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Le Clézio, selon Stéphane Hoarau.

Par Ananda
Jean-Marie Gustave LE CLEZIO

   Né à Nice en 1940, parcourt les continents africain et américain tout en effectuant de fréquents  passages en Europe, et vit aujourd'hui au Nouveau-Mexique (Etats-Unis).
   La vie de Jean-Marie Le Clézio est avant tout parcours. Et, de ces nombreux voyages qui ont ponctué son existence, il résulte une somme d'ouvrages imprégnés de cultures et d'imaginaires variés, avant tout marqués par l'errance. Tout y est mouvement : d'une famille littéraire à une autre, cette carrière commencée par un apparentement au Nouveau Roman français se poursuit par une forte inscription dans l'espace littéraire francophone (25). Il est ainsi possible, en lisant sa bibliographie, de retracer son parcours : né à Nice (Le Procès verbal, 1963; La Fièvre, 1965; Etoile errante, 1992) il passe une partie de son enfance en Afrique avec son père (Onitsha, 1999; L'Africain, 2004), où il retourne bien plus tard, entre autres lieux, au Maghreb (Désert, 1980; Poisson d'or, 1997). Après avoir encore traversé le continent américain (Relation de Michoacan, 1984; Le Rêve mexicain, 1988; Diego et Frida, 1993; La Fête chantée, 1997), tout en ponctuant ses voyages par des passages en Europe, il a aujourd'hui posé ses bagages au Nouveau-Mexique, où il enseigne le français.
   Cet imaginaire marqué par les voyages et les rencontres trouve aussi ses racines dans le parcours de ses ancêtres : Sirandanes et son petit lexique de la langue créole et des oiseaux (1990), seul texte de l'auteur écrit exclusivement en créole mauricien, témoigne de l'importance de ses "origines mauriciennes"...origines qu'il est possible de retrouver dans ce que Danielle Tranquille nomme "une trilogie sur la trace des origines, de ses origines" (26), à savoir : Le Chercheur d'or (1985), Voyage à Rodrigues (1986) et La Quarantaine (1995).
   Voyage à Rodrigues, "texte séminal" (27) se retrouvant dans Le Chercheur d'or, retrace le parcours d'un jeune homme sur l'île éponyme, à la recherche des traces de son grand-père, lui-même ayant auparavant quêté d'autres traces, celles d'un corsaire ayant jadis parcouru l'île pour y cacher un trésor (Le Chercheur d'or). La quête de l'ancêtre est avant tout quête de Soi, et l'errance de ce jeune homme sur cette île des Mascareignes vaut pour une introspection : ce trésor qu'il est venu chercher, l'or de son (défunt) grand-père, c'est en lui qu'il va le trouver. Passé et présent se confondent, et la quête de l'aïeul se mue en une quête identitaire. La recherche assidue des racines, par le travail de la mémoire, est encore au coeur de  La Quarantaine.
   Dans cette "trilogie" dont le troisième volume a été publié près de dix ans après les deux premiers, Jean-Marie G. Le Clézio affirme son appartenance à une francophonie ouverte : la langue est française, mais l'imaginaire est autre... l'exil de ses ancêtres en terre inconnue, la culture et l'imaginaire mauriciens qui en résultent et qui ont bercé son enfance, son exil présent et  le souhait - au moins par l'écriture -  de renouer avec ses origines perdues, sont autant de motifs qui contribuent à façonner, dans ses textes, un imaginaire de l'exil et de la rencontre. Mais, cette "trilogie mauricienne" n'est pas isolée dans sa biographie. Elle trouve des échos dans un ensemble bibliographique marqué par d'autres exils, d'autres rencontres : rencontres entre les temps où se croisent inlassablement passé et présent, mais surtout rencontre entre les espaces où viennent simultanément cohabiter Europe, Amérique, Afrique, Océan Indien. Rencontres encore continuellement renouvelées, comme peut en témoigner la récente publication de Révolutions (2003).
