Mon poème
avant tout palimpseste
Tu es la rose
désormais
que j'éffeuille
et effleure
Tes pétales
sont mes jours
sont mes peines
Images sans cesse mourantes
à ce vent de ma solitude
Mon poème
avant tout palimpseste
je t'achève
en silence
et te boucle
en pleurant
pour qu'enfin
tu sois
fleur
Vacance de mes mots
l'effroi est là du vide
comme vautré sur cette page
J'ai peur muette de moi-même
Car mes cris sont évanouis
Je cherche au loin un phare pour m'éblouir
Je fuirai ce papier
et foulerai les labours
Leurs sillons sont mes vers
Je les creuse de mes pas
et y enfouis mes larmes
L'ivresse - mes vers s'y livraient -
s'évaporait en nuages du temps
Me voici muette seule sans vie
Mais je préfère enfant terrible d'une génération soumise
le silence la solitude la mort
plutôt qu'une vie sobre - respect
de la grammaire des rimes et du bon rythme
Je compterai mes syllabes
comme l'ivrogne les gouttes
au fond de sa bouteille
Rien n'apaisera ma soif d'écrire
Je tituberai vers mes vers
Pour renaître saoule de vie
Miracle de mon alphabet :
l'oméga violet du Poète
l'i grec de tes yeux irisés
J'ai aimé ces temps incertains
où même en ton absence
chaque lettre comblait ma solitude
Reste maintenant ton epsilon
au clavier des voyelles
Vois-tu là d'où tu es
ma vie recommencée ?
J'enlève au verbe v ivre
son initiale
et verse ici le vin souvenir d'une vigne de mots
ma poésie ma troisième fille
j'ai tort d'attendre la fin de notre accouchement
Ma poésie mon phénix fabuleux
du Japon où tu vis
tu voles d'arche en arche
jusqu'à forcer ma porte
à chaque heure je m'essoufle
à chaque heure tu souffles
sur ces cendres
ma poésie ma vie
brûle
braises braises braises
de mes vers
Paroles si blanches
reflet de ton absence
Paroles si impures
et silence rompu
Paroles de pierre
de ton passé perdu
mais
Paroles d'eau
de ton présent précaire
puis
Paroles paisibles
du jour où tu peux te relire
pour voir luire les étoiles
dans le froid de ta nuit
Avec mes paroles me connaître
te connaître
Avec ces blancs me construire
te construire
Je veux être ce silence
qui sait parler de nous
Je veux être ce bruit aussi
pour faire taire notre vie
Je veux être comme toi
pour mieux enfin chanter
le calme des étoiles
15 Mai 2008.
Notre langue vivante
nous voulions t'inventer
dressés ou appuyés
l'un contre l'autre
Notre langue vivante
nous t'avons défendue
paroles ou silences
Il parle et je me tais
comme chiens chats
becs et ongles
Il se tait et je parle
paroles ou silences
Tu nous a fait renaître
notre langue vivante
12 Juillet 2008.
J'avais parlé pour toi
une grammaire vieille
pour que tu me comprennes
mes mots tu m'as mis à mort
ne veulent plus de leurs phrases
Puisses-tu te taire aussi !
Je ne veux plus comprendre
plus parler épeler
plus bégayer
bébé-bé
gai gai
yé !
Mon monde s'est écroulé en emportant les mots
Plus de voix
Plus de moi ni de t-o-ou-a
17 Août 2008.
France BURGHELLE-REY.