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D'écrire le réel

Publié le 24 octobre 2008 par Lironjeremy

On a tissé le texte d’après ces quelques observations, difractées en quelques sorte, selon le continuum de la phrase et du récit qu’engendre la littérature. On a dissocié les aspects ; ils ne pouvaient nous apparaître distincts du tumulte que par ce que nous les dissocions pour les considérer. Etre là c’était déjà énorme, c’était être ainsi sous le ciel avec ce bruissement dans le coin de l’œil, se sentir à la fois fiché en terre et dérivant, c’était aussi ces cris d’enfants là-bas qui vous amenaient à eux, une silhouette qui passe, un léger souffle d’air, un souvenir de livre… Une attention profonde faisait l’effet de déployer le monde. Et l’instant s’est en quelque sorte étendu, déployé dans la succession de ce qui le composait. Comme d’allonger un jeu de carte pour en constater le contenu. Dès qu’il y a eu formulation posée sur cet instant opaque, en même temps que la révélation des choses s’est insinué une tentation de récit, d’ordonnancement des choses. Pour dire ce petit bout de réalité il fallait quantité de mots et de phrases. Bien sûr, on dit : on écrit pour voir. On partait du réel pour aller vers le langage. Et sans cesse la langue tentais d’y revenir vers ce réel, elle voulait à la fois l’expliciter et en témoigner, le convoquer en elle. Le moindre caillou sur lequel on se posait c’était comme embarquer à l’aventure. Et qu’est-ce qu’une aventure sinon déployer une situation ? Avec cette impossibilité : plus j’avance de l’objet, plus mon observation l’altère, plus elle semble le trahir. Il y avait les mots de Breton et ceux de Giacometti : une tête, tout le monde c’est ce que c’est qu’une tête, mais pourtant à y creuser les orbites dans la feuille ou dans la glaise, la tête ne se laisse pas savoir.


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