Niveau d'eau liée

J’avais bien regardé le journal télévisé de France 2 ce lundi 10 novembre, en particulier le sujet « Les minorités veulent profiter de la vague Obama » et cependant quelques secondes m’avaient échappé. Fort heureusement, un blog de Libération m’a remis sur la voie et j’ai pu saisir cette intervention sur la captation vidéo de la chaîne. Il s’agit d’une brève phrase prononcée par Patrick Ollier. Je vous la livre ici dans sa splendeur immaculée : « Les candidats de couleur n’ont pas été élus, je le répète, parce qu’ils-z-avaient pas le niveau des élections ».
Malheureusement, bien qu’ayant été diffusée à la télévision, cette déclaration risque fort de ne pas tomber sous le coup de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, qui engage la responsabilité de l’auteur de propos injurieux. Si j’ai bien compris ma documentation, l’injure ne peut s’adresser qu’à une personne désignée, ce qui n’est pas le cas ici.
Cette phrase est cependant à forte connotation raciste. Elle attribue en effet un défaut de qualité à un groupe de personnes sur la seule constatation de la couleur de leur peau. De surcroît, elle est parfaitement inexacte. Pour pouvoir être élu sur un scrutin de liste, il faut figurer en position éligible sur la liste. Et la position sur une liste n’est pas fonction du niveau du candidat, mais dépend plutôt des tractations qui sont menées par les appareils des partis, avec une forte propension à favoriser les sortants et les alliés. Pour ce qui est des législatives, quand, comme M. Ollier, on est à l’UMP, décrocher un mandat de député dans les Hauts-de-Seine démontre à l'évidence un niveau exceptionnel et surtout un extraordinaire appétit pour se mesurer à l’opposition.
Ce qui est grave aussi, mais l’on frôle ici le domaine de la vie privée, c’est que M. Ollier est le compagnon de notre Ministre de l’Intérieur. S’il arrive à ces deux politiques, le soir à la veillée, de se raconter leur journée, il est tout à fait pernicieux que celle chargée, entre autres, de veiller à ce que les forces de police traitent de la même manière tous les citoyens, quelle que soit la couleur de leur peau, puisse entendre de telles considérations sur le niveau des gens de couleur.
Quand à M. Ollier, avant d’ouvrir la bouche, il ferait bien comme notre illustre président, de se payer un nègre. Il pourrait ainsi se hisser au niveau d’un député parlant français, et non petit-nègre, et dire plutôt : « parce qu’ils n’avaient pas le niveau ».