   Avec Nabile Farès, Jean-Marie G. Le Clézio est l'auteur de notre corpus (*) qui a été le plus étudié. Sa renommée internationale, acquise depuis le prix Renaudot attribué pour sa toute première publication (Le Procès-verbal, 1963), est encore confirmée par des distinctions littéraires telle que celle de "plus grand écrivain francophone" (magazine Lire, 1994) et celle du Puterbaugh pour l'ensemble de son oeuvre (1997). Elles font de lui non seulement l'un des auteurs francophones les plus lus (son oeuvre est traduite en anglais, en allemenad, en chinois, en espagnol, en hébreu, italien, japonais, portugais, russe, etc...) mais encore l'un des plus étudiés à travers le monde; non pas parce que cette oeuvre parle à tout le monde, mais plutôt parce qu'elle s'adresse à chacun. Le Clézio est en effet lu et étudié dans tous les espaces qu'il a visités : en Amérique du Nord et du Sud, en Afrique, dans l'Océan Indien, etc. Ce n'est semble-t-il pas la marque d'une mondialité, mais plutôt d'un amarrage marqué et affirmé, simultanément, dans chacun de ces lieux du monde. Il existe donc à ce jour un nombre considérable de travaux (ouvrages, travaux universitaires, articles, etc. dans diverses langues) traîtant soit de la totalité, soit d'une partie de son oeuvre. Les axes d'étude le concernant sont donc multiples.
Il est par ailleurs possible d'en dégager certains dans les grandes lignes :
-   les études d'oeuvres choisies : soit d'une oeuvre en particulier, soit de plusieurs oeuvres, par rapport à un thème choisi (Désert étant sans conteste celui qui a suscité le plus d'engouement auprès de la critique (28) ). Par ailleurs, ce type d'analyse se retrouve également dans des ouvrages plus larges, ayant pour objectif de parcourir l'ensemble de l'oeuvre de Le Clézio (29).
Notons ici que Le Chercheur d'or, Voyage à Rodrigues et La Quarantaine ont déjà fait l'objet d'études de ce type, soit individuellement (30), soit de manière comparative (31).
-   les études formelles, traîtant de l'une des particularités de l'écriture et de la littérarité de l'auteur (étude générique, étude statistique, etc.). (32)
-   les études thématiques, s'attachent davantage à interroger un thème particulier propre à l'oeuvre leclézienne (les plus fréquents sont : la solitude / le silence (33), l'espace / le rapport au monde (34), l'altérité (35), la quête identitaire (36), le mythe (37), et la nostalgie de l'enfance et des origines (38).
-   les études régionales : celles-ci portant en général sur un espace géographique défini présent soit dans une oeuvre, soit dans un ensemble d'oeuvres. C'est d'ailleurs dans ce type d'analyse que se retrouvent le plus souvent étudiés les rapports de l'auteur aux îles india-océanes, et notamment Maurice (39), mais aussi Nice (40).
-   Enfin, les études plus globales concernant un genre, une période, un thème ou une figure littéraire, ne portant pas spécifiquement sur l'oeuvre leclézienne, mais se servant de celle-ci comme repère contemporain.
   Bien évidemment, les axes définis ici ne sont pas fermés, et entrent parfois en intéraction. Toutefois, ce sont là les principales orientations choisies par la critique. Pour ce qui est du thème de l'exil dans l'oeuvre de Le Clézio, il a parfois été abordé : dans l'ouvrage de Jean-Xavier Ridon (42), ou celui de Gérard De Cortanze (43), par exemple, qui se propose entre autres de retracer le parcours de l'auteur. Mais ces études ne traîtent ce thème que dans une perspective interne à l'oeuvre leclézienne; il n'y a pas ici de comparatisme. Par ailleurs, concernant la lecture de ce thème, ce sont les articles qui mettent à jour le plus grand nombre de références, et notamment dans le champ des analyses de type régional liées aux littératures de l'Océan Indien(44) . Si dans les quelques exemples présentés ci-dessus il est possible de constater que cet auteur a été comparé avec d'autres, rares sont les références (par rapport à l'importance de la production critique le concernant) à proposer une étude comparative de son oeuvre ou de l'un de ses textes avec, notamment, d'autres auteurs francophones (45). Il n'y a donc à ce jour aucune lecture croisée de l'écriture de Jean-Marie G. Le Clézio avec celle des auteurs de notre corpus.
   Par ailleurs, comme pour Nabile Farès, la production de Jean-Marie G. Le Clézio n'est pas qu'artistique : il est également possible de trouver un grand nombre de références de l'auteur proposant soit des études d'oeuvres littéraires (46), soit des textes portant sur d'autres domaines, entre autres le cinéma (47). Ce type de production n'est pas anodin dans la mesure où, comme l'a par exemple souligné Germaine Brée (48), il semble possible de lire dans le parcours de Le Clézio une intéraction entre littérature et cinéma. La lecture de Ballaciner, paru cette année, peut en apporter le témoignage.


Stéphane HOARAU
in "Ecriture de l'exil, exil des écritures", Thèse de Doctorat, Université Louis Lumière-Lyon 2 http://www./limag.refer.org/Theses/Hoarau.pdf, 2008, pages 64 à 68.


