"L'architecture au temps du baroque : 1600-1750"

La Renaissance a inventé un nouveau langage architectural, faisant appel à une rhétorique basée sur des «jeux savants et élitistes» et débouchant souvent sur un "maniérisme" éloigné du "vulgaire", impliquant une familiarité avec un ensemble de références savantes et de subtilités intellectuelles.Par contraste, et pas nécessairement par opposition, la période dite "baroque" privilégie plus directement le "sensible" en s'adressant à l'affect et en cherchant la séduction, l'émotion, l'"immédiatement visible". Elle fait appel, quant à elle, à une rhétorique spectaculaire propre à magnifier non seulement la force retrouvée de l'Église catholique revivifiée par la Contre-Réforme, mais aussi la nouvelle puissance séculière des États européens. L'abondance, voire la redondance ornementale exprime, sans le détour des concepts et des figures de sens, la beauté des figures de forme. L'art architectural se doit d'être immédiatement perçu pour être immédiatement apprécié.L'après-Renaissance correspond à un développement sans précédent des villes. Sans pour autant renoncer à son expression théorique par voie de livres et de traités ou manuels multiples, l'architecture des XVIIe et XVIIIe siècles est guidée par l'efficacité ainsi que par le souci de commodité et de sécurité. Un nouvel urbanisme se met en place.Le baroque trouve son expression privilégiée dans le Seicento italien. Il s'applique par excellence à Rome (le "grand atelier du baroque") et à sa "descendance" en Europe du Sud et dans les pays catholiques. Mais que ce soit en France, en Espagne, au Portugal, dans les colonies sud-américaines, dans le monde germanique et en Europe de l'Est, le baroque trouve d'autres voies, d'autres moyens d'expression, d'autres fonctions sans doute. En France, par exemple, l'esthétique architecturale est encadrée par l'autorité royale et souvent vouée à la glorification du souverain. Chaque pays ou région adapte ainsi la nouvelle rhétorique architecturale en des formes variées : l'Europe entière, de Rome à Saint-Pétersbourg, ainsi que l'Amérique latine se couvrent d'églises somptueuses et de palais prestigieux, mais toujours en donnant des caractéristiques distinctes selon les pays aux impératifs de lisibilité et d'efficacité propres au temps du baroque.Le néoclassicisme, portant en germe les styles néo-gothique, néo-égyptien, néo-roman, néo-byzantin et autres "néo", bouleversera tout l'art de bâtir qui y perdra la cohérence stylistique qui fut la sienne aux XVIIe et première moitié du XVIIIe siècle. L'ère baroque était définitivement terminée.Le présent ouvrage, admirablement documenté et illustré, s'impose comme une bible de cette époque révolue, mais essentielle dans l'histoire de notre architecture."L'architecture au temps du baroque : 1600-1750", par Frédérique Lemerle et Yves Pauwels, éditions Flammarion, 2008, 248 pages