Magazine Politique
Ce témoignage provient du site de l'Oeuvre
d'Orient, dont l'objet est d'aider les chrétiens de ces régions où ils souffrent tant. Nous nous devions de vous le signaler, car il permet de ressentir un peu plus encore l'extrême horreur
de la situation. Les dons à l'oeuvre et les prières sont toujours les bienvenus...
"Depuis le début du mois d’octobre 2008, une nouvelle vague de violences frappe les chrétiens de Mossoul-Ninive
(Nord de l’Irak). Près d’une quinzaine de ces derniers ont été assassinés entre le 29 septembre et le 12 octobre, ce qui provoque une panique générale et un exode massif des membres de cette
communauté, vers les villes et villages assyro-chaldéo-syriaques de la plaine de Ninive. On évalue à 1119 le nombre des familles ayant trouvé refuge dans ces dits villages ; toutes ont
échappé à la mort, aux violences et aux exactions innombrables d’individus et/ou de groupes armés.
La solidarité des villageois chrétiens qui ouvrent leurs portes à ces rescapés est remarquable ; les églises,
les écoles et les salles paroissiales, accueillent les familles en détresse. Mais cette solidarité ne peut s’éterniser sans une solution juste et durable. Le « Conseil du peuple
assyro-chaldéo-syriaque » (instance chrétienne, reconnue pour son action sociale et humanitaire ? et qui œuvre auprès des réfugiés dans la zone autonome kurde, sous l’autorité du
ministre M. Sarguis Aghajan, et de M. Jamil Zaytho), a immédiatement réagi ; elle a commencé à distribuer aide matérielle et réconfort moral à ces familles rescapées, en attendant
des jours meilleurs, qui tardent cependant à venir.
La solution ne peut que passer par les autorités irakiennes, seules capables - à conditions qu’elles s’en donnent
les moyens - d’enrayer cette spirale de violence (qui menace la population irakienne dans son ensemble). Seul l’Etat, peut rétablir l’ordre et la sécurité dans les villes et les quartiers
dangereux. Mossoul ne doit plus être une ville à risques et une zone de non droit, où la violence, le meurtre et l’insécurité, non seulement prospèrent mais s’amplifient. Les exactions et
meurtres perpétrés ces derniers jours sur les chrétiens sont là pour le prouver !
Tout le monde sait que les chrétiens d’Irak souffrent depuis plusieurs mois déjà, après des décennies de guerres
et d’exactions qui ne les épargnèrent jamais. Cette violence sans précédent dans l’Histoire contemporaine de l’Irak, qui les frappe aujourd’hui, ne cesse de les fragiliser, et ce de jours en
jours ; elle compromet durablement leur avenir sur cette terre ancestrale de Mésopotamie. Dans ce climat plus que pesant de guerre et de violence aveugle, les chrétiens sont logés à la même
enseigne que leurs compatriotes musulmans et partagent au quotidien, leurs souffrances et ce manque évident de perspectives. Toutefois, les chrétiens semblent désormais les seules victimes de ce
regain de violences à Mossoul. Qui peut aujourd’hui envisager sérieusement son avenir en Irak, pays ruiné et où le chaos perdure inexorablement ? Pas les chrétiens, en tout
cas !
Rappelons que deux prêtres, un pasteur protestant et un archevêque catholique, sont tombés avec bon nombre de
leurs fidèles, sous les balles de groupes armés ; conséquence de ce climat de violence aveugle, les chrétiens vivent, au quotidien, la peur au ventre. Plusieurs de leurs églises et lieux de
culte, symboles de cette fraternité et de cette entente islamo-chrétienne de naguère, ont été détruits, par des attentats successifs à la bombe ou à la voiture piégée.
Les victimes chrétiennes des derniers jours assassinées dans les divers quartiers Est de Mossoul sont :
Bachar Nafe’ SAID, tué devant son domicile (quartier de Haye Al-Baladiyette).
Ivan NOUIYA, âgé de 15 ans assassiné sur le seuil de son domicile, le samedi 4 octobre. Ce même jour, Hazem Thomas YOUSSEF, âgé de 40 ans, ancien forgeron, est abattu dans la boutique de
vêtements de ses frères, où il travaillait (quartier de Haye Bab Al-Saray).
Ziyad KAMAL, handicapé moteur de 25 ans (en fauteuil roulant) est abattu de plusieurs coups de feu dans un commerce de pièces détachées automobile, où il travaillait, dans la zone industrielle de
Haye Karama, le lundi 6 octobre, vers 10 heures du matin.
Amjad Hadi PETROS et son fils Houssam Amjad HADI, employés des bâtiments et travaux publics (BTP), sont abattus par des hommes armés ayant fait irruption sur le chantier où ils travaillaient
(quartier de Haye Al-Sadiq), le mardi 7 octobre. Ce même jour, Khaled Jardjis AL-SAMMAK, un pharmacien chrétien de 40 ans, est abattu devant son officine, de plusieurs coups de feu tirés par des
inconnus armés (quartier Haye Al-Mouharebine).
