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Murakami Riû - The Ecstasy Of Darkness.

Publié le 28 août 2008 par Lephage

Murakami Riû - The Ecstasy Of Darkness.

Comment commenter un tel livre, comment disséquer les effets de sa lecture pour le moins toxique, comment parler d'une telle noirceur ? Difficile en vérité, et le peu de pages consacrées à l'auteur sur Internet, - quand le moindre quidam ayant commis quelque ridicule texte mal écrit voit son œuvrette disséquée, analysée, encensée et débattue -  est à cet égard particulièrement révélateur de la gêne du public. Car il est vrai qu'on peine à trouver le moindre sens à de tels ouvrages, dont la violente frontalité rechigne à la rationalisation. La violence y est la violence, l'autodestruction et la soumission désirée n'y sont pas des métaphores du monde, de la psychée de l'auteur ou de n'importe quoi d'autre. Elles ne sont qu'elles-mêmes et cette simple monstration que rien n'éclaire ni n'explique est en vérité le plus dérangeant.

Ecstasy, premier tome d'une trilogie, décrit les relations complexes d'un trio sadomasochiste qui mêle drogue, sexe, soumission, humiliation, et asservissements de braves filles recrutées pour être détruites, qu'ils s'amusent à amener au désir d'être humiliées. Les scènes décrites avec un réalisme sec et sans concession sont d'une fascinante violence qui laisse un goût plus qu'amer au lecteur. C'est d'ailleurs la puissance du livre que de manipuler les nerfs du lecteur tout comme Keiko domine et manipule le narrateur.

Il ne faudrait pourtant pas prendre Murakami pour quelque écrivain trash avide de provocation gratuite, équivalent nippon d'une grotesque Virginie Despentes. Ryû Murakami n'est pas un apôtre de l'exploration sexuelle et de la libération par les drogues et l'excès. Murakami est un homme radicalement pessimiste qui voit la décadence de son pays et de ses mœurs, et lui offre en retour l'image morbide qu'il devine sous la surface policée de la société japonaise. La vente des corps et l'érotisme morbide cherchent à montrer ce qu'est devenu ce pays : un espace de consommation effrénée, où les jeunes se vendent eux-mêmes, où l'individu n'existe pas, où les seules aspirations sont économiques et technologiques. Aspirations déjà réalisées et qui laissent derrière elles un peuple sans avenir, puisqu'il n'a pas sut renouveler sa morale et ses valeurs (1).

Face à ce livre abominable, atroce, dérangeant, les productions françaises les plus provocantes semblent de fades bluettes pour adolescentes romantiques. Le parti pris radical de Murakami lui permet de décrire dans les moindre détails l'humiliation volontaire et répugnante des personnages. Murakami sonde, expose et dévellope la lèpre des sentiments, de l'amour et de l'érotisme. Il dévellope et fait durer des séances de torture, de déchéance et d'asservissement qui sont plus difficiles à endurer pour le lecteur que pour les victimes. Mais ce n'est là que la rançon que mérite un monde hypermoderne, chutant dans tout les travers de la surconsommation, de la technophilie idolâtre et de l'absence de valeurs. Notre monde.

(1) Cf : l'entretien de Murakami que l'on peut lire ici.



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