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A quoi bon adopter, si c’est pour plus tard expulser ! (par P. Montubert, collectif des amis de Léo)

Publié le 24 octobre 2008 par Combatsdh

Aujourd'hui, des enfants étrangers légalement adoptés par des familles françaises, sont expulsés ou refoulés aux frontières. Adopter une personne née à l'étranger serait-il devenu un grave délit ?Le bannissement perpétuel la sanction ?

L'autre, né dans les Balkans, orphelin et légalement adopté légalement par une famille française il y a plus de huit ans, se voit refuser de venir en France, car sa famille adoptive " a déjà des enfants ".

L'autre, né en Afrique de l'Ouest et adopté il y a plus de six ans selon la décision d'un tribunal d'instance par une famille française, croyait avoir trouvé ici un asile après les années de guerre de son pays de naissance. Las, s'était sans compter sur la pugnacité d'une préfecture qui en 2006 fait tout pour l'expulser. Aujourd'hui, il se cache avec l'aide et le désespoir de sa famille et vit dans la peur permanente d'un contrôle.

L'autre, né en Afrique du Nord, orphelin, dont le tuteur légal est son oncle autorisé à vivre en France depuis de très nombreuses années, se voit interdit de lui rendre visite, car il y aurait " un risque qu'il veuille s'établir " dans notre pays auprès de la seule famille qui lui reste.

L'autre, né en Afrique de l'Est, ayant un tuteur français selon la décision d'un tribunal aux affaires familiales, faisait ses études en France. Las, juste avant de passer le baccalauréat, sa majorité à peine atteinte depuis quelques jours, un paisible contrôle de police inopiné le conduit immédiatement vers un pays qu'il ne connaît plus, sans aucune perspective de retour.

Les deux enfants mineurs d'une famille, nés en Afrique de l'Est d'un premier mariage et légalement adoptés par le second mari français de leur mère, vivants seuls sur cet autre continent, sont interdits de venir en France en 2007, car " l'examen radiologique de leurs poignets " fait planer un doute sur leur âge qui serait supérieur à quinze ans.

Certes souvent le Conseil d'Etat donne tort aux services administratifs ou à leurs ministères de tutelles.

Encore faut-il que le chagrin et le manque de moyens ne viennent pas entraver les possibilités de recours, comme c'est bien souvent le cas de ces familles atteintes. " Avec le discours ambiant que voulez-vous faire ?Je mourrai sans jamais le revoir. " disait un vieux monsieur, père très choqué au sortir d'un tribunal administratif renvoyant son fils adoptif de longue date, vers un autre continent aux simples motifs d'un passeport périmé et d'un refus d'asile (et qui n'a depuis plus eu de visa malgré un nouveau passeport).

A quoi bon adopter, si c’est pour plus tard expulser ! (par P. Montubert, collectif des amis de Léo)

Sophie Ramis AFP : L'adoption internationale

Combats pour les droits de l'homme publie ce billet adressé par P. Montubert - porte parole du collectif de la famille et des amis de Léo Ce blog a vocation à relayer ce type de points de vue engagés et de combats pour l'égalité des droits de la part de miltants associatifs, d'universitaires ou de praticiens du droit.

Les conséquences inattendues et inavouables de la politique actuelle de contrôle de l'immigration en France concernant l'adoption internationale

Tous, même le gouvernement semble-t-il, au moment où il fait des efforts louables pour relancer l'adoption internationale, s'en seraient bien passés, mais les faits sont têtus.

Des refus de visa et des obligations à quitter le territoire français sont prises à la hâte par des consulats ou des préfectures. L'expulsion a parfois lieu sans même l'accord préalable du consulat du pays concerné car il ne comprendrait sans doute pas pourquoi on éloignerait un enfant adopté.

Dans tous les cas, c'est la famille, vertu cardinale de notre société qui est atteinte.

Voilà une nouvelle double peine, purement administrative ; car non content de " punir " l'enfant adopté étranger, on brutalise moralement et profondément aussi ses parents français ou étrangers légitimement établis dans notre pays.

Mais de quel " délit " parle-t-on ? Celui d'avoir reçu la bonté et l'humanité d'une famille adoptive ?

Pour le sens commun, adopter, c'est toujours accueillir dans sa famille un nouvel enfant au même titre que tous les autres, quel que soit son âge, son pays de naissanceou la couleur de sa peau.

Les zones d'ombre et la méconnaissance de la portée juridique de l'adoption

L'adoption est une création du droit romain. Elle avait pour principal but de permettre la transmission des valeurs morales, politiques et économiques de familles patriciennes dépourvues de descendants ou considérés comme incapables d'un tel héritage. L'adopté, même non romain de naissance, pouvait séjourner à Rome, en devenir citoyen, voire empereur par hérédité.

