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La vengeance du pied fourchu : 18

Publié le 21 octobre 2008 par Porky

(Episode court, mais bon)

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Cela ne dura qu’une seconde. L’instant d’après, Missia avait tout oublié. Elle plongea la main dans sa poche, en ressortit le collier qu’elle contempla de nouveau. Le laisser ? Quel ordre étrange ! Pourquoi d’ailleurs suivre les conseils de cette voix dont il lui semblait reconnaître les accents pressants ? Mieux valait rapporter le bijou à sa propriétaire, comme elle avait décidé de le faire avant que la voix n’intervienne. Et puis, au fond, l’avait-elle vraiment entendu, cette voix ? Dans cet endroit, toutes les hallucinations étaient possibles. Le collier reprit sa place au fond de sa poche.

Alors qu’elle venait de quitter le rocher et de s’engager dans la descente, un des talons de sa bottine cassa soudainement. Elle trébucha, faillit tomber et ne reprit son équilibre qu’à grand-peine. En boitillant, elle s’approcha d’une grosse pierre et s’assit dessus afin de constater les dégâts. Le talon ne tenait plus que par un bout. Elle l’arracha d’un geste brusque. Tant pis, j’en serai quitte pour boiter et faire attention où je marche. Elle se releva, se retourna… et se trouva tout à coup face à Catherine.

La surprise fut si intense qu’elle ne trouva d’abord rien à dire. La présence de sa sœur à cet endroit, alors qu’elle aurait dû être chez elle en train de pleurnicher sur la disparition du collier était si incongrue, si extraordinaire que Missia en resta figée, incapable de faire un pas vers elle. Puis, la question jaillit enfin de ses lèvres : « Qu’est-ce que tu fais ici ? » « Et toi ? » répliqua Catherine qui n’avait pourtant nullement l’air étonné de cette rencontre. Missia se troubla : impossible de lui expliquer la raison de sa présence dans la montagne. Et encore plus impossible de lui montrer sa trouvaille. « Je… Je me promène, dit enfin la jeune fille. J’ai pensé qu’un peu de marche à pied me permettrait d’avoir les idées un peu plus claires en ce qui concerne le collier… » « Et le remède s’est montré efficace ? » interrogea Catherine, aussi calme que si elle faisait les honneurs de son salon. « Pas vraiment, rétorqua Missia en minaudant. Mais toi-même, pourquoi es-tu montée jusqu’ici ? » « Pour la même raison que toi, dit Catherine. Prendre l’air. J’ai laissé les enfants à la garde de Sigrid. » Le regard de Missia se posa sur les chaussures de sa sœur : ce n’était pas celles qu’elle avait trouvées au fond du placard. Elle ne les avait encore jamais vues. « Mais je me sens un peu fatiguée, poursuivit Catherine. Je vais redescendre avec toi. » Missia haussa les épaules et sans un mot, fit signe à sa sœur de la suivre. Elles cheminèrent un instant en silence, Catherine en tête et Missia essayant tant bien que mal de marcher malgré le déséquilibre provoqué par la perte d’un de ses talons. « Est-ce que tu es allée voir Philippe ? » demanda-t-elle tout à coup en s’arrêtant. L’endroit était dangereux, il fallait faire très attention. « Non, c’est Louis qui doit s’en charger. Il me débarrasse de cette corvée, et cela me convient tout à fait. Je n’avais pas envie de subir la colère de mon cher mari. Il préviendra les gendarmes et leur demandera de passer à la maison.» Cette façon de se décharger de ses ennuis sur les épaules des autres était tout à fait conforme à l’attitude habituelle de Madame la Mairesse, aussi Missia leva-t-elle les yeux au ciel. « Tu ne pourrais pas, une fois dans ta vie, faire tes commissions toi-même ! » bougonna-t-elle. Les yeux de Catherine s’agrandirent d’étonnement. « A partir du moment où l’on me propose de m’aider concrètement –tu vois ce que je veux dire- je ne vois pas pourquoi je refuserai. Pour une fois que quelqu’un prend une décision qui m’arrange ! » Ca aussi, c’était une phrase typique de Catherine. Missia sentit tout à coup la colère l’envahir. « Plus égoïste et plus inconséquente que toi, ça n’existe pas sur cette terre ! rétorqua-t-elle. Mais si tu m’expliquais maintenant pourquoi j’ai trouvé dans ton placard des chaussures pleines de boue ? Et pourquoi Rosette affirme t’avoir vu monter ici en pleine nuit ? Et pourquoi tu m’as visiblement menti lorsque je t’ai demandé si tu étais sortie la nuit ? » « Cela fait beaucoup de questions, répondit Catherine sans se démonter. Aide-moi d’abord à franchir ce passage périlleux, et je te répondrai. » Elle tendait la main à sa cadette. Avec un soupir d’exaspération, « c’est plutôt moi que tu devrais aider, vu l’état de ma bottine », Missia la saisit et la serra dans la sienne.

Elle ne sut pas ce qui se passa. Ce fut comme si, tout à coup, le décor changeait, le ciel s’éloignait à toute vitesse, dans un tourbillon infernal. Elle se retrouva tout à coup debout dans une sorte de grotte, plaquée contre la paroi. Devant elle, se tenait le Rêveur de l’Enfer.

(A suivre)


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