Trois chrétiens assassinés, sont retrouvés sur la voie publique le mercredi 8 octobre et transférés dans une
morgue pour les autopsies d’usage et l’identification ; cette information a été confirmée officiellement par M. Khaled ABDEL-SATTER, porte-parole du Commandement des opérations
militaires, lors d’une récente déclaration. Ce même jour, Jallal Moussa ABDEL-AHAD, âgé de 38 ans abattu près de son domicile vers midi (quartier de Haye Nour), quartier tristement célèbre, où
furent assassinés, le 1er juin 2007, le Père chaldéen Raghid Ganni et les trois sous-diacres qui l’accompagnaient.
Plusieurs médias irakiens ont affirmé que quatre chrétiens, dont l’identité n’a pas été communiquée, ont été
assassinés : 2 dans le quartier d’Al-Wahda et 2 dans celui de Mithaq. Aucune information n’est venue étayer depuis cette nouvelle. L’identité de ces victimes reste, à ce jour,
inconnue.
Enfin, dimanche 12 octobre, le dénommés Warkis ALTONN est abattu dans son commerce de CD et DVD (quartier Al-Akha,
toujours dans l’Est de la ville), et son neveu Ara, grièvement blessé lors de l’attaque, est décédé le lundi 13 au soir.
Selon les témoins sur place, des crieurs publics paradant en voiture équipées de dispositifs puissants de
sonorisation, invitent les chrétiens de la ville à évacuer les lieux et ce dans les plus brefs délais. Le procédé est semble-t-il toujours le même : des individus et des gangs armés font
irruption dans les maisons chrétiennes et en expulsent manu militari les résidants, ou, dans les meilleurs cas, leurs donnent 24 heures pour déguerpir sous peine d’être assassinés. D’autres,
phénomène plus récent, détruisent par incendies ou explosifs, les maisons chrétiennes après en avoir au préalable expulsé les résidants (propriétaires ou locataires) et avoir fait main basse sur
les biens. Visiblement, ces gangs armés, ont décidé que les chrétiens n’avaient plus droit de cité à Mossoul. Ces procédés rappellent tristement les « expulsions à mains armées » dans
le quartier bagdadois de Dorah, au sud de la capitale irakienne, entre janvier et novembre 2007, qui se soldèrent par la quasi-disparition de la communauté chrétienne de ce quartier ; ses
effectifs chutant il est vrai en quelques semaines de 3000 à moins de 500 familles.
Aujourd’hui, les 1119 familles chrétiennes réfugiées dans la plaine de Mossoul-Ninive, sont réparties ainsi :
360 à Beghdédé (Qaraqoche), 220 à Telesqopa, 160 à Bartella, 116 à Alqoche, 97 à Telképé (Tel-Keif), 51 à Karemlesh, 51 à Cheikh-Matti, 40 à Batnayé, et 24 à Aghadjian (village arménien). Selon
le Kaïmakam (équivalent du Sous-Préfet) de Telképé, M. Bassem Ballo, 140 familles et non 97 auraient trouvé refuge dans cette ville assyro-chaldéenne.
Face à l’urgence et à la tragédie en cours, les responsables assyro-chaldéens civils (chefs de partis politiques
et élus) et religieux (dont plusieurs évêques chaldéens) ont placé les autorités irakiennes devant leurs responsabilités. Il est temps pour ces dernières de reprendre les choses en main, afin de
contrer les gangs et les individus armés qui commettent ces agissements. Face à la gravité de la situation, les autorités irakiennes dépêchèrent le dimanche 12 octobre, 900 policiers
supplémentaires à Mossoul, pour contribuer à la sécurisation de la ville. Le gouverneur de Ninive, M. Douraïd Kachmoula, a passé la journée de dimanche à visiter les réfugiés dans les villes
et villages où ils ont été accueillis. Il les a invités à réintégrer leurs foyers abandonnés précipitamment ces derniers jours. Mais pour ces derniers, il n’est pas question de revenir pour
l’instant, tant que leur sécurité n’est pas garantie. Une réunion était prévue lundi 13 octobre à Mossoul, entre les ministres de l’Intérieur, de la Défense, le gouverneur de Mossoul-Ninive, sous
les auspices du Premier ministre Nouri Al-Maliki. Mieux vaut tard que jamais !
Espérons que cette prise de conscience tardive des autorités irakiennes permettra de rassurer les chrétiens d’Irak
(qui ne cessent de s’interroger sur leur avenir dans ce pays qui est le leur), qui attendent non des belles paroles, mais des actes forts de leurs autorités susceptibles d’assurer leur sécurité
et avenir au milieu des autres composantes irakiennes. Les autorités sont placées, aujourd’hui plus que jamais, devant leurs responsabilités ; c’est désormais une question de crédibilité aux
yeux de leur opinion publique, mais aussi de la communauté internationale qui ne peut et ne doit rester les bras croisés devant les drames en cours sur la Terre entre les deux fleuves. Il en va
tout simplement de l’avenir de l’une des plus anciennes communauté/ethnie du pays... "
Joseph ALICHORAN
En collaboration avec M. Paul GHARIB, et les responsables de l’Association « La Mésopotamie »