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Responsabilité : êtes-vous "On" ou "Off" ?

Par Jean-Louis Richard

Responsabilite Trois collaborateurs du technocentre de 12 000 salariés d'un constructeur automobile se donnent la mort en l'espace de quatre mois, et la direction évoque un taux de suicides "dans la moyenne". Quelques chefs se sont agités, mais aucun responsable ne s'est exprimé sur ces fins de vies. De tels évènements ne peuvent laisser indifférent. Si aucun responsable ne s'exprime, peut-être est-ce tout simplement parce qu'il n'y a pas de responsable.

De tous temps, quelques hommes et femmes se sont affirmés comme responsables devant les leurs. Le responsable, le vrai, est seul à souffrir dans sa chair des conséquences de ses actes et des actes de ses semblables. C'est le capitaine du navire : il doit faire monter chacun, en bon ordre, à bord d'un canot de sauvetage. il se sauvera le dernier, et mourra si un seul passager reste à bord au moment fatal, ou si le dernier canot est plein.

A l'heure de vérité, aucun de ses collaborateurs, à qui il avait jusqu'à présent délégué des tâches essentielles, ne peut se substituer au capitaine, à moins d'avoir été désigné par le capitaine mourant. L'armateur, l'oreille collée à sa radio à un mois de navigation de là, n'est pas davantage sur scène.

La responsabilité du capitaine ne se détaille pas, se négocie encore moins. Il est seul responsable de tout, partout. Peu importent sa rémunération, ses objectifs personnels ou sa part de... responsabilité dans le naufrage. Il est responsable, point. Il est "On".

Evident tout cela ? Prenons une entreprise au hasard. Ecoutons ses principaux cadres, qu'observons-nous ?

Dans quelques entreprises, le responsable ultime, lui aussi, est "On". C'est un peu plus compliqué que pour le capitaine au coeur du naufrage, car il s'agit de flottes ou de flotilles, et non de navires, les naufrages sont rares et les vies humaines rarement en jeu. Mais les structures psychiques sont similaires. Ce responsable-là ressent bien ancrée au fond de lui sa responsabilité, totale, violente et inconditionnelle.

Qu'est-ce qui caractérise donc le responsable "On" ? Trois réalités qu'il ressent dans son corps et son coeur:

- le responsable "On" est désigné par le précédent responsable "On". Ca parait trivial, mais c'est comme pour la flamme olympique. Pas de responsabilité à l'entrée, rien à la sortie. Si le précédent responsable est "Off", le suivant le sera. A charge pour lui d'inverser le cours des évènements. La désignation du responsable, ses circonstances, sa symbolique et ses ressorts sont de toute première importance pour comprendre la suite. l'objectif du responsable "On" est de co-produire avec ses collaborateurs pour transmettre à son tour sa responsabilité à son successeur, après avoir imprimé son identité à l'accomplissement collectif;

- le responsable "On" est seul responsable, de tout et partout. Pas de quartier, pas de faux-semblant, pas de répit. Il fait face à la complexité de son organisation avec courage et humilité, renonce à la maîtriser et apprend à articuler ses actions avec elle;

- le responsable "On" vit sa charge "à ses risques et périls", c'est à dire au risque de son identité professionnelle d'homme ou de femme, et au péril de son projet dans la société.

Il n'est pas possible de transiger avec ces exigences : on est "On", pas à moitié, à plein. Ou alors on est "Off", c'est à dire qu'on présente l'emballage du responsable sans le contenu.

Le responsable "Off" est une marionnette du pouvoir, il ressent l'inverse des trois clés précédentes :

- le responsable "Off"  a été  désigné par un précédent responsable "Off", qui se moquait bien du résultat, ou n'a pas été désigné du tout, cas plus fréquent qu'on ne croit. Son objectif est de faire produire ses collaborateurs de façon à conserver sa responsabilité le plus longtemps possible, au moins tant qu'une autre responsabilité ne lui procure pas davantage de plaisir;

- il n'est responsable, cochez les cases appropriées, que... de ce qu'il a fait, pas fait, de ce dont il avait été prévenu, de son champ d'action, de ce qui ne lui échappe pas, et encore, après épuisement des responsabilités des différents fusibles en place. Bref, il n'est responsable que de ce qu'il veut bien, et couvre la gênante complexité de son organisation d'un voile d'idées simples qui le rassurent;

- enfin, il vit tout cela en préservant avec habileté ses intérêts, et quelle que soit l'issue des projets dont il évacue la responsabilité, tout ira bien pour lui.

Inutile de le préciser car vous avez déjà identifié de nombreux exemples autour de vous, le responsable "Off" vous fait de grands discours sur "la" responsabilité (de qui?). Pas question pour lui d'avouer qu'il est "Off", cette dissimulation fait partie du système mis en place. Le mode de sélection et de désignation des patrons favorise parfois le responsable "Off", car c'est bien le seul qui sort indemne des situations les plus tordues. Pile, il gagne, face, il triomphe.

Etre "Off", c'est éviter l'échec, le risque de s'avouer vaincu, la vieillesse, la mort au bout du compte. En tous cas c'est tenter de les éviter... seul le responsable "On" grandit en homme ou femme de plus en plus libre et résolu face aux difficultés que son compère "Off" esquive sans se rendre compte de l'avenir qu'il se prépare.

"On" ou "Off", telle est la question. Pas si simple, regardez-vous sans complaisance, vous serez surpris. Sur 10 patrons, entre un tiers et la moitié sont "On". Au sein du CAC 40, c'est moitié-moitié, la proportion de "On" remontant depuis quelques années.

Les autres, eh bien oui, ils sont "Off", la plupart sincèrement, en toute naïveté, sans le cynisme mordant des quelques "Off" qui l'avouent. Il n'a jamais été aisé d'être responsable, et c'est bien notre responsabilité collective que de l'avoir oublié un peu vite.

Ah si, il y a quand même de quoi se réjouir... on observe régulièrement des passages de "Off" à "On", qui ne passent pas inaperçus d'ailleurs... et jamais dans l'autre sens.

Il y a donc de quoi espérer, il suffit de travailler, comme dans la fable c'est le fond qui manque le moins!


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