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La monte amazone

Publié le 14 novembre 2008 par Pierreristic

Le XIXe siècle est un siècle puritain par excellence. C’est à ce siècle et pour cette raison que la monte en amazone fut réellement « inventée » (la selle à fourche telle qu’on la connait aujourd’hui date de cette époque.)
La monte en amazone, c’est donc juste une façon d’empêcher les femmes de monter de manière masculine.
Sous l’Ancien Régime, la question ne se posait pas vraiment, et les femmes montaient… comme les hommes.

La monte en amazone disparaît progressivement au XXe siècle après les années 30, les femmes reconquièrent alors la selle à califourchon, pratique la plus commune aujourd’hui.
Et pourtant, depuis quelques années, la monte dans les fourches renaît de ses cendres.
Passéisme ? Sexisme qui s’ignore ? Pas du tout. La monte en amazone est simplement un choix pratique, sportif, technique, et tout simplement… esthétique.
C’est aussi un goût pour le folklore et les costumes, mais il ne faut surtout pas y voir un quelconque vent de « c’était mieux avant ».

Toute petite, j’ai pu admirer ma grand-mère – excellente cavalière – monter à cheval en amazone comme à califourchon. Les deux m’impressionnaient déjà, mais la voir dans sa selle de dame, c’était mieux que tout.
Et puis j’ai oublié…
J’ai monté à cheval toute mon enfance et mon adolescence en parfaite califourchette, jusqu’à ce qu’un jour, mon bac en poche, je monte à Paris pour poursuivre mes études et que j’y découvre ce cours un peu spécial du vendredi soir : le cours des amazones.
En 2003 je m’inscris par curiosité dans cette reprise sous la houlette d’une instructrice hors pair.
Une reprise un peu spéciale, de 6 cavalières irréductibles, se réinscrivant d’année en année jusqu’à ce que la reprise soit dissoute en 2007 pour des raisons indépendantes de notre volonté.
Quatre années à monter « comme des dames » en pantalon de cheval, boots et bombe, à des années lumières de l’élégance des gravures ! Et pourtant, quatre années à progresser en dressage et même à l’obstacle sous les regards curieux et admiratifs des cavaliers des autres reprises.
Les amazones, c’était un peu les extra-terrestres du club, celles qu’on admire, mais aussi dont on se moque un peu parfois. Les greluches en jupons, mais sans jupons.dam lord La monte amazone photo cheval

Au début c’est dur, ça fait mal. Nous pensions être des cavalières confirmées, et pourtant, on découvre des muscles dont on ne soupçonnait même pas l’existence… La selle est lourde, plus complexe à placer, la plupart sont de véritables selles anciennes qui interdisent de ressangler à cheval, il faut alors descendre ou demander de l’aide.
On apprend à avoir sa jambe droite dans sa main droite, à ne pas perturber son cheval lors des actions parfois simultanées de ces aides couplées.
On constate que le galop à droite est un véritable plaisir tandis que le galop à gauche nous rappelle combien cette position est étrange.
On découvre la joie du trot assis, le calvaire du trot enlevé, qui n’a rien de confortable en amazone.

Et petit à petit, je comprends les arcanes de cette monte , j’apprends à me servir de mon épaule droite comme d’un balancier qui m’a plus d’une fois sauvé de la chute. Le temps passe et, nous qui sommes cavalières de dressage dans cette reprise, nous nous faisons même le plaisir de passer quelques obstacles. Ça décoiffe, et c’est génial.

Petit à petit, les tenues s’étoffent, les jupes apparaissent, on se prend au jeu.

Et comble de bonheur par une belle promenade dans le bois de Boulogne, avec une jument taquine, j’ai pu sortir « le grand jeu », la jupe, les jupons, le corset, et avoir ma  bombe remplacée par un bibi à voilette, pour piquer un galop sportif le long d’un allée avec une assurance que je me découvrais.
Ce jour là, j’étais une dame à cheval, comme ma grand-mère.
Et un OVNI dans le bois. Mais quel OVNI !
Monter dans les fourches m’a appris beaucoup de choses que j’ai pu réutiliser ensuite à califourchon, notamment pour améliorer ma position et mes aides.

