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Les aventures du Prince Lexomil : XXXIV

Publié le 01 novembre 2008 par Porky

Départ triomphal de Déprime-Sur-Boulot

« Voulez-vous que j’aille répondre à votre place, votre Altesse ? », proposa Atarax, pris de pitié devant l’indécision de son maître. « Oh oui, mon Royal Espion ! roucoula Séropram, tout à coup écoeurante de guimauve. Allez faire votre travail, répétez à Leurs Majesté tout ce que vous avez vu et entendu céans. » Mais Lexomil, sous le regard perplexe de Citalopram-Biogaran, avait repris de l’assurance. Il bomba le torse. « Laissez, Atarax, j’y vais, dit-il pompeusement. Je connais ma mère : la seule façon de la faire taire, c’est de l’assommer. Ce que je vais faire de ce pas –métaphoriquement parlant, bien sûr. »

En fait, notre prince héritier n’en menait pas large. Mais il fallait bien sauver les apparences, surtout devant Biogaran et sa future belle-famille. Il quitta la pièce, et avant de s’emparer du combiné, fit une courte prière qu’il acheva par un signe de croix mental.

« Allo, mère ?... » commença-t-il et ce fut tout ce qu’il put dire. Xanaxa, au mieux de sa forme, déversa dans ses oreilles un torrent de paroles qui étourdit son interlocuteur au point de lui flanquer des vertiges et il dut s’asseoir un instant, le temps de laisser le décor reprendre sa place habituelle. Puis il toussota ; en vain. Il toussa ; en vain. Il se racla la gorge d’une façon fort disgracieuse, et même, pourrait-on dire, d’un vulgaire achevé ; en vain. Xanaxa se soûlait de ses propres paroles et comme elle n’écoutait pas ce qu’elle racontait, son discours tournait un peu en rond.

« MERE, JE VOUS ORDONNE DE VOUS TAIRE ET DE ME LAISSER PARLER ! » hurla tout à coup Lexomil en majuscules, en gras et en rouge. Il y eut un silence au bout du fil. Puis la voix de Xanaxa retentit, inquiète. « Lexomil, vous sentez-vous bien ? dit sa Royale Majesté. C’est la première fois que vous criez ainsi. J’en suis esbaudie, et le Roi votre père aussi. » « Tout va bien, Madame ma Mère, dit Lexomil. Je veux simplement vous faire part d’un fait : j’ai rencontré une jeune fille de très bonne famille, j’en suis amoureux, je vais l’épouser que ça vous plaise ou non et elle est Princesse de Coup-Dur. » « Vous délirez, fils, répliqua Xanaxa. Il n’existe aucune Princesse de Coup-Dur, à part dans vos rêves et dans les contes de fée de votre enfance. Et encore, je me demande si elle était Princesse ou… » « Mère, je vous supplie de m’écouter, coupa Lexomil en enflant de nouveau la voix. Elle existe bel et bien dans la mesure où je l’ai anoblie et adoubée moi-même, comme le Code Royal m’y autorise. » « Lexomil, dites-moi la vérité, fit soudain la voix soupçonneuse et inquiète de Xanaxa. Ce n’est pas au moins une guenon que vous avez ramassée sur une décharge publique ? » L’allusion à la décharge publique fit quelque peu tiquer le Prince qui ne tenait pas tellement à se souvenir qu’on l’avait naguère confondu avec des ordures. « Il s’agit de la fille de la Bourgmestresse Dame Athymil, rétorqua-t-il. Elle est très belle, très bien éduquée, et elle s’appelle Citalopram-Biogaran. » Il y eut un silence –fort étonnant- puis Xanaxa se lança dans un autre discours, duquel il ressortait qu’elle était heureuse, heureuse, heureuse de voir enfin son fils se comporter comme un homme, comme un futur roi, et que Valium et elle-même attendaient avec impatience de rencontrer leur future belle-fille.

« J’allais évoquer ce problème, dit Lexomil. Je n’ai plus un seul anti-dépresseur et l’avion coûte cher. Pouvez-vous m’envoyer de quoi payer notre billet de retour ? » « Sans problème, sans problème, dit Xanaxa. Les billets de TPV sont très peu chers. Vous ne comptez quand même pas revenir en avion, Lexomil ? Je vous signale que les anti-dépresseurs seront prélevés sur le trésor royal, que le montant du trésor royal résulte des impôts payés par les citoyens, et qu’il n’est pas question que vous gaspilliez l’argent du peuple dans des moyens de transport coûteux, alors qu’il en existe de très bon marché –un peu lents, je vous l’accorde. » « Mais en TPV, je vais mettre trois jours pour regagner Coup-Dur, plaida Lexomil. Et encore ! Si la motrice ne claque pas en route. » « Vous aurez ainsi tout le temps de songer à votre futur bonheur, mon enfant, affirma Xanaxa, très Reine Mère. Et cela laissera aussi le temps à votre bien-aimée de se préparer pour sa présentation officielle. Elle, elle a les moyens de se payer l’avion. Pas nous. » « Mais le Tortillard à Petite Vitesse se pose à la première gare venue, continua de plaider Lexomil. Ca va être l’enfer. Au moins, je veux un compartiment pour moi tout seul. Et dans un wagon-lit. » « Ne rêvez pas, mon fils. Il n’y a pas de wagon-lit dans un TPV. Et c’est fait exprès. A force de dormir, les voyageurs rateraient leur arrêt. Et puis, vous verrez du paysage, Atarax et vous. Cela finira votre voyage d’initiation. » « Tu parles ! » grommela Lexomil et Xanaxa lui fit sèchement remarquer que la vulgarité n’était point de mise chez un fils de roi, fiancé de surcroît à une Princesse de Coup-Dur.

Dame Athymil approuva pleinement la décision de la Reine. On réserva des places dans le premier TPV en partance pour Coup-Dur dès que les anti-dépresseurs royaux furent tombés dans la bourse dégarnie du royal héritier. Damoiselle Citalopram-Biogaran écuma les boutiques de Déprime pour se constituer une garde-robe convenable, accompagnée de ses deux sœurs qui firent tourner en bourrique toutes les vendeuses de magasins de vêtements. Tout ça pour finir chez le plus grand couturier de la ville et exténuer les mannequins chargés de présenter les robes en les faisant aller et venir pendant toute une journée parce qu’on était dans l’incapacité de se décider.

Le moment du départ arriva. Damoiselle Citalopram-Biogaran accompagna son Prince Héritier à la gare. Le TPV piaffait très mollement d’impatience. « A très bientôt mon bien-aimé, dit la Damoiselle en embrassant Lexomil. Vous avez de la nourriture pour trois jours, je pense que c’est suffisant. » Et elle embrassa de nouveau le jeune homme. Ils firent tant et si bien que Lexomil faillir rater le départ, ce qui aurait été un comble vu que le conducteur du TPV mettait en général dix bonnes minutes à « lancer » la machine. Atarax, déjà installé dans le compartiment, se reposait béatement sur la banquette. Malgré les ordres formels de Xanaxa, il avait « oublié » de se procurer un nouveau portable et le TPV ne comportant aucune cabine téléphonique, il s’estimait tranquille pendant trois jours.

Il n’avait négligé qu’une seule chose : les contrôleurs du TPV avaient des portables, sa Majesté Xanaxa était une femme têtue qu’aucun obstacle ne rebutait. Le train n’avait pas encore quitté la gare que le téléphone d’un des contrôleurs sonna et qu’Atarax fut sommé de prendre la communication, mort ou vif.

(A suivre)


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