Non, je n'ai pas éternué, malgré la météo maussade. Non, ce titre n'a rien à voir avec la marque de crabe en boîte. Ce nom, c'est un bout du monde, une péninsule qui inspirerait probablement Kenneth White, ce grand poète "rôdeur des confins". C'est à ce bout du monde que j'ai pensé ce matin en voyant tomber les premiers flocons de neige détrempés, sur fond d'ardoise. Le gris sur fond gris foncé, probablement, à l'image de la couverture du dernier livre de Vincent Munier, jeune photographe naturaliste de 32 ans, éminement talentueux. On lui doit notamment Tancho (éditions Castor et Pollux, 2004), un ouvrage surdimmensionné sur la grue du Japon. Tan-cho : si l'on s'en tenait à la phonétique du nom japonais de ce volatile, on serait bien loin de l'univers de Vincent, vosgien, qui semble ne pouvoir se réchauffer que dans un Frigo ! Après avoir sublimé le blanc dans Blanc nature (éd. Hermé), cet esthète de la poudreuse fait place aux gris et se joue des contrejours mieux que jamais. La silhouette d'un ours dans un brouillard impressionniste, la tête du plantigrade surgissant de l'eau, les flancs veinés de blanc d'un volcan menaçant, un arbre givré sur fond noir, les bois à peine visibles d'un troupeau de rennes en pleine tempête… Vincent Munier est le seul à savoir réaliser de tels clichés, si épurés qu'ils en paraissent presque irréels. Pour ce faire, il lui aura fallu supporter des nuits glaciales à moins 42 °C ! Chapeau bas (de fourrure !) ; il y a peu de livres, vraiment, que je compulse avec autant d'engouement.
Kamtchatka, Vincent Munier, éd. de La Martinière (39 €).
Photo : © Vincent Munier