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Automne (3)

Publié le 22 octobre 2008 par Feuilly
IMG_1114.JPG Feuilly 19.10.08
Texte fictif et de pure imagination, est-il besoin de le rappeler?
Mon amour,
Je t’écris cette lettre qui ne partira pas et qui restera dans mon tiroir. Je la conserverai précieusement sous clef et la relirai de temps en temps, en souvenir de nous et des agréables moments que nous avons passés ensemble. Il vaut mieux que tu ne la lises pas, car la nostalgie qui s’en dégage prouve que je t’aime encore, ce qui me met dans une position délicate. Il n’est jamais facile de dire à quelqu’un qu’on l’aime encore, tu en conviendras. De toute façon, je voudrais même te l’envoyer, cette lettre, que je ne pourrais pas, car j’ignore quelle est ta nouvelle adresse.
Voilà, je voulais juste te dire que je suis repassé par hasard par la petite place où nous avions l’habitude de discuter très longuement. Tu me diras qu’il n’y a jamais de hasard et c’est vrai, évidemment. Il se pourrait bien, en effet, que mes pas aient été guidés comme malgré eux vers cet endroit, où tant de paroles furent échangées, tant de promesses aussi, même si bien peu furent tenues. Les mots que nous avons prononcés sont pourtant encore gravés dans ma mémoire comme s’ils avaient été dits hier. En fait, c’était aux premiers beaux jours du mois de mai que nous avions commencé à nous rencontrer. Souviens-toi, nous étions encore des inconnus l’un pour l’autre à ce moment-là. Depuis lors, nous le sommes malheureusement redevenus.
Le vieux banc est toujours à sa place, sous le grand hêtre qui te plaisait tant, mais les oiseaux ne chantent plus et les bourgeons ont laissé la place aux feuilles jaunissantes. Les arbres sont dans toute leur splendeur et si tu passes non loin de là, tu devrais faire un détour, cela en vaut la peine. Quand le soleil donne sur le feuillage, on se croirait dans une grotte tapissée d’or et les rayons obliques qui pénètrent maintenant jusqu’au sol jouent sur les feuilles éparpillées à terre. C’est de toute beauté.
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C’est de toute beauté, mais c’est triste aussi car tu n’es plus là. Et je me dis que ces feuilles qui t’ont connue, toi et ton sourire troublant, vont disparaître à leur tour comme tu as disparu. Quelque part, elles constituaient pour moi comme des témoins discrets de nos rencontres. Tu te rends compte qu’elles ont assisté à toutes nos conversations et qu’elles connaissaient par cœur la couleur de tes yeux et la douce rêverie de ton regard ! Et les voilà anéanties, desséchées, emportées par le vent et foulées au pied. Encore quelques jours, au mieux quelques semaines, et elles auront disparu. Que restera-t-il, alors, de notre amour ? Il aura vécu et ne connaîtra aucun printemps.
J’ignore où tu es partie, mon coeur et j’ignore même pourquoi tu es partie. Pourtant, quand on se retrouvait sur ce banc, il me semblait que tout était possible et que l’avenir était devant nous. Plus tard, dans ta chambre, c’était même devenu d’une évidence étonnante, tant la complicité de nos corps semblait ne jamais devoir cesser. Et ce voyage, t’en souvient-il ? Quand les jardins du Calife ne fleurissaient que pour nous… J’avais subrepticement cueilli une rose du parterre odorant et te l’avais offerte, comme on offre un parfum défendu. Puis le soir était descendu sur l’Alhambra, lentement. Nous nous étions si bien cachés que nous nous sommes retrouvés enfermés dans l’enceinte sacrée et toute la nuit nous avons parcouru le palais des Mille et une Nuits. A la fin, tu t’es arrêtée, épuisée. Tu t’es assise sur le rebord d’une fontaine et comme Shéhérazade, tu as commencé à raconter une histoire étrange, l’histoire de ta vie. L’aube se levait sur l’Albaicin, en contrebas, que tu parlais encore. Tu m’as souri, délivrée d’un lourd fardeau et tu t’es enfouie vers les portes qu’on venait d’ouvrir. Quand on s’est retrouvés, très tard dans la journée, on s’est juré un amour éternel. Tu te souviens ?
Et bien cet amour éternel, je le contemple ici. Assis sur ce banc froid, je regarde les feuilles joncher le gazon. Le vent les emporte ou les assemble en tas, au gré de son caprice. Il me semble être ces feuilles, privées de volonté, soumises au hasard et occupées à mourir.
Je t’aime mon amour.
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