J'ai épargné mes lecteurs avec la campagne US, les paris sur qui va gagner, émanant de passionnés de West Wing, ne m'emballant pas.
Mais il faut bien dire qu'un billet sur autre chose serait décalé aujourd'hui. Je vais donc braver les politologues les plus pointus et pronostiquer qu'Obama aura gagné pendant la nuit (j'écris le
mardi soir, 22h).
Et je n'hésite pas à me réjouir de cette victoire, au risque de déchanter par la suite et de contrarier d'autres auteures respectables qui estiment que rien ne va changer.
Obama peut faire plusieurs choses pour les USA et pour le reste du monde :
- donner le signal d'un rééquilibrage des revenus du capital et du travail,
- se retirer de l'Irak et élaborer un plan de retrait en Afghanistan,
- remettre les services publics au goût du jour en instaurant une assurance médicale universelle et en renforçant la retraite par répartition (qui existe aux Etats-Unis, mais n'est qu'une première
couche d'un système reposant sur la capitalisation, comme l'Europe souhaiterait que nous l'adoptions). (il peut le faire, il n'a pas de pacte de stabilité qui lui interdisent un peu de
relance...)
Ces trois orientations, à elles seules, justifieraient son mandat.
Il y a certes bien un système américain, qui perdure par delà les présidents, le Pentagone ne s'évanouira pas comme par enchantement et les grandes entreprises ont massivement soutenu Obama. Je
n'oublie pas que Paul Krugman a soutenu Hillary Clinton jusqu'au bout, trouvant Obama trop tendre avec les intérêts des
assureurs dans le système de santé.
Je n'oublie pas que les démocrates sont souvent plus guerriers que les républicains, par idéalisme, et il est difficile de dire si les récentes incursions américaines en Syrie et au Pakistan cesseront dès aujourd'hui ou si le cynisme dans les détails prévaudra.
Il reste que des inflexions minimes, sur des paquebots énormes, suffisent à changer considérablement leur direction.
Bref, rien n'est assuré avec Obama, mais McCain n'a pas montré que nous pourrions avoir à le regretter.
Et Obama est certainement cent coudées, en termes de complexité, au dessus de son prédécesseur. Au risque de paraître sentimental, cette photo d'Obama entre ses deux grands parents résume assez
bien la nouveauté de cette élection. En soi, l'élection d'un noir à la Maison Blanche est réjouissante mais pas si extraordinaire (je ne suis pas fan des "serions-nous capables d'en
faire autant ?" Nous avons bien élu le fils d'un hongrois, immigré de la première génération). Mais j'ai l'impression que le jeune étudiant à Columbia ci-dessous est capable, plus qu'un autre,
de rejeter des visions du monde par trop manichéennes. Rien que ça, ça ne peut pas faire de mal...