En France, l'adoption fût codifiée par Le Code Civil des Français, entré en vigueur le 21 mars 1804 : Titre 8, chapitre 1er "de l'adoption ". L'adopté doit alors avoir 25 ans révolus ou avoir été au moins six mois à la charge d'un de ses parents adoptifs durant sa minorité.

Dès cette époque, on détermine les principales caractéristiques de l'adoption, qui perdurent jusqu'à nos jours : elle se matérialise par un acte judiciaire, l'adopté porte le patronyme de l'adoptant et il y a obligation de fournir entre l'adoptant et l'adopté, l'un envers l'autre, des aliments durant toutes leurs vies si besoin était, au même titre que tout enfant ordinaire.

L'évolution du Code Civil, particulièrement aux 19° et 20° siècles, fait éclater en France l'adoption de 1804, en deux formes juridiques, l'une dite plénière, l'autre simple :

-L'adoption plénière n'est réservée qu'aux enfants de moins de 15 ans et orphelins de leurs deux parents biologiques ou tout au moins ayants été abandonnés de manière légale.

-L'adoption simple concerne obligatoirement tous les autres cas ; c'est-à-dire ceux où l'adopté a plus de quinze ans ou s'il y a la présence, même supposée, d'au moins un parent naturel vivant ou d'autres contraintes dans le cas de l'adoption internationale (cf. ci-dessous).

Les deux formes de l'adoption, plénière et simple, sont irréversibles. Elles conduisent aux même devoirs et aux mêmes droits personnels que les enfants biologiques, tant pour les adoptants que les adoptés, et réciproquement.

Il convient de se référer ici au Code Civil qui, en 1966, a fixé les contours de l'adoption (Livre Ier : Des personnes - Titre VIII : De la filiation adoptive - Chapitre Ier : De l'adoption plénière et Chapitre II : De l'adoption simple).

Nota : un nombre non négligeable de pays étrangers ne conçoivent pas l'adoption ou même l'interdisent explicitement. Certes des solutions de parrainage existent localement pour répondre aux drames humains sous-jacents au vécu des filleuls, qui eux sont bien communs en tout pays aux adoptés et aux pupilles.

L'adoption légale, quelle que soit sa forme, surtout si elle est internationale, est pour tous, adoptants et adoptés, un parcours humain compliqué et long. Elle induit une forte charge émotionnelle, un don de soi admirable.

L'adopté étranger a-t-il le droit de séjourner aujourd'hui dans notre pays ?

Si l'étranger adopté plénier peut obtenir légalement le droit à devenir français (encore vaut-il mieux ne pas oublier de le demander à sa majorité), l'adopté simple n'a pas cette faculté : la loi n° 93-333 du 22 juillet 1993, indique : " L'adoption simple n'exerce de plein droit aucun effet sur la nationalité de l'adopté ". Voilà la brèche dans laquelle s'engouffre avidement certaines préfectures et consulats.

Pourtant il ne fait aucun doute pour le sens commun, que tout adopté légal peut, doit, résider à proximité de ses parents adoptifs, comme tout enfant né en France. C'est là le lien générationnel légitime du quotidien.

Les adoptés simples étrangers majeurs en seraient-ils indignes dans la Patrie des Droits de l'Homme ?

La jurisprudence du Conseil d'Etat fondée sur de très rares affaires rencontrées depuis 1991, considère en résumé que "la notion d'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française s'applique donc aux enfants adoptés que ce soit par la voie de l'adoption plénière ou par celle de l'adoption simple ... rien ne permet d'affirmer que le législateur de 1984 a entendu introduire une distinction entre les enfants naturels et les enfants adoptifs, ni entre ces derniers en fonction de la forme de l'adoption.. ... par ailleurs l'adoption simple est possible quel que soit l'âge de l'adopté. "

Sauf que le Code des étrangers (CESEDA), dans sa version modifiée ennovembre 2007, limite fortement le droit au séjour pour les enfants étrangers de citoyens français.

" La carte de résident est délivrée de plein droit ... 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant est âgé de 18 à 21 ans ou dans les conditions prévues à l'article L.311-3 [carte de séjour temporaire pour les enfants salariés de moins de 18 ans] de ou s'il est charge de ses parents... sous réserve qu'il produise un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois (ndlr : long séjour)", précisant en fin du même article " L'enfant visé au 2° ... s'entend de l'enfant ayant une filiation légalement établie, y compris l'enfant adopté (ndlr : sans préciser de forme particulière d'adoption) ... ".

