Lorsqu'on aborde l'autre avec un sentiment de supériorité qui implique, dans une certaine mesure, le mépris (comme c'est le cas dans tout rapport de
colonisation et de conquête), on ne peut pas demander à ce qu'il vous aime et vous en soit "reconnaissant" : psychologiquement parlant, ça n'a pas de sens.
Il vous en voudra toujours de l'avoir assujetti et rabaissé, et de continuer à le faire dans la mesure où vous continuez à le dominer - même si c'est sous d'autres formes, plus subtiles que ne le
fut le lien colonial direct (par exemple, la "Françafrique" et, plus globalement, le fossé entre Nord et Sud). Est-ce si difficile à comprendre ?
Placer l'autre dans une position de "reconnaissance", comme l'exige la France des peuples de ses anciennes colonies et de leurs descendants "immigrés" fixés sur son territoire,
c'est le meilleur moyen de susciter la haine.
Car que faites-vous du potlatch ? (1)
Entretenir la dépendance est une attitude malsaine, qui ne peut que générer des attitudes malsaines, de part et d'autre.
Attitude malsaine que, par exemple, celle de ceux qui sifflèrent stupidement "La Marseillaise". Réaction peut-être encore plus malsaine des instances gouvernementales (qui ont monté l'affaire en
épingle).
Rappel, une fois de plus, de l'urgence qu'il y a à regarder - enfin !- le "fait colonial" français (2) et tout ce qu'il induit encore, même aujourd'hui, en face, sainement.
P.L
(1) Le potlacht est une pratique propre à de nombreuses sociétés humaines; elle consiste, en gros, à couvrir l'autre de dons pour l'épater, le placer en position d'infériorité. Il est bien connu
(les vieux adages en témoignent) qu'aider quelqu'un, lui rendre service a souvent pour effett de faire de lui votre pire ennemi.
(2) Lire, à ce propos, "La fracture coloniale - la société française au prisme de l'héritage colonial", ouvrage collectif sous la direction de Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire,
Ed. de la Découverte, 2005.