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Nicolas Sarkozy, un Président de la République très procédurier

Publié le 23 octobre 2008 par Hmoreigne

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Nicolas Sarkozy est un bon client. Pour la presse mais aussi pour son avocat, Maître Herzog. Rarement Président de la République aura tant multiplié les procédures judiciaires. Dernière en date, la plainte déposée il y a quelques jours contre Yves Bertrand l’ancien directeur central des Renseignements Généraux pour « atteinte à la vie privée », « dénonciation calomnieuse », « faux et usage de faux ». Autre illustration aujourd’hui, devant le tribunal correctionnel de Laval. Hervé Éon, simple citoyen est poursuivi pour délit d’offense au Chef de l’Etat. Cet ancien travailleur social avait brandi le 28 août dernier sur le passage du cortège présidentiel un carton sur lequel figurait l’inscription « Casse-toi pov’con ».

« Ce n’est pas parce que Nicolas Sarkozy est Président de la République qu’il saisit la justice. Il n’est ni au-dessus des lois ni en-dessous des lois ». La précision apportée par M° Herzog dans le cadre du dépôt de plainte contre Yves Bertrand peut être généralisée à l’ensemble des actions judiciaires intentées. Qu’en penser ? La question avait été posée il y a quelque temps par le Nouvel Obs.com à différentes personnalités du monde judiciaire.

Selon Eric de Montgolfier, « Il s’agit d’une appréciation non pas de légalité, mais d’opportunité. Je ne suis pas choqué que le président demande réparation du préjudice qu’il aurait subi dans l’affaire Clearstream, même si on peut effectivement s’interroger sur l’opportunité de cette démarche. Quand à la possibilité pour le président de porter plainte, la loi le permet, donc pourquoi le refuser ? Ses prédécesseurs estimaient se situer bien au-dessus de cela, mais le chef de l’Etat semble avoir une vision bien différente de sa fonction. Il faut en tout cas espérer que les juges aient l’indépendance nécessaire pour s’abstraire à la puissance de ceux qui les saisissent - mais c’est une question de chaque instant. »

Ah, l’indépendance. L’avocat Gilbert Collard  la considère comme l’élément central : « la vraie question, c’est de savoir quel impact la fonction du plaignant pourrait avoir sur l’indépendance des juges.” Serge Portelli autre magistrat médiatique partage cette difficulté. »Je sais que l’une des ‘philosophies’ de Nicolas Sarkozy est d’agir comme s’il était tout le monde. Dans ce cas, pourquoi ne pas être le plaignant ordinaire ? Sauf que la grande différence réside dans le fait qu’il n’est justement pas un plaignant ordinaire. C’est lui qui est à la tête du Conseil supérieur de la magistrature, qui nomme une partie des hauts-magistrats… Etre à la fois justiciable, président de la République, avocat et bénéficier d’une immunité constitutionnelle crée un déséquilibre évident. Mais tout cela ne concerne que sa conscience à lui et c’est à l’opinion publique d’en tirer les conséquences. »

Thierry Lévy, avocat, ancien président de l’Observatoire International des Prisons (OIP) note que dans ce domaine là Nicolas Sarkozy joue la rupture. « Depuis Valéry Giscard d’Estaing, les présidents s’étaient interdit d’aller devant les tribunaux. Mais Nicolas Sarkozy a le droit de rompre avec la tradition. Le problème, c’est que le statut pénal du chef de l’Etat fait qu’il peut lancer des poursuites, mais qu’il ne peut être poursuivi.(…) Il y a donc déséquilibre, et Nicolas Sarkozy en profite. »

Dans le cas d’Hervé Eon, le délit retenu est celui d’offense au Chef de l’Etat qui repose sur la loi sur la presse du 29 juillet 1881. La qualification résulte de l’utilisation d’une pancarte assimilée en l’espèce à une forme de publicité.

Comme le rappel Maître Eolas sur son site, l’offense se distingue de l’outrage qui est lui défini comme « les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l’envoi d’objets quelconques adressés à une personne chargée d’une mission de service public [ou dépositaire de l’autorité publique], dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie. »

L’offense au Président de la République est plus sévèrement punie que l’injure ou la diffamation. Comme le précise toujours Maître Eolas, l’injure peut être excusée en cas de provocation. La diffamation peut soit être couverte par l’exception de bonne foi soit par l’offre de preuve de la véracité des faits diffamatoires. Pas l’offense au chef de l’État qui peut être sanctionnée d’une amende de 45 000 euros.

Heureusement les défenseurs d’Hervé Eon pourront s’appuyer sur une jurisprudence de 2002 de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui avait condamné la France pour un délit similaire d’offense à chef d’État étranger, la jugeant incompatible avec la liberté d’expression.

On peut espérer que les juges de Laval dans la même lignée mettront un terme à un délit désuet, inutilisé depuis VGE et totalement inadapté à l’hyperprésidence de l’actuel locataire de l’Elysée. Reste une interrogation et de taille. Pourquoi Nicolas Sarkozy, avocat lui-même, a-t-il choisi de recourir à ce délit ? Comme pour toutes les autres procédures engagées, on peut y voir une volonté revendiquée d’intimidation à l’égard de ses opposants. Une tactique de dissuasion dont l’avenir nous révélera si elle est efficace.

Jean-Luc Mélenchon estime sur son blog que,  « Si la justice est embarrassée avec le délit d’offense au chef de l’Etat c’est justement parce qu’il renvoie directement à l’ancien crime de lèse majesté». Le Sénateur socialiste très critique estime que  « la volonté sarkozyste de ressusciter ce vieux délit d’opinion n’est pas anecdotique. Elle s’intègre dans une logique d’ensemble de déni de démocratie qu’est le sarkozysme en politique. »

 


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