L'Union européenne a donné lundi le feu vert à la première opération navale de son histoire, pour lutter contre les pirates de plus en plus actifs au large de la Somalie et dans le golfe d'Aden.
L'opération Eunavfor Atalanta a été formellement autorisée par les ministres européens de la Défense. Elle devrait débuter en décembre au large de la Corne de l'Afrique, a indiqué un porte-parole de la présidence française de l'UE.
Face à la multiplication des attaques de pirates -81 déjà cette année selon le Bureau maritime international - près des accès à la mer Rouge cruciaux pour le commerce européen, l'UE avait déjà mis en place mi-septembre une "cellule de coordination".
Deux frégates françaises et un avion de patrouille espagnol participent actuellement à ce dispositif.
La composition précise de la future Eunavfor n'est elle pas encore connue, même si l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l'Espagne ont annoncé leur participation. 5 ou 6 autres pays songeraient à y contribuer.
Le commandant de la force navale, -le vice-amiral britannique Philip Jones-, et son quartier général, -Northwood, sur la côte anglaise, ont eux été désignés dès octobre.
La Grande-Bretagne va ainsi pour la première fois assurer le commandement et abriter l'état-major d'une opération menée au nom de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD).
Depuis l'accord franco-britannique de Saint Malo qui avait donné le coup d'envoi à la PESD en 1998, Londres avait paru souvent réticente à participer pleinement aux opérations militaires européennes, pour ne pas porter atteinte à la primauté essentielle à ses yeux de l'Otan.
Un officier britannique commande bien la force européenne Althea qui a pris en 2004 le relais de l'Otan en Bosnie, mais il assume cette fonction en tant que chef des forces alliées de l'alliance en Europe.
Atalanta sera, selon des diplomates, constituée d'au moins 7 navires et bénéficiera de l'appui d'avions de patrouille.
Il reste à en nommer le commandant tactique -l'Espagne s'est portée candidate- et à en adopter le concept d'opération.
Idéalement, Atalanta devrait être en place d'ici au 2 décembre, échéance de la résolution 1816 de l'ONU sur la piraterie. Mais sa mise en place prendra peut-être quelques jours de plus, a admis un diplomate français.
Elle y prendra alors le relais des 3 navires italien, grec et britannique qui patrouillent au nom de l'Otan depuis fin octobre.
Elle pourra aussi collaborer avec une frégate russe et des unités d'autres pays, comme l'Inde.
L'une des missions des navires de guerre est d'escorter les cargos du Programme alimentaire mondial de l'ONU, qui acheminent une aide humanitaire vitale pour plus de deux millions de Somaliens.
Le ministre yéménite des Affaires étrangères, Abou Bakr Korbi, a jugé néanmoins préoccupant lundi cette concentration navale "multinationale à l'embouchure sud de la mer Rouge", y voyant "un danger pour la sécurité nationale arabe".
Cela "pourrait préluder à un plan d'internationalisation de la mer Rouge qui avait été un temps avancé par Israël et rejeté par les Arabes", a-t-il estimé.
L'envoi d'Atalanta permettra aussi une première juridique : "un cadre général" original au niveau de l'UE a été trouvé pour régler la question des personnes éventuellement appréhendées par les bateaux de la force européenne.
Un navire d'un pays de l'UE qui aura arraisonné des pirates, mais que sa législation nationale n'autoriserait pas à garder prisonniers, pourra les transférer vers le navire d'un autre pays de l'UE qui lui a le droit de les emprisonner et de les juger.
Il pourra aussi les remettre à la Somalie ou un pays voisin, pourvu que garantie soit donnée que la peine de mort ou de mauvais traitements ne seront pas appliqués aux suspects.