Une journée inoubliable (2) : la maison du douanier

Par Eric Bernardin

Hier, je vous ai parlé dans ma ballade dans le Médoc. Arrivé en fin de matinée, je me suis garé à côté d'un restaurant situé à côté du port, la Maison du douanier. Tenu par des anciens producteurs de cinéma tombés amoureux de cette bâtisse, ce restaurant est vraiment un lieu harmonieux où ses propriétaires tiennent à ce que vous vous sentiez bien.

C'est peut-être pour cela que madame di Tullio m'a emmené vers sa plus belle table. Dehors, sur un coin de la terrasse, à l'abri du vent, mais caressé par le soleil... Après quelques tergiversations, je me suis laissé tenté par le menu à 65€ comprenant 6 plats et 6 vins. Ca peut ne paraître pas vraiment raisonnable au vu de la soirée qui m'attendait (avec environ le même nombre de plats et beaucoup plus de vins). En fait, je n'ai bu que deux gorgées de chaque vin, le reste finissant dans les plate-bandes voisines... C'est l'avantage de pouvoir manger dehors ;o)

En guise de mise en bouche, un consommé de langoustine, très goûteux et ouvrant l'appétit. Il n'y aurait pas une succession de plats à manger, on redemanderait un ramequin.

 

Suivait une terrine de foie gras mi-cuit. L'intitulé est simple, mais le foie gras excellent. D'un fondant rare, d'une grande délicatesse de texture et de goût, je le mets dans mon Top5 de mes meilleurs foie gras jamais mangés. Le château Dousprat 2006 (Sainte Croix du Mont) respecte parfaitement le plat :  rond, frais, sur la poire confite et le miel, il n'est ni trop sucré, ni trop pesant. Comme le foie gras, en finesse.

Arrivent ensuite des nems de langoustines au gingembre. Là aussi, c'est très bien exécuté, même si peut-être un ton au-dessous du foie gras. La sauce qui accompagne les nems n'est pas trop puissante et n'écrase donc pas ceux-ci. Un peu en surplus, elle me servira pour assaisonner la salade posée à côté. Le côtes de Gascogne qui l'accompagne, le  domaine de Guillaman 2007 est un bon choix :  vif et gourmand, sur des arômes d'ananas et de pomme mûre, il apporte sa fraîcheur à l'ensemble.

Nous continuons sur un médaillon de homard à l'armoricaine. Ils sont plutôt généreux sur le médaillon. Il y en a plusieurs, avec un pince en prime. La cuisson est parfaite, avec un homard tendre mais ferme, presque juteux à coeur. Je ne suis habituellement pas un fan de la sauce armoricaine, mais l'air du large doit contribuer à la faire passer. Je la trouve très bonne, et y trempe avec bonheur quelques morceaux de pain. Là encore, le vin choisi est approprié :  le Château Lilian Duboscq 2006 (bordeaux blanc) est gras, rond, avec une bonne fraîcheur. Ses arômes de citron confit, de menthe et d'épices conviennent bien au crustacé.

Arrive une petite pause bienvenue : un sorbet pomme verte et sa liqueur de pomme. Ni l'un ni l'autre n'ont cette horrible goût artificiel de pomme verte qui me rappellent un shampoing de mon enfance. Ouf!

On reprend le cours du repas avec des brochettes de rognon et de ris de veau aux raisins. J'ai choisi ce plat à dessein : je voulais savoir si j'aimais les rognons de veau et si je pouvais en préparer à l'avenir. J'ai eu quelques mauvaises expériences avec les rognons, et ça fait pas loin de 20 ans que je bloque sur le sujet... La réponse est oui. J'aime les rognons de veau. Peut-être pas autant que les ris, que j'adore, mais franchement, c'est très bon, et je ne m'en priverai plus désormais. Un Pauillac, le château Bellegrave 2002, accompagne le plat. Fruits rouges et noirs, une pointe de moka, de la douceur en bouche et de l'élégance. Pas l'un des Pauillac les plus typiques que j'ai pu boire, mais il sert parfaitement le plat grâce à ses tannins veloutés. Un Pauillac plus viril aurait certainement moins bien convenu.

Le fromage est une Tête de moine en girolle et sa confiture de cerise noire. Le mariage cerise noire/tête de moine fonctionne parfaitement . Ce n'est donc pas pour rien qu'il m'est servi avec ce plat un vin aux arômes de cerise noire assez marqués. Un Château la Gorce 2003 (Médoc). Si le vin est irréprochable dans ses saveurs, la structure tannique est un peu trop marquée à mon goût et gâche le plaisir. Mais bon, vu que je n'en ai bu qu'une bonne gorgée, il n'y a pas mort d'homme...

Arrive le dessert : un indulgent au Calvados, spécialité de la maison. C'est frais, moelleux, très léger. Dieu merci, on ne sent l'alcool de pomme qu'en filligrane. Une pellicule caramélisée et  croustillante contraste agréablement. Un dessert à l'image du repas. Rien d'exceptionnel ou de bouleversant. Mais une très bonne exécution, beaucoup de finesse et un respect du produit. Le crémant de Bordeaux servi avec me paraît être la seule fausse note du repas. Il me paraît beaucoup trop acide. Je n'y toucherai pas.

Le café qui suit est très bon, tout comme le financier qui l'accompagne. J'apprécie également la serviette chaude généralement réservée aux restaurants asiatiques. S'il y a une pétition en cours pour sa généralisation dans les restaurants français, je signe ;o)

Heureux de ces deux heures où je fus traité comme un coq en pâte, je tapote les 4 chiffres de ma carte bleue sans remord particulier. Je ne suis pas certain que le rapport qualité/prix soit exceptionnel, car on aimerait pour ce prix-là un peu plus de folie! En même temps, je ne suis sûr non plus qu'on puisse faire beaucoup mieux pour 65€ vins compris. Une bonne adresse, donc, et surtout une rencontre avec un couple adorable et serviable!