(*) Les autres auteurs du corpus évoqués ici sont : Monique Agénor, Nabile Farès et Jean Lods.
(24) "Exil et métaphore", in Recherches et travaux, France (Grenoble), Université Grenoble 3, 1986, n° 30 "Littérature de l'exil".
(25) Pour un portail plus détaillé, axé sur le rapport de ce "plus grand écrivain-voyageur de sa génération" à la francophonie, voir : Bénédicte MAUGIERE et Bruno THIBAULT, "Le Clézio, la francophonie et la question post-coloniale", in Nouvelles Etudes Francophones, CIEF, vol. 20, n° 2, automne 2005, pp. 9-15 (notons que ce numéro de Nouvelles Etudes Francophones est consacré à l'auteur).
(26) Danielle TRANQUILLE, Parole d'îles. Analyse de l'espace dans les romans "mauriciens" de Jean-Marie Le Clézio, Ananda Devi, Marie-Thérèse Humbert et Carl De Souza, République de Maurice, Educational Production limited, 2000, p. 13.
(27) Idem.
(28)  A titre d'exemple, en seulement trois ans, quelques années après sa publication, trois ouvrages ont été exclusivement ou partiellement
consacrés à ce roman : Madeleine BORGOMANO, Désert, de J-M G. Le Clézio, Paris, Bertrand Lacoste, 1992; Simone DOMANGE, Le Clézio ou la quête du désert, Paris, Imago, 1993 et Bruno DOUCET, Désert de Le Clézio, Paris, Hatier, 1994.
(29) Nous pensons à l'ouvrage : Jean ONIMUS, Pour lire Le Clézio, Paris, PUF, 1994; au recueil d'études : Sophie JOLLIN-BERTOCCHI (dir.), Lecture d'une oeuvre : J-M G. Le Clézio, Paris, UVSQ, 2004; et à la récente thèse : Marina SALLES, Le Clézio "peintre de la vie moderne". La représentation du monde contemporain, du "Procès-verbal" à "Révolutions", TD, M.F CANEROT, Université de Poitiers, 2004.
(30)  A titre d'exemple, la récente réédition d'un ouvrage portant exclusivement sur l'un de ses textes : Isabelle ROUSSEL- GILLET, Le Clézio, Le Chercheur d'or, Paris, Ellipses, 2005; ou encore cet article portant sur La Quarantaine : Madeleine BORGOMANO, "La Quarantaine de Le Clézio et le vertige intertextuel", in Cahiers de Narratologie, N° 13 "Nouvelles approches de l'intertextualité", France (Nice),
Revel@Nice-CIRCLES,http://revel.unice.fr/cnarra/index.html?id=317,
sept 2006.
(31) Nous pensons par exemple à : Bruno THIBAULT, "La Métaphore exotique : l'écriture du processus d'individuation dans Le Chercheur d'or et La Quarantaine de J-M G. Le Clézio" in The French Review, vol. 73, n° 5, avril 2000, p.p.845-861.
(32) En ouvrage : Martha PARDO SEGURA, La réflexion de J-M G. Le Clézio sur l'écriture, France, PU du Septentrion, 1998;
et Michelle LABBE, Le CLézio, l'écart romanesque, Paris, L'Harmattan, 1999; et pour les travaux universitaires : Mohamed BENJELLOUN, La métaphore dans l'oeuvre romanesque de J-M G. Le Clézio. Etude stylistique, TD, Université El Jadida, 1999.
(33)  Exemples : Ruth AMAR, La structure de la solitude dans l'oeuvre de J-M G. Le Clézio, Paris, Publisud, 2004; ou : Jacqueline MICHEL, Une mise en récit du silence. J-M G. Le Clézio, Bosco, Gracq, Paris, José Corti, 1986.
(34) Teresa DI SCANNO, La vision du monde de Le Clézio : cinq études sur l'oeuvre, Naples/Paris, Liguori/Nizet, 1983; et : Anne VIEL, L'espace dans l'oeuvre de J-M G. Le Clézio. La dialectique du réel et de l'imaginaire, D3, Y-A- FAURE, Université Paris 4, 1985.
(35) Exemples : Jana JARLSBRO, Ecriture et altérité dans trois romans de J-M G. Le Clézio : Désert, Onitsha, La Quarantaine, Suède (Lund), Université de Lund, 2003; et : Pasquier GUILLERMET, La quête de l'altérité dans l'oeuvre de J-M G. Le Clézio, TD, J.PIERROT, Université de Rouen, 1993.
