L'Union européenne serait libérale...
Il y a trois ans, le 29 mai 2005, les Français ont eu raison de rejeter le projet de Constitution
européenne. Mais ils l'ont fait pour de mauvaises raisons. Ils croyaient que ce projet, tout comme l'UE, était d'inspiration libérale, alors qu'au contraire il était, à l'image de
l'UE, d'inspiration dirigiste et dictatoriale.
Fort heureusement la Constitution européenne n'a pas été adoptée, grâce aux Français, et aux Néerlandais, et le Traité de Lisbonne, destiné à la remplacer - et du même tonneau
- est bien mal en point, en dépit des gesticulations du président français, Nicolas Sarkozy, dont le portrait pourrait être dressé en super interventionniste. Le peuple irlandais, le 13
juin de cette année (voir mon article Le non irlandais aux eurocrates est un oui aux libertés ), a rendu un fier service à
l'ensemble des pays membres en refusant de l'avaliser, cette fois pour de bonnes raisons.
Les Suisses, de leur côté, peuvent se féliciter de ne pas avoir adhéré à cette Union européenne et d'avoir choisi sagement la voie bilatérale. S'ils avaient encore des doutes sur le
bien-fondé de leur choix, en dépit des faits qui sont pourtant têtus (voir mon article La voie royale des bilatérales entre l'UE et
la Suisse ), le livre écrit par Guy Millière et François Guillaumat sur le cas Microsoft devrait les rassurer définitivement : ils ont fait le bon choix en 1992
en ne s'embarquant pas dans cette galère...
En effet à l'heure où l'interventionnisme a de nouveau le vent en poupe en Europe et aux Etats-Unis (voir mes articles Le marché
du crédit hypothécaire perverti par l'interventionnisme et Avec l'élection d'Obama une grande dépression économique est en
vue ), il est impératif de constater les dégâts déjà commis par la version européenne de l'interventionnisme, qui s'est paré des habits du marché pour mieux tromper son monde.
Dans Chassse aux sorcières contre Microsoft, livre paru aux éditions Cheminements ( ici ), les Européens, et les Suisses, apprendront comment la Commission européenne, qui assume la direction bureaucratique
de l'UE, s'est moquée de l'économie, des droits de propriété et du droit tout court dans le cas Microsoft, devenu "l'affaire Microsoft", affaire emblématique.
Le livre, écrit par Guy Millière, président de l'Institut Turgot ( ici )(1), et par François Guillaumat, directeur éditorial du même Institut
Turgot, rappelle d'abord les faits, qui remontent à il y a tout juste dix ans. A l'époque Microsoft a fait l'objet d'une plainte auprès de la Commission européenne, de la part d'un
concurrent, pour "abus de position dominante". Plainte suivie trois ans plus tard d'une autre plainte d'un autre concurrent, cette fois pour "vente liée".
La raison économique invoquée par la Direction de la concurrence de la Commission européenne pour infliger des amendes, puis pour obliger Microsoft à révéler ses secrets de fabrication à ses
concurrents, est que Microsoft s'est écarté des normes de la concurrence, sous-entendue "pure et parfaite". Laquelle ne serait atteinte idéalement que lorsque les intervenants sur le
marché sont en grand nombre et vendent le même produit. En voulant réparer de prétendus dysfonctionnements elle a favorisé des concurrents aux dépens d'un autre.
Cette conception de la concurrence, qui est apparue avec la pensée néo-classique, et qui est celle des instances européennes, et des eurocrates, conduit à l'interventionnisme, pour se
rapprocher le plus possible des conditions idéales répondant à cette concurrence improbable et abstraite. Le problème est que dans ces conditions le marché perd les vertus qui lui
viennent de la concurrence réelle, laquelle n'est ni pure ni parfaite, mais conduit à la prospérité, en jouant "son rôle de découverte et d'innovation".
La position dominante de Microsoft sur un secteur de marché "qu'elle a contribué à créer" n'est pas abusive en ce sens que Microsoft "dispose de ses propres inventions et
innovations et les commercialise" et qu'"elle n'empêche aucun entrepreneur de disposer de ses propres inventions et innovations, et de les commercialiser". Microsoft "n'a jamais
empêché aucune autre entreprise de créer d'autres secteurs de marché ou de lui faire concurrence sur le secteur de marché où elle est installée".
Pour ce qui est de "la vente liée" - on reprochait à Microsoft de vendre Windows Mediaplayer avec Windows 2000, et pour le même prix - les auteurs ont beau jeu de citer le cas du secteur
automobile : "Un fabricant de voitures peut ajouter l'air conditionné ou intégrer un système GPS à ses véhicules sans se voir accusé de "vente liée"".
En réalité, contrairement à cette conception poussiéreuse, et surréaliste, de la concurrence, "une entreprise dominante qui quête l'excellence, innove sans cesse, offre
d'excellents rapports qualité-prix, un service toujours meilleur et des fonctionnalités toujours plus riches et plus diverses : elle ne se contente pas, pour maintenir sa domination dans un
contexte concurrentiel, de servir toujours mieux le consommateur, elle incite ses concurrentes éventuelles à se faire plus radicalement innovantes et créatrices".
Non seulement la Commission européenne a tout faux sur le plan économique, mais elle méprise les droits de propriété qui sont pourtant le fondement de l'économie de marché - dont elle
se réclame à tort - et qui permettent de créer la prospérité : "En ayant menacé de confisquer une part importante des profits de l'entreprise si ses propriétaires et gestionnaires ne lui
laissaient pas, pour partie se substituer à eux pour prendre certaines décisions, la Commission a menacé, en fait, de confisquer une part de la propriété de l'entreprise si elle ne se
laissait pas spolier de ses droits de propriété".
Plus grave encore, dans "l'affaire Microsoft", la Commission européenne - le livre le montre abondamment - n'a pas respecté les droits de la défense, elle n'a pas respecté la
présomption d'innocence, elle a modifié les règles au fur et à mesure de l'avancement du dossier, elle n'a pas condamné des actes, mais des conséquences hypothétiques, elle s'est faite
procureur et juge. En résumé "elle a violé ainsi les principes fondamentaux du droit".
Les auteurs ont raison de dire que "derrière le traitement subi par Microsoft, c'est le droit de tous les entrepreneurs, de tous les créateurs, de tous les hommes épris de droit et de
liberté qui se trouve menacé". C'est pourquoi il faut lire Chasse aux sorcières contre Microsoft. Ce livre explique le malentendu sur lequel a reposé le vote des Français il y a trois
ans : ce n'est pas de liberté économique dont ils souffrent, mais d'interventionnite aiguë, dont témoigne, par exemple, l'existence de dizaines de milliers de pages de directives
européennes.
Francis Richard
(1) Guy Millière laisse sa place de président de l'Institut Turgot à Henri Lepage ( ici ).