Un peu de technique :

La selle d’amazone est nommée la selle « à fourches » en raison des deux (ou trois, selon les modèles) fourches qui permettent de caler les jambes.
La jambe gauche, chaussée plutôt court dans un étrier est donc placée « normalement », mais bloquée en haut par une fourche qui vient se caler au dessus du genou.
La jambe droite passe par dessus et est maintenue sous la cuisse par l’autre.
Petite note : le pied droit ne doit pas être horizontal mais placé « pointe en bas » afin de ne pas dévoiler une chaussure qui remonterait !
La balancine est une « sangle  de plus » propre à la selle d’amazone qui est placée du côté droit (là où il n’y a pas de jambe donc). Son rôle est d’aider à équilibrer la selle et à répartir le poids. Pour cela, elle est relie l’arrière de la selle à la sangle.
L’amazone se tient bien droite, dans le sens du cheval, la rotation ne s’effectuant qu’au niveau des jambes. Le dos est donc préservé. L’épaule droite de l’amazone est sa plus grande sécurité : tant que l’épaule droite sera à sa place voir légèrement en arrière, le poids est équitablement réparti, et l’amazone n’est pas entraînée vers la gauche. En cas de problème (cheval un peu chaud, coups de culs, mauvaise réception d’obstacle) ou simplement sur une toute petite volte à main gauche, on pense à la reculer, et tout se passe bien !
Traditionnellement, une amazone monte les deux (ou quatre si elle est en bride) rênes dans la main gauche et le stick à main droite. Mais la plupart du temps, on les croise avec une rêne dans chaque main et le stick à droite en plus.
La monte en amazone est accessible à toutes les cavalières et tous les cavaliers (oui oui) quel que soit le niveau. Pour celles que ça intéresse, il est possible de pratiquer CSO, dressage, TREC, CCE… en amazone !

Un bon cheval d’amazone est un cheval plutôt porteur, musculairement fait (la selle est plus lourde qu’une selle anglaise) et bien dans sa tête. Bon un cheval normal en fait ! L’apprentissage aux aides de l’amazone se fait en général très vite s’il est bien mis.
sansjupe La monte amazone photo cheval
Pour les questions, les renseignements, la lutte contre les idées reçues, et les bonnes adresses, je reste à l’entière disposition !

Un petite conclusion : je viens d’acquérir une jeune jument, alors pour quelques années, j’ai mis ma selle lourde et confortable au placard, le temps pour elle d’apprendre l’équitation des humains, d’abord à califourchon, et quand le bon moment se présentera, celle des dames.

P.S. 1 : toute amazone que je suis, je monte quand même à califourchon… quand j’ai la flemme (héhé), ou quand l’occasion ne s’y prête pas !
P.S. 2 : messieurs ! À vos fourches ! L’équitation en amazone était aussi pratiquée par les hommes notamment pour retravailler des chevaux instables : tout simplement parce qu’au lieu de serrer le cheval avec ses jambes en cas de problème, et bien on serre les fourches ! Et en général, la pression retombe d’elle-même, et le cheval se détend beaucoup plus vite.
P.S. 3 : un coup de cul, un saut de mouton en amazone ? Même pas mal ! Les chutes sont plus rares avec ces selles, mais méfiance, parce qu’en général elles sont aussi plus impressionnantes.

Note historique finale : si on porte des culottes aujourd’hui, il faut remercier les amazones ! Et oui, autrefois, la « culotte » qui était alors un pantalon fendu était réservée aux prostituées. Une femme digne de ce nom n’en portait pas. Mais quand les mêmes femmes se sont mises à monter à cheval très régulièrement, et donc à choir, la question se reposa… tout autrement !

Photo n°3 par Pascaline Martin


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