Alors que le gouvernement, jamais en mal d'idées pour renforcer sa politique sécuritaire, vient d'autoriser les polices municipales à se doter du pistolet à impulsion électrique Taser (le fameux X26), il me semble que nous serions en droit de demander l'application du principe de précaution, qui je le rappelle fut inscrit en préambule de notre Constitution.
Il se trouve en effet beaucoup d'arguments pour retarder la mise en service de cette arme, ou tout au moins sa généralisation.
En premier lieu, l'absence de dangerosité de cette arme n'est pas prouvée. Et les chiffres (je ne sais pas s'ils sont vérifiés) de décès suite à l'utilisation du taser sont en constante augmentation. Je pèse mes mots, et n'emploie pas le terme pas "à cause" du Taser mais bien "suite à", la nuance est importante. Selon Amnesty International, 290 personnes depuis 2001 sont mortes suite à l'utilisation du Taser au Canada (90) et aux Etats-unis (200). Leurs recommandations sont les suivantes :
Nous demandons un moratoire sur tous les transferts et utilisations de pistolets paralysants et autres armes à décharges électriques en attendant les conclusions d'une enquête rigoureuse, indépendante et impartiale.
Il s'agit d'évaluer avec rigueur la doctrine d'emploi et les risques relatifs à la santé des personnes touchées, au regard des normes internationales relatives aux droits humains et l'utilisation de la force et des armes à feu.
L'enquête doit recommander l'adoption de règles, garanties et procédures de surveillance strictes afin d'empêcher l'utilisation abusive de tout matériel générant des décharges électriques et pouvant être considéré comme légitime pour le maintien de l'ordre.
In Rapport d'Amnesty International sur le Taser
Le second point et qui n'est pas des moindres, concerne les conditions d'utilisation et la formation des policiers qui en sont équipés:
A ce jour, la formation dure deux jours et les policiers tirent 3 balles. Il ne semble pas que ce soit la formation technique qui pose problème, mais plutôt la délimitation des conditions d'utilisations. Qu'est ce qui peut venir borner l'utilisation d'une telle arme ? La police canadienne pour se justifier suite à la mort filmée d'un immigrant polonais à l'aéroport de Vancouver, avait utilisé le terme de "délire actif" pour caractériser le comportement de la personne. Or cette notion de "délire actif" n'a aucune signification médicale. On perçoit facilement la difficulté de caractériser les comportements permettant de définir un cadre d'utilisation strict de l'arme.
La formation semble insuffisante, selon un policier français qui s'est confié aux journalistes de France Info : "J'ai effectué une formation qui dure deux jours et au cours de laquelle nous tirons trois cartouches", témoigne-t-il. Pourquoi si peu? Selon lui, notamment pour une question de coût. "Le coût d'une cartouche est équivalent à 30 euros et à mon avis, il y a des questions de budget", explique-t-il. Et de regretter surtout le manque de "simulations". "La technique est une chose mais ce qui compte surtout, c'est le travail en équipe - qui fait quoi dans l'équipe intervenante - surtout dans un contexte de grand stress", poursuit-il.
Un autre point que l'on peut également soulever et celui de l'égalité des cibles du Taser. Il y a fort à parier que c'est en fonction de la dangerosité présumée de la personne, qu'un policier dégainera son arme et non pas en fonction d'un comportement objectivement mesurable. Je pense qu'un jeune de banlieue réagissant de manière strictement identique à un contrôle de police qu'un jeune cadre cravaté aura un risque bien plus élévé de se faire "tasé". Où avais-je la tête, les cravatés ne font jamais l'objet de contrôle d'identité (je parle d'expérience)....
Et puis, à un moment où nos forces de l'ordre ont complétement rompu le dialogue avec certaines populations, n'est-ce pas construire une barrière (électrique celle-là), de plus...
Au Canada, un rapport d'experts indépendants, paru en Septembre, pointe les insuffisances du mode de sélection de cette arme par la GRC (Garde Royale Canadienne), les accusant d'avoir succombé un peu trop facilement aux sirènes du fabricant de l'arme.
Ne devrions nous pas nous aussi demander des comptes à notre gouvernement et demander sur quels critères d'évalution cette arme a été sélectionnée. Il existe rapport d'expérimention sur 130 personnes que le ministère de l'intérieur se refuse à communiquer. Il serait peut-être salutaire qu'une étude indépendante vienne évaluer cette "arme du troisième millénaire", presentée par le PDG de Taser France, Antoine dit "Zazzo le clown", comme un formidable progrès pour l'humanité. Ou faudra t-il attendre notre première victime du Taser en mondiovision pour commencer à se poser des questions ?
En France, le Réseau d'alerte et d'intervention pour les droits de l'homme (Raidh) vient de déposer une requête en annulation auprès du Conseil d'état.
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