offre un miracle, la résurrection, tout en contournant la règle (du jeu). On conserve une distance, on évite la satisfaction d’un accomplissement qui vise à remplir le jeu comme on se vide avec une pute. Perdre est l’attitude la plus saine possible à avoir dans le jeu vidéo. Ainsi aucun jeu ne meurt jamais vraiment, tous gardent un minimum de possibles, et nous maintenons pour nous-mêmes l’illusion de pouvoir bander encore et encore. Une manière aussi d’enculer le capitalisme par la défaite.

JD 


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