Le Conseil Constitutionnel avait été saisi en 1998 ( n° 98-399 DC) de dispositions de la loi "Chevenènement" et en particulier de l'article L.314-11 2° identique à celui de 2007. Il l'a déclaré conforme à la Constitution en précisant : " ... l e législateur a entendu tenir compte de la situation de dépendance économique des intéressés et de leur droit, ainsi que celui de leur parents, à mener une vie familiale normale ... et qu'il résulte de ce qui précède que la disposition critiquée n'est pas contraire au principe de l'égalité. "

Pourtant une récente information du ministère de l'Immigration limite de nouveau la vie des enfants étrangers de ressortissants français, en indiquant qu'après son arrivée en France muni d'un un visa long séjour (ndlr : pour lequel le consulat demande un engagement écrit préalable, de ne pas travailler), un tel enfant qui souhaiterait travailler, doit préalablement obtenir via son employeur potentiel, une autorisation de la Direction Départemental du Travail. Une fois muni du visa long séjour et de l'autorisation de travail, l'enfant pourra alors solliciter un titre de séjour.

Voilà donc des démarches très compliquées et aléatoires qui sèment d'embûches le développement harmonieux d'enfants majeurs étrangers de familles françaises, adoptés et naturels.

Quant aux enfants étrangers adoptés par des familles non européennes, ils seraient presque mieux lotis sur le papier que ceux de françaises. Ils peuvent s'appuyer sur l'article L.313-11 relatif au regroupement familial d'étrangers, qui explicitement dans son 7° ne demande pas la production d'un visa long séjour.

Reste le cas des enfants parrainés au sens juridique indiqué ci-dessus, qui se situe dans des zones encore plus imprévues de notre droit. Sans parler, du cas d'école qui concernerait celui d'enfants nés français et adoptés par des familles étrangères.

Que constatons-nous aujourd'hui ?

Telle préfecture expulse un trentenaire étranger adopté depuis très longtemps, parce qu'il ne résidait plus chez ses parents français, érigeant ainsi en modèle de bon fils de famille, Tanguy, le héros cinématographique bien connu ! Telle autre que l'adoption simple ne serait que " patrimoniale ", tout en nous laissant dubitatif sur le très petit patrimoine concerné ! Ou encore que l'adopté " ne court aucun risque personnel à vivre dans son pays de naissance ", bien au loin de ses parents, sans que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne puisse pas être invoquée au motif, selon la préfecture, qu'il est majeur. Tout faire pour éloigner avant le seuil des 5 années ininterrompues de résidence en France : ça remet le compteur à zéro !

Ou bien, tel consulat déclare que " l'adoption ne concerne que les enfants de moins de quinze ans ", méconnaissant le Code Civil rappelé ci-dessus ! Tel autre que " cet étranger (ndrl : adopté depuis longtemps par une famille française) n'aura jamais plus de visa, ni de court, ni de long séjour " (ndlr : car il est à la charge de ses parents français adoptifs), même s'il n'est frappé d'aucune interdiction légale du territoire. Un traitement qui n'est normalement réservé par la loi qu'aux pires des criminels !

Il a même été vu, un cas où le ministère de l'Immigrationdonnant, semblait-il, un accord apaisé au retour en France d'un enfant adopté, c'est le consulat qui refuse le visa, arguant de motifs incompréhensibles et bien peu fondés moralement et démocratiquement ; le consul précisant cyniquement " sa famille française pourra aller lui rendre visite (à l'étranger) ".

Nous assistons en quelque sorte, à un renouveau du syndrome des enfants de Boches : ni d'ici, ni d'ailleurs et bannis de partout.

Face à la faiblesse des arguments de fond qu'elle utilise, pour ne pas dire plus, une partie de l'administration fait tout ce qui lui est possible dans la forme pour entraver de fait l'adoption internationale, n'en déplaise aux ministres concernés.

Car à quoi bon adopter, si c'est pour plus tard expulser ?

Les étrangers adoptés simples sont très peu nombreux. La présence d'un juge dans le parcours d'adoption évite tout fantaisisme. Il faut donc garder raison : il n'y a aucun risque de voir deshordes de barbares envahir la Rome antique !

Reste que l'adoption légale d'enfants étrangers est irréversible pour l'adopté et l'adoptant. Elle se mesure donc à l'aune de toute une vie humaine, et non pas à la brièveté d'une politique de circonstance et supposée par quelques fonctionnaires mal instruits ou inadaptés à leur mission.

Il serait temps de laisser les enfants et les parents de ces familles adoptives vivrent en tranquillité et sécurité dans notre pays.

P. Montubert - porte parole du collectif de la famille et des amis de Léo - 24 octobre 2008

Nous avons dénombré, sans être exhaustif,14 cas d'enfant adoptés par des familles françaises qui ont reçu un refus de visa de court et de long séjour.

Nous avons dénombré, sans être exhaustif,6 cas d'enfant adoptés par des familles françaises qui été expulsés.


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