(36) Martin BRONWEN, The Search of Gold in J-M G. Le Clézio, London/Dublin, Philomel, 1995; et encore : Jacqueline DUTTON, Le Chercheur d'or et d'ailleurs. L'utopie de J-M G. Le Clézio, Paris, L'Harmattan, 2003.
(37) Par exemple : Jennifer WAELTI-WALTERS, Icare ou l'évasion impossible. Etude psycho-mythique de l'oeuvre de J-M G. Le Clézio, Canada (Sherbrooke), Naaman, 1981.
(38) Véronique PAGES-JODLOWSKI, Ecriture et nostalgie des origines dans l'oeuvre de J-M G. Le Clézio, TD, F-C GAUDARD, Université de Toulouse 2, 2000; et : Thomas JAPPERT, Le thème de l'enfance dans l'oeuvre de J-M G. Le Clézio, D3, R.JEAN, Université Aix-Marseille 1, 1983.
(39) Danielle TRANQUILLE, Paroles d'îles, op. cit.; et pour les articles : Alessandra FERRAO, "Espaces réels, espaces rêvés dans Le Chercheur d'or et Voyage à Rodrigues de J-M G. Le Clézio", in L'Océan Indien dans les littératures francophones, Paris, Karthala/Presses de l'Université de Maurice, 2001n p.485-495; et : Kumari ISSUR R., "Multilinguisme, intertextualité dans la littérature mauricienne. Le cas de M-T Humbert, A. Devi et J-M G. Le Clézio", in Ecrire en langue étrangère. Interférences de langues et cultures dans le monde francophone, France (Réunion), Nota bene ( Les Cahiers du CRELIA), 2003, p.339-355.
(40) A ce sujet, l'Association des lecteurs de J-M G. Le Clézio (céée en 2005) proposera en première publication un recueil d'études ( de type régional) portant sur Nice et ses représentations dans l'oeuvre de l'auteur (parution des Cahiers Le CLézio n° 1 précue pour 2007, cf.www.associationleclezio.com)
(41) Il s'agit par exemple des ouvrages : Roger MATHE, L'Exotisme : de Homère à Le Clézio, Paris, Bordas, 1985; ou de : Vijayen VALAYDON, Le Mythe de Paul et Virginie dans les romans d'expression française et dans Le Chercheur d'or de J-M G. Le Clézio, Maurice, Océan Indien, 1992, et nous pourrions encore citer la thèse de : Patrick MAISONNEUVE, L'Univers mythologique du roman français contemporain d'Alain Robbe-Grillet à J-M G. Le Clézio, D3, J.LEVAILLANT, Université Paris 7, 1971.
(42) Jean-Xavier RIDON, Michaux, J-M G. Le Clézio : l'exil des mots, Paris, Kimé, 1995.
(43) Gérard DE CORTANZE, Le Clézio : le nomade immobile, Paris, Le Chêne, 2001.
(44) Par exemple : Jean-Philippe IMBERT, "J-M G. Le Clézio, Writer of exile : A Traitment of Chidwood and Exile in Désert and Etoile errante", in Exile and Migrants : Crossing Thresholds in European Culture and Society, Angleterre, Sussex Academic, 1997, p.p 201-211; ou encore : Bénédicte MAUGIERE : "Le Mythe de Robinson revisité par Tournier et Le Clézio", in L'Océan indien dans les littératures francophones, Paris, Karthala/Presses de l'Université de Maurice, 2001,p.p 463-474.
(45) L'un de  ces travaux propose une étude comparative de l'oeuvre de Le Clézio et de celle de Mimouni par le biais des analyses de leurs incipit et clausules : Khalid ZEKRI, Etude des incipit et clausules dans l'oeuvre romanesque de Rachid Mimouni et dans celle de Jean-Marie G. Le Clézio, Thèse de Doctorat sous la direction de Charles BONN, Université de Paris 13, 1998.
(46) Nous pouvons citer ici son mémoire sur Michaux (La Solitude dans l'oeuvre d'Henri Michaux, mémoire de Diplôme d'Etudes Supérieures, Faculté de Lettres d'Aix-en-provence, 1964) ou l'une de ses nombreuses contributions à la Nouvelle Revue Française, portant notamment sur l'oeuvre de Lautréamont.
(47) Nous pensons notamment à la préface des Notes sur le cinématographe de Robert Bresson (Paris, Gallimard, 1998), ou encore au texte "La Magie du cinéma" présenté dans Les Années Cannes : 40 ans de festival (France/Suisse, 5 continents/Hatier, 1987).
(48) Germaine BREE, Le Monde fabuleux de J-M G. Le Clézio, Amsterdam, Rodopi, 1990.

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