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Ah oui, la motion E

Publié le 03 novembre 2008 par Edgar @edgarpoe
Joli lapsus hier, je savais que j'oubliais une motion. Illumination ce matin, c'est la motion Ségo (Ségo/Peillon devrait-on dire).

A bien des égards, c'est la pire. Comment ne pas frémir en lisant cette théorisation du renoncement social :

"Nous avons vu la fermeture de nos entreprises victimes d’un modèle industriel vieilli ou de la concurrence des pays émergents. Nous avons vu l’État perdre sa capacité à réguler une économie qui s’internationalisait. Nous avons vu notre système d’État Providence se gripper peu à peu et laisser un nombre croissant de personnes sur le bord du chemin. Nos villes, nos départements et nos régions en ont longtemps porté les cicatrices !
 

Mais nous savons aussi que si l’on peut regretter cette époque, on n’y reviendra pas. Il nous faut donc redéfinir ce que peut être aujourd’hui une politique de gauche dans une économie mondialisée et dans un monde dont les ressources sont finies et où notre responsabilité vis-à-vis des générations futures n’a jamais été aussi forte."


A l'heure justement où l'économie mondialisée en question montre ses limites et où tout le monde attend un nouveau Bretton Woods, ces quelques lignes paraissent vieilles d'un siècle...

Continuons l'inventaire des idées défendues dans la motion E.

Des mesures qui procèdent du cliché qui devrait devenir éculé, selon lequel tout ce qui est européen est mieux : Confier le contrôle des institutions financières européennes à la Banque centrale européenne. Comme si la Fed américaine avait su éviter la crise des subprimes...

Des voeux pieux : Lutter contre les paradis fiscaux et le blanchiment d’argent sale par une politique plus répressive... Zurich tremble déjà. Notons au passage que la France ne négocie pas à l'OMC, elle a confié cela à l'Union européenne, et qu'avec des propositions du type de la précédente, c'est sans doute la BCE qui serait présente dans les organisations susceptibles de lutter contre les paradis fiscaux...

Du navrant confinant au consternant : l'alpha et l'omega de la relance serait la création d'une nouvelle BDPME (banque pour les PME). Au passage, puisque les PME sont le coeur de la politique éco de la motion E, on notera avec intérêt que la proposition Instaurer enfin un Small Business Act permettant aux PME d’accéder à la commande publique ne mentionne pas que seule l'Union européenn peut adopter cette mesure qui permet de résrver une partie de la commande publique aux PME, et que jusqu'ici l'Union s'y refuse.

Du puritanisme réactionnaire, avec cet appel à la responsabilité individuelle pour la santé : "Mettre la prévention au cœur de notre politique en faisant de chacun le meilleur garant de sa santé. Nous pensons que l’entretien et la vigilance sont les déterminants majeurs de la bonne santé. Il faut donner à chacun les moyens de prendre soin de son capital santé, ce qui doit s’apprendre dès l’école." Quand bien même l'idée serait-elle acceptable, le vocabulaire est infâme.

De l'hilarant : l’État doit favoriser l'investissement dans le numérique mais aussi l'accès au Web des plus défavorisés et des personnes âgées, et faire en sorte que nos internautes les plus talentueux restent en France. C'est la première fois que je vois mentionné ce départ en masse des internautes. J'espère qu'il ne s'agit pas de Loïc le Meur...

Du bluff tendance foutage de gueule : tout un chapitre sur la politique de l'immigration à mener demain alors que ce domaine est en voie de communautarisation totale...

Du scandaleux, avec le retour de l'école des parents pour les parents d'enfants délinquants : Pour répondre à la demande d'un ordre juste, nous proposons de : Créer des partenariats entre tous les adultes, parents, professeurs, responsables d’association, policiers ; mettre les parents devant leurs responsabilités (école des parents).

De la couardise : L’intégration dans le commandement militaire intégré de l’OTAN pose la question de l’indépendance de l’Europe. Faut-il comprendre que cette intégration ne doit pas être remise en cause ?

*

Soyons justes, il y a quelques mesures intéressantes, comme celle-ci : Réformer la composition des conseils d’administration des entreprises avec une représentation des salariés à hauteur de 30 % (je ne suis pas sûr cependant qu'elle passe la barre à Bruxelles, et 30% ce n'est même pas 33%, qui est la minorité de blocage au sein d'un Conseil d'administration. Mesquinerie bien peu courageuse)...

Même travers petit bras : Se fixer comme objectif la création d’un service public de la petite enfance. Pourquoi pas "Créer un service public..." Sans doute par peur des foudres communautaires. Marre de devoir attendre le respect du pacte de stabilité pour que les services publics redeviennent un thème d'actualité.

Même flou regrettable : Nous proposons de : Interdire à tout groupe privé vivant notamment [?] de la commande publique de détenir plus de 25 % dans les grands médias [?].

Avec les systèmes de retraite par compte individuel, on sent la patte de Piketty. Il est dommage qu'il accepte un système dans lequel ni la politique monétaire ni la politique budgétaire ne peuvent être discutées, puisque décidées à Bruxelles et Francfort...

Sonne un peu démago mais censé : Taxer les profits de Total pour créer et financer le fonds « après pétrole ».

J'aime bien : Mettre en place un service national civique obligatoire pour tous les jeunes entre 18 et 25 ans, au service des initiatives collectives dont le pays a besoin.

*

Pour finir, sur l'Europe. Je ne trouve plus acceptable que le renforcement de la défense européenne soit considéré comme positif et prioritaire, indépendamment du fait de savoir si une directive services permettra aux états de conserver les services publics qu'ils souhaitent.

Il est temps que l'Union européen soit considérée comme un projet au service de ses participants, non comme un devoir moral. Il n'est pas question de donner une compétence supplémentaire à l'Union tant que l'essentiel (les services publics notamment, la démocratie aussi) est en cause.

C'est tout et ce devrait être un point de départ non négociable pour tout parti qui s'affirmerait comme de gauche. J'aime beaucoup le point du M'Pep (mouvement politique d'éducation populaire, porte parole : Jacques Nikonoff) : bouger l'Europe ou sortir de l'Union européenne. Tout est dit.

*

Bon, je ne sais pas si c'est parce que je l'ai lue en denier ou si elle le mérite, à défaut de m'avoir convaincu (notamment trop de traces du libéral-autoritarisme de Ségolène), cette motion est sans doute la plus stimulante des motions PS, pour ce qui est des projets. Il lui reste à intégrer l'Europe comme un problème, non comme une solution, pour être pleinement crédible. Et on relève trop d'emprunts à la droite, qu'il conviendrait de lui laisser (la seule mention d'une école des parents d'enfants délinquants devrait suffire à faire fuir).

Si je devais voter je voterais sans doute Hamon, en espérant que la motion E serve de base de départ pour son prochain programme...


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