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Brand, corporate, target et foutage de gueule

Publié le 22 octobre 2008 par Haimyo

Je découvre avec un ravissement teinté d’exaltation (si, si, je vous assure) la campagne de publicité Orange. Alors bien sûr, une marque pareille (une collègue, dont c’est le métier, m’indique qu’elle est valorisée 1 milliard d’euros, oui, vous avez bien lu) se dote bien sûr d’une campagne multiforme, déclinée en de nombreux supports et variantes. Là, je vous parle de la campagne “corporate”, ce que notre ex-France Télécom appelle la “Orange Brand Vision 2008″, c’est-à-dire ce qui porte le message-clef de l’entreprise. Et voici ce que ça donne (lu par une voix-off pénétrée et inspirée) :

“Je suis ma mère qui m’encourage
et ma soeur qui ne le fait pas
Je suis mon ami Thomas qui va toujours vers les autres
Je suis toutes les filles que j’ai embrassées
Et celles que j’embrasserai
Je suis le prof qui m’a fait redoubler
Et celui qui m’a soutenu
Je suis le patron qui parfois me critiquera
Mais m’aidera à avancer
Je suis tous les gens que je connais
Et ceux que je ne connais pas encore
Je suis tous les concerts où j’irai avec mes potes
Et les blagues qu’on échangera ensemble
Je ne suis rien sans eux
Et avec eux je peux tout faire”

Alors, si on lit la prose du rédacteur-concepteur (pas mauvais d’ailleurs) qui a pondu ce texte, qu’en déduit-on ? Qu’il y a du bon et du moins bon dans l’existence, que dans la famille comme à l’école il y a des gentils et des méchants… mais pas dans l’entreprise ! Le patron “me critiquera” mais “m’aidera à avancer” aussi (à la fin). Donc, le patron n’est qu’un faux méchant… qui n’est méchant que pour être bon (à la fin). Vous suivez? Chez Orange, on revisite les fondamentaux de la philosophie, on remet l’humanité et le cosmos en perspective, mais jamais, au grand jamais, on ne remettra en cause le sacro-saint crédo libéral. L’entreprise, c’est bien, et il n’y a que des gentils (à la fin).
Signalons quand même un petit plantage professionnel du responsable de casting. Je vous laisse répondre au sondage : avez-vous vraiment envie de travailler pour ça ?

Je n’insisterai pas sur le côté “United Colors of”, qui est devenu une tarte à la crème de toute communication d’un groupe international, et qui permet à tout hasard de jeter un petit clin d’oeil à chaque segment de la population, et de jouer sur plein plein de thèmes:

“On est tous potes

tous potes

“On est tous potes, d’ailleurs on va ptêt finir au lit tout à l’heure(*)”

“On est tous potes, même les blacks et les femmes enceintes

Rien de nouveau là-dedans, sauf qu’il serait temps que quelqu’un se dévoue pour aller expliquer à nos amis DirCom, DirPub et DRH qu’on se moque royalement de voir des blacks ou des femmes enceintes dans leurs films publicitaires. Et tant qu’à y être, qu’on serait plus rassurés par un article d’un journaliste sérieux qui, après une longue et méticuleuse enquête, nous raconterait que cette boîte respecte ses salariés, l’environnement, la société dans laquelle elle baigne, et le client. Et - juste un exemple - que cette boîte n’accumule plus les pratiques douteuses pour abuser de sa position dominante et truquer les règles de la concurrence avec les opérateurs concurrents ; qu’Orange, de concert avec ses deux complices, a décidé de mettre un terme à son lobbying acharné qui a conduit l’Elysée à s’asseoir sur la recommandation de l’ART (Autorité de Régulation des Télécommunications) et à mettre, dans les faits, à la poubelle l’irruption de Free sur ce marché (j’allais dire ce fromage) que nos trois amis se partagent confortablement.

Ou encore - juste un autre exemple - que cette boîte ne se livre pas depuis des années à des pratiques flagrantes d’entente pour fixer les prix en accord avec les deux autres membres de l’oligopole qui monopolise le commerce du téléphone portable, à savoir SFR et Bouygues, et pour racketter le consommateur. Puisque maintenant vous êtes habitués aux exemples, je finirai en souhaitant lire dans un tel article que les dirigeants d’Orange ont réalisé qu’il n’y avait aucune raison pour que le téléphone portable coûte deux fois plus cher, en moyenne, aux Français qu’aux Finlandais, et qu’ils vont diviser leurs prix par deux pour mettre fin à cette étrange anomalie.

Maintenant si les mots “gloutonnerie”, “rapacité”, “arnaque”, “escroquerie”, “vol”, “tromperie” vous viennent à l’esprit, je n’y peux rien, c’est totalement indépendant de ma volonté. Et si des noirs ou des femmes enceintes sont aussi des clients d’Orange, ma foi, ça me fait bien de la peine pour eux.

___

(*) ok, là je vois peut-être des nains partout.

Posted in Coups de gueule, Economie  Tagged: entreprise, publicité  

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