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Obama président : l’espoir d’une nouvelle Amérique

Publié le 06 novembre 2008 par Lbouvet

img_0046_21La victoire annoncée a eu lieu. Pour la première fois de son histoire, l’Amérique s’est donnée un président noir. C’est un chapitre de l’histoire des Etats-Unis qui se clôt aujourd’hui. Le symbole est puissant, le monde entier, qui a symboliquement voté Barack Obama, l’a bien compris. Mais après la célébration légitime de ce jour historique, va commencer, très vite, la « présidence Obama ». Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle aura lieu dans des circonstances particulièrement difficiles alors qu’elle devra répondre favorablement à la formidable vague d’espoir et d’enthousiasme qu’elle a soulevée.
Au-delà du symbole et de la portée historique du moment, on peut attendre des changements substantiels de cette nouvelle présidence. D’abord sur le plan international, sujet à partir duquel Obama a décidé d’entrer en campagne, comme opposant du premier jour à la guerre d’Irak. Le transfert des moyens et de l’attention de l’Irak à l’Afghanistan sera l’une des priorités du nouveau président. La guerre contre le terrorisme se poursuivra mais de manière plus ciblée, plus efficace et surtout mieux coordonnée avec les alliés des Etats-Unis. Bref, ce sera une présidence plus multilatérale bien que toujours attentive aux dangers du monde dans lequel elle va se dérouler. L’enjeu sera aussi de réduire les risques venus d’Iran et du Pakistan. La personnalité d’Obama, dont il a été souvent rappelé dans la campagne que le deuxième prénom est Hussein, lui facilitera incontestablement la tâche surtout s’il doit taper du poing sur la table, car nul ne pourra alors le soupçonner de racisme ou d’être un partisan du « choc des civilisations ». On peut également lui faire confiance pour mettre fin aux exactions, à la torture et aux dénis de droits des prisonniers de guerre qui ont tant terni l’image des Etats-Unis ces dernières années.

Les changements seront importants aussi du point de vue économique. La menace de la récession et les conséquences de la crise financière conduisent à penser autrement la régulation de l’économie par la puissance publique. A revenir non pas à l’interventionnisme keynésien mais au souci d’autres équilibres que celui des seuls marchés (financiers notamment). La nouvelle équipe, très solide économiquement, elle l’a montré au mois de septembre pendant la crise financière, sera mieux à même de gérer ce changement de cap que celle qui a conduit l’économie américaine dans le mur pendant les années Bush. La sensibilité sociale d’Obama et la pression d’un Congrès largement démocrate conduiront, à n’en pas douter, à porter une attention nouvelle aux grands programmes de protection sociale (Social Security, Medicaid, Medicare, Welfare…) qui ont été délaissés ces dernières années pour cause de baisse d’impôts et de « révolution conservatrice ». Obama n’augmentera pas pour autant les impôts de tous les Américains mais seulement, a-t-il promis, des plus riches (au-dessus de 200 000 dollars par an de revenus).

Enfin, la présidence Obama sera moins « divisive ». Il sera, ainsi qu’il l’a promis, le président de tous les Américains et n’opposera plus les uns contre les autres. Il sera notamment attentif à ce que la question des valeurs (famille, religion, mariage gay, avortement, euthanasie…) ne soit plus utilisée comme argument politique pour diaboliser les uns et faire avancer le seul intérêt électoral des autres. S’il doit nommer un ou plusieurs juges à la Cour Suprême, par exemple, il fera attention de maintenir le fragile équilibre qui y règne alors que les deux juges nommés par Bush sont des idéologues conservateurs purs et durs. Et, comment ne pas le rappeler une fois encore, il sera à la fois le meilleur rempart contre le racisme et contre l’accusation récurrente, de la part de nombre de Noirs américains, d’un complot du gouvernement pour les maintenir dans une position d’infériorité sociale. La discrimination positive pourrait à cette occasion retrouver une vigueur nouvelle et apparaître comme plus légitime car utilisée plus équitablement que par le passé.

Mais que l’on ne s’y trompe pas, Barack Obama sera avant tout le « Président des Etats-Unis ». Il sera le garant et le promoteur des intérêts de son pays. Et, à ce titre, il pourrait bien décevoir les espoirs placés en lui par beaucoup de ses supporteurs à travers le monde. Il aura une position dure et en continuité avec ce qui s’est fait jusqu’ici dans la guerre contre le terrorisme, notamment en Afghanistan. Il négociera âprement sur les questions commerciales ou sur les questions d’environnement. Il traitera ses alliés et ses adversaires selon les intérêts de la puissance américaine et non en vertu de valeurs universelles.

Le risque de décevoir viendra aussi de la marge de manœuvre budgétaire très limitée dont il disposera. Le déficit du budget américain pourrait en effet atteindre cette année 1000 milliards de dollars. Il sera très difficile à Obama de trouver les moyens de sa politique sociale ambitieuse qu’il s’agisse de sauver les retraites ou d’étendre l’assurance-maladie aux 40 millions d’Américains qui n’en bénéficient pas. Le coût conjugué des interventions militaries dans le monde, du plan Paulson de sauvetage des banques et des baisses massives d’impôt ces dernières années rend particulièrement difficile tout investissement nouveau. Ou alors au risque de l’accroissement de la dépendance financière des Etats-Unis vis-à-vis de la Chine ou des pays du Golfe persique. L’enjeu de sa présidence sera de ce point de vue de diminuer cette dépendance (du pétrole, des capitaux et des produits chinois…) pour replacer la mondialisation sur de meilleures bases (notamment quant à l’intégration des pays émergents) et corriger les déséquilibres (financiers, commerciaux…) qui l’ont mise à mal.

Les limites de son action, le président Obama les trouvera enfin dans son propre camp. En effet, le Congrès (Sénat et Chambre des Représentants) qui accompagnera au moins ses deux premières années comme président sera « très » démocrate. Et l’histoire a montré que la concordance politique de la Présidence et du Congrès, surtout lorsque les Démocrates dominent largement les deux chambres, n’était pas une bonne nouvelle, budgétaire notamment, pour les Etats-Unis. Le risque peut aussi être celui d’une sorte d’étau idéologique dans lequel serait enfermé Obama, incapable de résister à la pression de ses amis démocrates. Or il n’a jamais, par le passé, montré beaucoup d’appétence pour la confrontation avec son parti et ses barons.

La présidence Obama commence dans l’euphorie d’une victoire historique. Mais elle débute aussi en des temps difficiles et incertains. Or on ne sait jamais ce que sera une présidence américaine quelles que soient les qualités du nouvel élu. Un seul exemple : en 2000, quand le falot George W. Bush a été élu dans les conditions controversées que l’on sait, les Etats-Unis étaient respectés et en paix avec le monde, et le débat crucial du moment portait sur la meilleure utilisation possible de l’énorme excédent budgétaire accumulé pendant les années Clinton.

Dernière chronique publiée sous le titre “Carnet d’Amérique” dans le quotidien Nice Matin le 6 novembre 2008.

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