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Trop de commémorations nuit-il au devoir de mémoire ?

Publié le 12 novembre 2008 par Delits

Alors que la France honore ses poilus, l’historien André Kaspi met les pieds dans le plat. Ce dernier, en charge d’un rapport sur la modernisation des commémorations publiques doit proposer aujourd’hui au président de la République de réduire le nombre de commémorations nationales à trois : 11 novembre, 14 juillet et 8 mai.

Le 11 novembre, une date à part dans la mémoire collective

Sélectionner le 11 novembre semble en tout cas totalement en phase avec l’attachement des français envers cette période de l’histoire. La Première Guerre Mondiale demeure en effet un pilier fondamental de la mémoire collective. Selon un sondage publié en 2000 par le CSA, sur les évènements les plus importants du XXème siècle, les Français plaçaient la guerre de 14-18 en tête.

Un sondage publié en 2003 confirme la relation particulière des français envers cette guerre. Interrogés sur le jour férié qu’ils étaient prêts à sacrifier, les Français citaient pour 24% d’entre eux le Lundi de Pentecôte, pour 22% le 8 mai, et pour 9% seulement le 11 novembre.

Bien que lointaine, la guerre de 14-18 catalyse des lectures multiples. Et contradictoires parfois. Elle signifie pour certains l’héroïsme patriotique le plus total, pour d’autres l’absurdité dont il faut ranimer la mémoire afin de conjurer la répétition, pour d’autres encore une fierté nationale moins contestable que la Seconde Guerre Mondiale. Et, logiquement, les Français veulent continuer d’honorer ce jour. Ainsi, selon un sondage réalisé pas TNS Sofres en Août 2008, les Français sont 86% à considérer qu’il faut continuer à célébrer cet évènement, et 87% à vouloir que ce jour demeure férié.

Les Français classent

Mettre en avant 3 commémorations nationales, et conférer aux autres commémorations une dimension plus régionale, comme souhaite le promouvoir André Kaspi, c’est aussi prendre acte d’un phénomène de sélection qu’opèrent d’abord les Français. Interrogés dans le sondage CSA cité précédemment, sur les trois moments du 20ème siècle les plus importants pour la France, nos concitoyens citent massivement la Première et la Seconde Guerre Mondiale (par respectivement 37 % et 52 % des Français, si l’on additionne l’ensemble des réponses.) En revanche, l’Union Européenne n’est citée que par 9% des Français, Mai 68 par 6% d’entre eux, la guerre d’Algérie par 5%, ou la Shoah par 2% des interviewés.

N’est-ce pas le rôle de l’Etat que de n’oublier aucun moment de notre Histoire ?

La logique voudrait que l’Etat n’oublie aucun moment de notre histoire et fasse la promotion de tous les épisodes souvent tragiques et méconnus passés. Mais à cette velléité de ne rien omettre de ce passé souvent si instructif, s’oppose une réalité plus prosaïque : les Français, noyés sous l’information, oublient.
Reprenons la Première Guerre Mondiale, qui, nous l’avons vu, constitue pourtant une date à part pour les Français. Dans le sondage TNS Sofres d’août 2008, cité précédemment, moins d’un Français sur deux - 46%- peut dire précisément à quoi correspond le 11 novembre. 11% des répondants ne sont pas capables de fournir une réponse, tandis que le reste de personnes interrogées fournit une réponse fausse ou vague.

Dans cette perspective, force est de reconnaitre que la proposition d’André Kaspi ne parait pas totalement infondée :
“Les commémorations publiques ou nationales sont trop nombreuses. Elles atteignent le nombre de 12, soit deux fois plus qu’en 1999″, a expliqué le professeur Kaspi dans une interview. “Cela entraîne une désaffection et une incompréhension de la part d’une très grande majorité de la population, un affaiblissement de la mémoire ».

Sans renier aucune souffrance passé, nul moment glorieux ou plus honteux de nos ancêtres, peut-être doit on considérer que l’Histoire est aussi malheureusement un choix. Un choix qu’il faut en revanche faire ensemble.


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